Imran Louza, le jeu plutôt que le je

Titrée au Mondial de Montaigu, qualifiée pour les phases finales U17 et U19, quart de finaliste de la Gambardella, la génération 99 du FC Nantes (Basila, Youan, Luvambo, Moustache etc.) a toujours brillé dans les catégories de jeunes. Imran Louza en était le capitaine et le métronome. Il a pourtant vu ses partenaires signer pro et intégrer la réserve quand lui restait bloqué en U19 lors de la saison 2016-2017. Il paraphera son premier contrat professionnel en février 2018, un an après Thomas Basila, Elie Youan, Taylor Luvambo ou encore Randal Kolo Muani (98). Entre temps, son statut a changé. Louza n’est plus le capitaine d’une équipe de jeunes qui domine ses adversaires. Il est devenu un joueur cadre de la réserve, qui lutte pour monter en N3. Frêle en apparence, il s’est intégré au football d’adultes avec une facilité déconcertante.

Pierre Aristouy, l’entraîneur de l’équipe réserve des Canaris, est tombé sous le charme de son milieu de terrain dès son retour au club (il y a été formé dans les années 90). « C’est un joueur intelligent, qui respecte le jeu et voit l’évidence », expliquait-il, l’année dernière, dans les colonnes du journal Ouest-France. Une appréciation réciproque entre les deux hommes. « Le coach m’a beaucoup aidé dans ma progression », reconnaissait Louza, toujours dans le quotidien régional. Sous les ordres d’Aristouy, le milieu relayeur connaît une montée de N3 en N2 puis une première place en N2 la saison suivante.

Gourcuff sous le charme

Le jeune technicien de la réserve du FC Nantes n’est pas le seul à avoir vu le talent de Louza dès le départ. « Imran, je ne le connaissais pas. Ça fait trois jours que je suis là. C’est un garçon qui me plaît bien dans tout. » En écoutant les mots de Christian Gourcuff lors de sa conférence de presse de présentation en août dernier, on se doutait que le milieu de terrain nantais allait, enfin, goûter au monde professionnel de façon durable.

Ce fut le cas. Même si tout ne fut pas simple dès le départ. Pour son premier match sur le banc des Canaris, face à Marseille (0-0), le technicien breton avait fait le choix de le titulariser à une inhabituelle position de milieu excentré droit. L’abondance de milieux axiaux (Rongier était toujours là, Touré, Abeid, Krhin, Moutoussamy etc.) et l’absence de joueurs de couloir ont contraint Christian Gourcuff à décaler Louza sur le côté. Un repositionnement que le jeune Canari a accepté sans rechigner, pour l’intérêt du collectif. « Comme il sait s’adapter, on peut être tenté de l’utiliser à plusieurs postes », précisait Pierre Aristouy à Ouest-France il y a plus d’un an. L’ancien entraîneur de Lorient a ainsi reproduit, de façon ponctuelle, le schéma qu’il utilisait chez les Merlus avec un joueur axial qui évolue en position de milieu excentré (Jouffre ou Amalfitano par exemple). Un poste que Louza a occupé pendant plusieurs matchs sans se montrer véritablement transcendant, même s’il a enchaîné cinq titularisations consécutives. Ses qualités techniques sont toujours visibles même si son influence sur le jeu de son équipe pâtit de son positionnement.

Paris FC, le déclic

L’apprentissage du haut niveau n’est un long fleuve tranquille que lorsque l’on s’appelle Kylian Mbappé ou Eduardo Camavinga. Pour les autres, ceux qui appartiennent au commun des mortels, il est accompagné de petits couacs qui permettent de grandir. Pour Louza, devenu international espoir dès le mois de septembre, ils sont arrivés successivement, en même temps que l’automne. D’abord, un penalty concédé naïvement dans les dernières minutes à Strasbourg, qui provoque la défaite des Jaunes (2-1). Puis un passage sur le banc pendant trois matchs. Avant, enfin, une suspension de quatre matchs (dont un avec sursis) pour avoir tenu des « propos blessants » à l’encontre du délégué d’une rencontre de R1 (*). Une suspension finalement ramenée à deux matchs ferme, après l’appel du FC Nantes. Il ne le sait sans doute pas à ce moment-là, mais cette décision va changer sa saison.

