LOSC : Benjamin André, le mésestimé

Si nombre de milieux de terrain évoluant en Ligue 1 ont enflammé les gazettes ces dernières saisons, lui n’en a jamais fait partie. Pas le plus médiatique ni le plus spectaculaire, Benjamin André n’en reste pas moins l’un des meilleurs joueurs du championnat de France. Modèle de régularité, le Dogue ne bénéficie pas de la reconnaissance que ses performances méritent. À quelques heures d’un match à Geoffroy-Guichard auquel il devrait prendre part, retour sur le parcours d’un joueur encore trop mésestimé.

La grande bleue comme point de départ

L’aventure entre le ballon rond et Benjamin André débute au Stade Raphaëlois en 1996. De 6 à 15 ans, c’est là, non loin de sa cité niçoise natale, que le jeune garçon va se former et se forger. Il n’est âgé que de neuf ans lorsque la première grande épreuve de sa vie, le décès de son père, vient l’éprouver. Malgré son jeune âge, il la surmonte et en ressort même renforcé. Décrit comme un leader naturel combatif et courageux par son formateur Gaëtan Laclef, Benjamin est aussi un footballeur talentueux. Cet alliage idéal va être remarqué par un autre club méditerranéen. En 2005, il quitte Saint-Raphaël, direction l’île de beauté et l’AC Ajaccio.

Dans la cité impériale, il va tout connaître. Après deux saisons en catégories jeunes, Gernot Rohr, entraîneur des Acéistes à l’époque, l’intègre au groupe professionnel au début de la saison 2008-09. Le 22 août 2008, Benjamin fait ses premiers pas sur un terrain professionnel lors d’un déplacement au stade Louis Dugauguez (1-1). Il ne lui faudra pas plus de trois mois et la réception de Boulogne (0-2) pour s’emparer d’une place de titulaire qu’il ne lâchera plus. Six ans durant, André défend les couleurs de son club de cœur, avec en point d’orgue l’accession en Ligue 1 en 2011.

Cap à l’Ouest

En 2014, après six saisons de bons et loyaux services, en Ligue 2 puis en Ligue 1, Benjamin André quitte l’ACA. Libre et à l’issue d’un exercice achevé à la dernière place de première division, ce départ a un goût amer. Mais la progression du milieu de terrain le nécessite. Direction donc la Bretagne et le Stade Rennais. En Ille-et-Vilaine, les débuts ne sont pas faciles, et le Niçois alterne entre tribunes, banc et terrain pendant près de huit mois. Mais en mars 2015, Benjamin André s’impose comme un titulaire indiscutable du milieu de terrain rouge et noir. Statut qu’il ne quittera plus durant le reste de son séjour dans la capitale bretonne. Pendant quatre ans, son nom est l’un des premiers, si ce n’est le premier, que les différents techniciens rennais couchent sur leur feuille de match. Au début de la saison 2016-17, Christian Gourcuff le nomme même capitaine.

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C’est brassard au biceps que l’ancien acéiste va participer au démarrage de l’ascension du Stade Rennais, passé en moins de trois ans du ventre mou du championnat au podium et à la Ligue des champions. D’abord avec Sabri Lamouchi qui, entre novembre 2017 et décembre 2018, relance l’équipe et la conduit vers une qualification en Ligue Europa. Puis avec Julien Stephan, pour une saison 2018-19 historique. En C3, Rennes s’extirpe difficilement des poules, puis élimine le Real Betis (3-3, 3-1) avant de céder en huitièmes de finale face à Arsenal (3-1, 0-3) dans des circonstances frustrantes. Mais si ce parcours a enivré et décomplexé tout un club, c’est la victoire en Coupe de France qui fera date.

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Benjamin André aura d’ailleurs une part prépondérante dans ce succès, en inscrivant un but lors de la qualification aux forceps à Lyon (3-2) en demi-finale. En finale, après avoir été menés 2-0 à la pause, les Bretons reviennent et s’imposent aux tirs au but (6-5) face au Paris Saint-Germain. C’est lui le capitaine qui, d’une main, partageant ce moment avec Romain Danzé, soulève un trophée qui met fin à des années de moqueries et d’échecs pour le Stade Rennais.

