Chelsea : Les maux des Blues

Avec deux défaites et un nul depuis Noël, les fêtes riment avec mal de tête pour Chelsea. L’équipe a sorti sa meilleure luge pour glisser au classement et a du mal à freiner sa chute. Après une bonne série en novembre, Frank Lampard conclut l’année par une rature et se met en danger. Zoom sur la première partie de saison des Blues.

Pour vivre son rêve bleu, Super Frank a fait quelques vœux durant le mercato. Alors pourquoi pas une défense toute neuve, deux gauchers soyeux et un attaquant supersonique ? Pour invoquer le génie, suffit de frotter le chéquier et hop, Marina Granovskaia apparaît. Ni une, ni deux, voilà les vœux de Chelsea exaucés. Mais certains rêves ne s’achètent pas et le jeu des Londoniens est loin d’être féérique.

Nouvelle défense pour une nouvelle vie

La saison passée, c’était clairement le fashion faux pas pour la défense des Blues. A lot of boulettes, des espaces béants à tire-larigot et une bonne flopée de buts. Résultats, 54 pions encaissés et seulement la 11ème défense du Royaume. Alors pour parer à cela, Chelsea a misé sur la french touch. Deux venus de Ligue 1 avec Thiago Silva et Édouard Mendy, l’accent brésilien en prime. Ajoutez à ça l’élégance british d’un Ben Chilwell arraché à Leicester pour une arrière-garde qui fait peau neuve. De sa nouvelle assise défensive, les Londoniens tirent parti d’une qualité intrinsèque bien supérieure à celle du passé. Les erreurs individuelles répétitives sont beaucoup plus rares et les buts casquettes aussi.

Mendy a commencé fort la saison en Premier League. Il compte déjà 6 clean sheets et se veut très rassurant sur sa ligne. Il est également capable de sortir, avec 10 actions défensives en dehors de sa surface en championnat. Une qualité utile quand on sait que la charnière a tendance à sortir assez haut sur le porteur, ce qui laisse parfois des espaces dans le dos. Néanmoins, le portier est rentré dans le rang. Il a encaissé 12 buts mais affiche seulement 11 PSxG. Autrement dit, le Sénégalais a pris un pion de plus qu’attendu. Son bon ratio de 0,92 but encaissé par match est donc à relativiser. Chelsea concède peu de tirs cadrés, 33 avec Mendy dans les cages, mais l’ex-rennais ne surperforme pas au moment de les arrêter.

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Les centraux, Silva et Zouma, forment une paire complémentaire qui assure plusieurs garanties. D’abord, l’ex-capitaine du PSG assure la relance et compense quand l’ancien stéphanois est plus véloce. Le duo brille aussi dans les airs, Chelsea remporte 53,9% de ses duels aériens, ce qui en fait la cinquième équipe du championnat dans cet exercice. Avec déjà 8 buts sur coups de pieds arrêtés, les précis centreurs Mount, James, Ziyech ou Chilwell ciblent Zouma. Kurt a déjà planté 4 fois cette saison et TS à 2 reprises. Les deux hommes aiment partir d’assez loin sur corner, l’un coupant au premier poteau pour libérer l’autre qui arrive lancé ou alors effectue un block pour gêner le marquage.

Absence d’animation

Les Blues affichent un indicateur de 17,59 xGA, c’est-à-dire le nombre de buts encaissés attendus, ce qui en fait la troisième défense la plus solide de Premier League. Mais cette amélioration tient en grande partie à la qualité des recrues. L’absence de travail tactique pénalise la garde londonienne et c’est ainsi qu’elle a explosé face à City. La bande à Pep a très facilement neutralisé le 4-3-3 rigide de Lampard.