Grâce à sa sanction raccourcie, il peut disputer le 16e de finale de Coupe de la Ligue face au Paris FC. Une démonstration nantaise face à une équipe bis (8-0) qui permet à Louza d’être aligné pour la première fois de la saison à son poste de prédilection : milieu de terrain relayeur. Sans surprise, il brille. Un but, une passe décisive mais surtout une influence retrouvée sur le jeu de son équipe. Christian Gourcuff ne s’y est pas trompé. Depuis cette rencontre, il a toujours aligné Imran Louza dans son onze de départ en Ligue 1. Ce dernier reste sur 16 titularisations consécutives en championnat. Mieux, ses prestations abouties dans l’entrejeu lui ont ouvert la porte d’un poste qui semblait promis à la doublette Abeid-Touré.

Dans la tradition de la Jonelière

S’il s’est fait sa place aussi rapidement, c’est parce qu’il dispose d’un profil recherché dans le football moderne.  Un profil rare au sein de l’effectif du FC Nantes. C’est un joueur qui a le jeu comme seule idée directrice. Un joueur qui fait passer l’intérêt du collectif avant le sien. Un joueur qui rend ses coéquipiers meilleurs. Mais, également, un joueur avec de la personnalité avec le ballon. Guendouzi, Youssouf, Aouar, Caqueret, Camavinga, tous ces joueurs de la nouvelle génération se distinguent par leur capacité à prendre des risques dans leur jeu. Des risques qui permettent à l’équipe d’avancer. Louza est de cette trempe-là. Il suffit de voir ses dernières prestations, notamment son récital au Vélodrome, pour s’en rendre compte. Il apporte du liant entre la défense et l’attaque, fluidifie le jeu, apporte une meilleure maîtrise et, surtout, est dans la recherche constante de la passe vers l’avant.

Par la force des choses, il est donc, tout naturellement, devenu indispensable à son poste. Un poste marqué par le tampon de la Jonelière. Le centre de formation du FC Nantes, qui était une référence nationale pendant très longtemps, ne forme plus autant de bons joueurs qu’avant. En 2001, lors du dernier titre de champion de France des Canaris, 21 des 27 joueurs utilisés par Raynald Denoueix étaient issus de la Jonelière. Et il y en avait à tous les postes. Aujourd’hui, Nantes s’est fait une spécialité : former des milieux de terrain centraux. Depuis une dizaine d’années, la plupart des jeunes formés au club qui parviennent à gravir les échelons jusqu’à l’équipe première évoluent dans le cœur du jeu. Adrien Trébel, Jordan Veretout, Valentin Rongier, Amine Harit (même s’il peut jouer sur le côté), Abdoulaye Touré en sont le parfait exemple. Imran Louza est leur héritier.

Convoité cet été ?

Déjà suivi par plusieurs clubs – un intérêt du Milan AC a été évoqué ces derniers jours -, il pourrait vivre un été mouvementé avec plusieurs sollicitations malgré un contrat qui le lie au FCN jusqu’en 2024. Le jeune Nantais aura également comme objectif à court terme la participation aux Jeux Olympiques avec l’équipe de France. Présent lors de tous les rassemblements des Espoirs depuis septembre, il devra faire avec une forte concurrence au milieu : Guendouzi, Aouar, Tousart, Fofana, Soumaré ou encore Camavinga sont également éligibles pour y participer. A lui de parvenir à se faire une place parmi ces noms-là.

(*) : le 23 septembre, Imran Louza assiste à une rencontre de R1 entre Orvault et Mayenne. Un de ses meilleurs amis, Souareba Diakhaby, se blesse gravement (double fracture tibia-péroné). Louza rentre alors sur la pelouse pour se rendre au chevet de son ami et pour lui passer sa mère au téléphone. Sommé de sortir du terrain par le délégué, il lui aurait alors tenu des propos blessants.

Photo : Icon Sport

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