Cette image de Benjamin André avec le maillot à l’Hermine sera la dernière. Préservé pour une fin de championnat sans enjeu, le capitaine quittera le navire durant l’été. Le devoir accompli et sa place acquise dans l’histoire du club breton.

Les étoiles du Nord

Après l’Ouest, direction le Nord et son étoile. Ou plutôt ses étoiles. Car si le milieu signe chez les Dogues, les si brillants astres de la Ligue des champions n’y sont pas étrangers. Après cinq saisons, le capitanat, la découverte de l’Europe et un titre à Rennes, la plus prestigieuse des compétitions du Vieux continent est la suite logique. Se sentant vraiment désiré par le club, c’est sur le LOSC que son choix va se porter.

Le groupe dans lequel André débarque, bien qu’auréolé d’une brillante deuxième place la saison précédente, manque un peu d’expérience et s’apprête à perdre son meilleur joueur, Nicolas Pépé. Dans un groupe lillois amené à connaître beaucoup de mouvements du fait du projet du club, Benjamin André, qui est recruté pour remplacer Thiago Mendes parti à Lyon, aura pour mission d’apporter sérénité et garanties. La réussite est totale. Dès sa première saison, il devient un indiscutable de Christophe Galtier. En Ligue 1, il ne manque que deux rencontres et ne débute que trois fois sur le banc (23 titularisations sur 28 possibles). Pour sa découverte de la Ligue des champions, même topo : cinq titularisations sur six possibles. Il signe même deux passes décisives et se voit confier le brassard lors de la réception de l’Ajax Amsterdam.

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Si collectivement la saison 2019-20 est frustrante pour le LOSC, individuellement, elle est une réussite pour Benjamin André. Et en ce début d’exercice 2020-21, le milieu de terrain semble repartir sur d’encore meilleures bases. Titulaire lors des dix premières journées dans une équipe seulement battue à Brest (3-2), il enchaîne les très bonnes prestations. Et n’est pas étranger à l’impact d’un Renato Sanches (son habituel binôme du milieu) totalement retrouvé.

Un précieux régulateur

Car oui, voilà l’une des caractéristiques de Benjamin André : sa faculté à bien faire jouer les autres, à les mettre dans de bonnes conditions. Il n’est pas celui qui saute aux yeux quand on regarde un match, mais l’un de ces joueurs garant de l’équilibre collectif si important à l’expression efficace d’une équipe.

Après avoir souvent changé de position dans sa carrière (il évoluait régulièrement comme milieu excentré voire ailier avec Ajaccio, a été testé comme arrière droit et dans différents rôles dans l’entrejeu à Rennes), il est désormais fixé à un poste de milieu de terrain axial depuis plusieurs saisons. Plus défensif que box-to-box, on retrouve souvent son nom dans les hauteurs des classements statistiques de duels gagnés, interceptions et autres tacles. À la récupération, le Lillois compte. Mais sans pour autant s’y limiter. Si sa ligne de stats offensive est peu garnie (17 buts et 21 passes décisives en 286 matches de L1), il n’en est pas moins juste dans son jeu de passes. Propre et efficace à la construction ou à la conservation, sa technique sûre est très utile à son équipe dans les deux premiers tiers du terrain. Très fort dans les duels, mobile, il représente en outre un solide atout à l’heure d’affronter une des désormais clés transitions défensives.

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Autre caractéristique, son leadership. Vanté pour ça depuis son plus jeune âge, il est un joueur qui, par l’exemple, amène les autres avec lui. Capitaine emblématique à Rennes, il a immédiatement pris une solide épaisseur dans le groupe lillois. Grinta et lecture du jeu complètent la palette de l’un des meilleurs milieux de Ligue 1 des dernières années.

Milieu équilibrant par excellence, leader par l’exemple, Benjamin André est de cette catégorie de joueur indispensable à un collectif. Adulé à Ajaccio, sa terre d’adoption, regretté à Rennes, après y avoir dépoussiéré l’armoire à trophée et aujourd’hui reconnu à Lille, il a su faire l’unanimité partout où sa carrière l’a mené.

Crédit photo : Icon Sport

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