[Reportage] Red Star, en plein Bauer

À Saint-Ouen (93), deux endroits iconiques permettent de situer la ville sur une carte : son marché aux puces et le Stade Bauer, maison du Red Star FC depuis son inauguration, en 1909. Une enceinte mythique à l’architecture ancienne où règne une atmosphère populaire, qui fascine, du centre d’entraînement du club à Gennevilliers (92) à l’immeuble qui le borde. Zoom sur cette arène qui n’attend que le mois d’août et la reprise du championnat de National pour redonner de la voix.

« Les chants antifas font courir les fascistes », « Ni patrie, ni frontière », « Bauer, bastion du football populaire »… Même si l’antre du Red Star FC résonne creux en cette période estivale, les nombreux stickers collés sur les murs et les lampadaires aux abords du stade chantent pour lui. Ici, le message est clair : on soutient des causes. Et son club. Dans le centre de Saint-Ouen, le temps semble s’être arrêté, tant dans les infrastructures que dans certaines mentalités.

« Tu vois, même avec tout l’argent du Qatar, vous n’aurez jamais autant de valeurs que nous », se vante un homme âgé de la soixantaine auprès de son petit-fils, en pointant du doigt le blason du Red Star. « Oui, mais votre stade il est pourri », lui répond l’enfant vêtu d’un maillot domicile 2018-19 du PSG. Si certains voient ce stade comme un vestige, d’autres le perçoivent comme un trésor. Un écrin rempli d’histoire et de caractère, qui devrait rouvrir en août pour le début du championnat de National.

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Sur le parking situé en face de l’Olympic de Saint-Ouen, le bar des supporters, Vincent Chutet-Mezence attend l’arrivée de Rachid Oudjoudi, le gardien du Stade Bauer, pour accéder à l’enceinte. Revenu de Grenoble, le président du collectif Red Star Bauer en profite pour saluer des amis qu’il n’a pas vus depuis un moment. Né à quelques centaines de mètres de l’enceinte, à la porte de Clignancourt, Vincent y vient depuis 26 ans. Bien qu’il n’y soit plus retourné depuis le 6 mars dernier face à l’US Concarneau (1-2), une fois la porte du stade ouverte par Rachid, les automatismes reviennent. Il prend instinctivement la direction du local des supporters, puis de la Première Est, partie de la tribune où siègent les ultras les jours de match.

Le mot d’ordre : résistance

Avec son toit en tôle, ses gradins en béton et ses piliers métalliques, qui bouchent parfois la vue des spectateurs, la seule tribune du stade aux normes respire le football d’avant. Baptisée Rino Della Negra, elle porte le nom d’un ancien résistant et footballeur, fusillé en 1944 par les nazis. Même s’il n’a participé qu’à un seul match sous la bannière de l’Étoile Rouge, l’homme est devenu une icône du club. « C’est son histoire que nous défendons à Bauer, raconte Vincent Chutet-Mezence, posé contre la grille qui sépare les travées du terrain. Il véhiculait des valeurs qui nous parlent. »

Les soirs de match, elles sont appliquées. Quêtes pour les réfugiés, chants pour encourager les cheminots pendant les grèves, etc., les actions menées dans ce stade de 3 000 places sont uniques en France. « Nous avons un rôle social dans la ville et ses alentours. C’est notre manière de concevoir le supportérisme », lance Vincent Chutet-Mezence.

Planète Z et maillot du HAC

En face de la tribune Rino Della Negra, la végétation devient luxuriante. Plantes vertes, mûres bien mauves et même arbustes remplacent les supporters. Comme le virage, cette tribune latérale est fermée, par sécurité. Ce que ne sera jamais le cas de la « Planète Z », l’immeuble situé derrière le but qui s’apparente à une quatrième tribune. Construit par l’architecte Jacques Starkier entre 1976 et 1979, le HLM tirerait son surnom de sa forme pyramidale, qui rappelle la dernière lettre de l’alphabet. Sous ses faux airs d’hôtel de station balnéaire, la bâtisse située au 27 rue Etienne Dolet comprend 129 logements sociaux, habités par certains aficionados de l’Étoile Rouge.