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En rentrant à l’intérieur en phase offensive, Cancelo a créé le surnombre au milieu et pris de court un Kanté esseulé en pointe basse. Ceci a permis à Sterling notamment de jouer des 1v1 sur son aile dans les 30 derniers mètres. Avec un système sans 9, les décrochages de De Bruyne ont sans cesse attirés un central, libérant de l’espace dans le dos pour Foden ou Sterling. En se créant un maximum d’espaces, les Skyblues ont puni au prix fort le manque de flexibilité de Chelsea.

Si ce fut fort visible dimanche, il est régulier pour l’équipe londonienne de subir difficilement le pressing adverse. En particulier face aux pressings ciblés sur le côté droit. À gauche, la qualité de Thiago Silva lui permet de trouver des lignes de passes compliquées dans les intervalles et Chilwell joue haut ce qui libère de l’espace. En revanche, à droite, Azpilicueta est beaucoup plus bas et peine à ressortir face à la pression. Aston Villa avait posé de gros problème aux Blues en ciblant nettement ce côté. Ce jour-là, c’était Christensen et Azpi à droite, avec Jorginho devant en pointe basse.

L’Italien aimante beaucoup de ballons à la relance mais est peu vertical et ne permet pas de faire ressortir le bloc. Étant donné le manque de mouvement au milieu, dès que les lignes et le marquage adverses se resserrent, les relayeurs sont coupés et les Blues se retrouvent enfermés. Pour palier à ça, Reece James est une solution évidente mais apporte moins de garanties défensives qu’Azpilicueta. On a également vu Silva et Zouma permuter contre City pour compenser la faiblesse de la relance à droite, sans succès.

Prince Hakim

« Faites place, au prince Ali Hakim ! Bande de veinard, dégagez l’bazar. Et vous allez voir, c’que vous allez voir. Venez applaudir, acclamer la superstar ! » Outre cet interlude musical, il faut avouer que pour appeler le génie, Hakim Ziyech est plutôt doué. Blessé en début de saison, le retour du Marocain correspond à la bonne période de Chelsea entre fin octobre et début décembre. L’ex-magicien de l’Ajax a gommé, ou plutôt camouflé, quelques-uns des problèmes londoniens.

Son rôle de créateur dans le dernier tiers permet aux Blues de décanter des situations malgré le manque de mouvement. Faute de réelle animation offensive, Ziyech déséquilibre lui-même les blocs bas grâce à ses multiples facultés. Meneur excentré mais capable de dézoner, ses prises de balles sont souvent proches de la touche d’où il s’exprime librement. Il peut rentrer dans l’axe en portant la balle, distiller des ballons au second poteau ou combiner avec Reece James. Lorsqu’il n’est pas là, son profil manque cruellement et la créativité pêche.

Le Marocain provoque une bonne partie du mouvement qui manque au collectif londonien. Une dépendance qui se traduit aussi statistiquement. Par 90 minutes, il affiche 2,8 passes réussies dans la surface, 2,6 passes clés avec et 6,2 passes vers l’avant*. Il est le second de son équipe dans ces trois catégories. Ses transmissions sont d’ailleurs plutôt dangereuses car, toujours par 90 minutes, il tourne à 0,42 xA, soit le sixième meilleur ratio du championnat.

*Passes qui font avancer le ballon à plus de 10 mètres de son point le plus éloigné lors des six dernières passes.

Ces stats sont à relativiser car rapportées à un match complet, or Ziyech joue en moyenne 56 minutes par rencontre. Mais sur ses huit matches de championnats, elles dégagent tout de même une tendance. Sa nouvelle blessure en décembre marque le début de la mauvaise série de Chelsea. Son absence a pesé, d’autant que l’opposition était plus âpre qu’en novembre. Un vilain 0 pointé en trois déplacements et 7 points sur 12 à domicile durant le dernier mois de l’année.

Stats de Ziyech via understat.com. Si les valeurs varient un peu par rapport à celle de Fbref.com, la tendance demeure. Nuançons tout de même en ajoutant qu’il a surtout affronté des équipes de deuxième partie de tableau.

Si les résultats de Chelsea sont fluctuants, les Londoniens ont aussi perdu des points de manière évitable. Selon l’indicateur d’expected points, les Blues devraient être sur le podium avec 31,72 xPTS. Seulement, leur huitième place actuelle s’explique par des dominations stériles qui n’ont pas offert la victoire. Les hommes de Lampard ont été pris à défaut face à des blocs bas et solides, 0-0 contre Tottenham ou défaite 2-1 chez les Wolves, alors qu’ils ont eu de meilleures positions de tir. De la même manière, les erreurs individuelles si coûteuses l’an passé ont aussi frappé en début de saison comme lors du 3-3 face à West Bromwich. Les Londoniens étaient pourtant bien plus dangereux avec 2,36 xG contre 0,91 xG pour WBA.

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La terre du milieu : l’ombre du pressing

Le milieu de Chelsea n’est pas dénué de qualités mais peine parfois à convaincre tant l’équipe est statique. Nous l’avons abordé, se sortir du pressing est complexe pour la défense et les relais au milieu difficilement trouvés. Jorginho a trop de mal face à la pression adverse quand il est aligné et enferme le bloc assez bas sur le terrain. C’est le plus souvent Kanté, Kovačić et Mount qui débutent les parties, avec N’Golo en pointe basse de ce milieu à trois.

Le Français assure la transition défensive et avec le Croate, ils gèrent la relance à la récupération. Mais les deux hommes peuvent vite être freinés lorsque les lignes adverses se resserrent. Kovačić est un 8 avec de vraies qualités techniques, qui lui garantissent d’être propre avec le ballon, mais donne l’impression visuelle d’être émoussé physiquement. Un sentiment possiblement confirmé par certaines stats, il réalise par exemple en moyenne 16,5 pressions sur le porteur adverse par 90 minutes. L’an passé, ce chiffre était de 23,2 et de 26,4 en 2018-2019.

Mason Mount, lui, évolue un peu plus haut. Parfois moqué pour être le chouchou du prof, il faut avouer qu’il rend souvent de bonnes copies. D’autant plus lorsque Ziyech est absent, il assure du mouvement au milieu et se place en acteur principal de la projection vers l’avant. Son rôle d’animateur dans le demi-espace gauche lui permet de compenser les rentrées de Pulisic dans l’axe ou les montées de Chilwell. Mason joue vers l’avant balle au pied mais aussi sur transition où ses ouvertures sont souvent précises. Sa qualité pour botter les corners est à souligner, il a déjà distribué 3 passes décisives sur cette phase de jeu en Premier League. Avec 2,3 passes clés par match en moyenne, l’Anglais pèse dans un entrejeu qui peine à se projeter.

Mason Mount dézone énormément et compense le manque de mouvement de l’équipe. Sa zone principale reste le half-space gauche.

Là où Chelsea a du mal sous pression, l’équipe se montre aussi maladroite lorsque c’est à son tour d’aller au pressing. La méthode est parfois désorganisée, on voit souvent un joueur presser seul sans vraiment être accompagné. Si Ziyech multiplie les courses lorsqu’il est là, les secondes lames traînent à accompagner le mouvement. Sans soutien, le presseur ne sait pas vraiment s’il doit fermer l’axe ou bloquer son couloir, ce qui donne souvent un effort inefficace. Sur certaines séquences, on peut parfois voir que Kanté est le joueur à sortir le plus haut sur le terrain. Cela libère des espaces dans son dos et si la relance passe cette première ligne, le Français ne peut plus assurer la transition défensive.

Intégrations ratées

Parmi les recrues, deux vivent une première partie de saison compliquée. Ces jeunes chenapans nous viennent tout droit de Bundesliga, championnat où le mouvement et l’attaque des espaces sont élémentaires. Entraînés l’an passé par Peter Bosz et Julian Nagelsmann, le passage à la frivole tactique de Chelsea peut déboussoler. Allez, commençons par le plus cher.