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Au troisième étage, différentes odeurs émanent des appartements. Le locataire du 2324 prépare un délicieux poulet frit, tandis que son vis à vis se remémore sans doute son passage chez Sephora, tellement l’effluve du parfum lui pique le nez. Chez Orida Bouaifel, on respire la sympathie, comme en témoigne son sourire permanent. Cette Audonienne pure souche réside dans le bâtiment depuis 15 ans. Dans son appartement, la sexagénaire possède deux fenêtres qui donnent sur le terrain synthétique de Bauer. « Ici, on voit tout en direct, déclare Orida. Par contre, je dois dire que le foot ce n’est pas mon délire. J’apprécie le Red Star car c’est une marque. On est très critiqués dans le 93, on a une sale renommée. Le club permet de la changer. »

Quelques portes plus loin, chez Berte Sidy, le football est religion. Alou, son fils, est vêtu d’un maillot de Manchester United, tandis que lui étrenne un maillot du Havre AC, frappé du logo d’Airness. S’il habite ici depuis seulement deux ans, l’homme de 44 ans apprécie beaucoup son logement. « Aller voir des matches au stade c’est bien, mais à la maison c’est mieux, admet Berte, accoudé sur la table à manger. Quel que soit le match, je regarde. » Lui, qui a joué au Red Star jusqu’à ses 20 ans, n’hésite pas à se rendre sur la terrasse du voisin les soirs de match, voire accueillir certains membres de sa famille. Si certains supporters de l’immeuble peuvent se montrer bruyants, pour l’heure, Berte n’a pas eu écho qu’un d’entre eux ait craqué un fumigène. « Je pense qu’un jour ça va se faire ! Quand on montera en Ligue 2 ou en Ligue 1 », déclare en riant Berte.

« Bauer mérite des rénovations »

Pour cela, il faudra compter sur les joueurs qui entament leur pré-saison à Gennevilliers, où se trouve leur centre d’entraînement. Situé dans une ancienne gare à environ 1h de trajet de Bauer, le complexe dispose de bungalows aménagés, qui servent de pièces détente voire de bureaux. Sur l’un d’entre eux, deux photos illustrant le bastion du Red Star sont affichées. Encore lui.

Sur la pelouse, les joueurs de champ étrennent des maillots noirs et les gardiens, des rouges. Parmi eux, de nouveaux visages font leur apparition dans l’effectif du Red Star, à l’instar de Nathan Bizet. En provenance de Dunkerque, il intègre la formation du 93 pour rééditer sa performance de la saison dernière : monter en Ligue 2. Après seulement deux semaines au sein du club, l’avant-centre se montrait déjà impatient de retrouver le Stade Bauer, avec le bon maillot cette fois-ci.

« Là-bas, les supporters sont derrière l’équipe peu importe le scénario. C’est l’une des meilleures ambiances de National. Ici, il y a une histoire qu’on essaye de s’approprier. » Un sentiment que partage le gardien de but Paul Charruau : « Cette ferveur, on ne la retrouve pas partout. C’est une chance de l’avoir au Red Star. Bauer mérite des rénovations. » Un souhait qui pourrait bien devenir réalité avec l’élection du nouveau maire de Saint-Ouen, Karim Bouamrane, un amoureux du Red Star. Son objectif : transformer l’enceinte en un stade 100 % green, aussi bien dans sa couleur que dans sa conception. Une volonté qui devrait faire le Bauer des supporters.

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Trois questions à Vincent Bordot, coach du Red Star FC

Est-ce compliqué de commencer la pré-saison après 4 mois sans pratique, avec, en prime, un effectif bien renouvelé ?

Le plus difficile à gérer c’est surtout la reprise. Les joueurs n’ont pas pu travailler la technique avec ballon. On est donc parti sur une préparation de huit semaines. Les deux premières étaient assez calmes. On est rentré dans le vif du sujet avec les matchs amicaux.

Sur quoi as-tu basé ton recrutement ?

La volonté de recruter est venue de moi. J’ai été chercher des joueurs qui venaient de divisions inférieures et qui avaient envie de faire leurs preuves en National. Je souhaitais recruter des profils rapides, capables de s’adapter à plusieurs postes. Je voulais aussi garder certains joueurs d’expérience comme Jérémy Labor et Djiman Koukou.

Beaucoup de supporters réclament des joueurs qui ont l’ADN du Red Star, comment pourrais-tu la décrire ?

Respect et combativité, les mêmes valeurs que j’inculque aux joueurs. Il faut être exemplaire en étant courtois avec les fans et le staff. Et bien sûr, se donner à 100 % sur le terrain car les supporters veulent des guerriers. Au début ça fait peur, mais tu t’aperçois vite qu’ils sont là pour toi !

Par Pierre-Alain Perennou (@pa_perennou)

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