Avec le Bayer Leverkusen, Kai Havertz a expérimenté avec succès de nombreux postes sur le terrain. Une polyvalence intéressante à exploiter pour Chelsea et plusieurs options à la clé. En début de saison, l’Allemand a montré de belle choses dans le 4-2-3-1 de Lampard. D’abord timide, son positionnement en 10 lui offrait une liberté entre les lignes dans laquelle s’exprime le mieux son football. Mais après le passage en 4-3-3, il a surtout été utilisé en relayeur et parfois sur l’aile droite. En 8, sa capacité de projection est intéressante, en particulier avec les problèmes des Blues au milieu.

Il n’est cependant que peu souvent aligné d’entrée et on a la sensation que Lampard n’essaie pas vraiment de l’intégrer pleinement au projet. Havertz aurait pu être testé en faux 9, associé à des profils plongeants dans son dos, tels que Werner. Kai est capable de créer beaucoup d’espaces par ses décrochages et son toucher dans les petits périmètres. Il est dommage de ne pas avoir tenté de le responsabiliser davantage, en particulier lorsque Ziyech était blessé et que Chelsea peinait à créer des déséquilibres.

Pour Timo Werner, les débuts étaient réussis, en tout cas sur le plan statistique. Il a planté à 8 reprises cette saison mais pas une fois depuis le 7 novembre dernier. Un peu comme Havertz, le coach des Blues a mal utilisé le profil de l’ancien de Leipzig. Werner est un joueur d’espace, il a besoin de champ pour s’exprimer et a du déchet. Un déchet qu’il faut assumer au prix de quelques ratés mais une grande qualité en transitions. Seulement, sans animation offensive, l’Allemand est systématiquement servi dans les pieds et joue une partition qui n’est pas la sienne. À défaut d’attaquer des espaces dans le dos, il doit difficilement conduire son ballon près des défenseurs. On peut reprocher à Timo d’être un croqueur, moins d’être sacrifié dans un registre qui ne lui sied pas.

Au-delà des mauvais résultats comptables, ses échecs pourraient coûter chers à Lampard. Au vu du tarif aligné, leur utilisation questionnable a de quoi frustrer. D’autant que d’autres options offrent un meilleur rendement. À gauche, la complémentarité entre Christian Pulišić et Ben Chilwell fonctionne bien. L’Américain est un joueur de percussion très remuant, le meilleur dribbleur de son équipe avec 3 dribbles par match en championnat. Un schéma très fréquent : l’ailier fixe balle au pied en rentrant dans l’axe depuis son côté. Il attire d’abord son latéral qui l’accompagne et mobilise un central puisqu’il attaque le demi-espace entre les deux. Cela ouvre alors l’aile pour Chilwell qui dédouble le long de la ligne. Avec son pied très précis, le gaucher peut délivrer quelques galettes (des rois) à sa guise.

Sans être indiscutable, Olivier Giroud apporte une vraie plus-value à cette équipe des Blues. D’abord, son très bon jeu de tête est une arme de plus pour cet effectif doué sur coups de pieds arrêtés et munis de bons centreurs. De plus, il est un point de fixation fort utile pour la rentrée des ailiers, ce qui permet d’ouvrir l’espace à des latéraux qui aiment se projeter comme Chilwell et James. Il est le buteur le plus régulier et convaincant des siens cette saison. Tammy Abraham pèse moins dans le jeu tandis que Werner n’a ni les espaces ni le mouvement dont il a besoin pour performer.

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Après ce mois de décembre raté, Frank Lampard a perdu beaucoup de crédit. Le coach des Blues est à la peine tactiquement et son adaptation en cours de match n’est pas plus convaincante. Il serait faux d’affirmer qu’absolument rien n’a fonctionné durant cette première partie de saison. Seulement, le goût sucré du mercato s’est transformé en un rendu assez fade. Alors attention Frankie, ta tête est mise à prix.

Crédit photo : Icon Sport

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