João Félix, grand attaquant ou flop annoncé ?

Après un triplé en Ligue Europa face à l’Eintracht Francfort, l’Europe n’avait plus que le nom de João Félix à la bouche. Le jeune (19 ans) attaquant de Benfica semble déjà trop fort pour son club formateur, et un départ s’avère inévitable dès cet été. Mais les nombreuses pépites du club lisboète ont parfois connu un destin moins reluisant que ce qu’on leur promettait.

Les yeux humides, Hugo ajuste sa casquette et retrouve sa concentration, au cas où il faudrait donner un nouveau ballon au gardien de Setúbal. Hugo, c’est le petit frère de João. Tout juste âgé de 15 ans et formé actuellement à Benfica, il joue le rôle de ramasseur de balle pour son club. Et en ce dimanche du mois d’avril, il fut aux premières loges d’un nouveau but de son grand frère à l’Estádio da Luz. João Félix s’est aussitôt rué vers lui afin de célébrer, suivi de ses coéquipiers. Une scène touchante et précieuse, car les chances qu’elle puisse se reproduire la saison prochaine sont extrêmement minces.

La jurisprudence Renato Sanches

Oui, João Félix est un débutant. Âgé de 19 ans, il dispute sa première saison en professionnels. Sauf qu’il n’est pas n’importe quel débutant. Nous parlons ici d’un prodige à qui il n’a fallu que quelques mois pour devenir un rouage indispensable du leader du championnat portugais. Comme un signe annonciateur de sa saison, il inscrivait son premier but dès son 3eme match, lors du derby face au Sporting, égalisant à 5 minutes de la fin (1-1). Ses débuts sont néanmoins limités par une blessure à la cheville et par Jonas, qui met but sur but avant que les pépins physiques ne le rattrapent. Puis le 6 janvier, le nouvel entraîneur, Bruno Lage, lui offre sa première titularisation dans l’axe. Résultat : un doublé et une victoire 4-2 face à Rio Ave. Depuis, João Félix a débuté tous les matches de toutes les compétitions (24) pour des statistiques qui symbolisent son niveau d’excellence : 13 buts et 9 passes décisives, 16 victoires en 17 matches de championnat.

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Le néo-international portugais n’est pas une exception dans l’histoire de Benfica. Trois ans plus tôt, Renato Sanches connaissait un destin quasi identique : titulaire indiscutable du jour au lendemain en club, explosion sur la scène européenne et même un titre avec la sélection. Aujourd’hui, le milieu de terrain de 21 ans n’est que l’ombre de lui-même. Il n’a jamais digéré un transfert à hauteur de 35 millions (hors bonus) au Bayern Munich et n’a donc pas confirmé. Pour un montant assez proche, Gonçalo Guedes s’est raté au PSG avant de se relancer brillamment à Valence. En 2014, Lazar Marković signe à Liverpool contre 25M€ après une seule (mais grande) saison chez les Aigles. Depuis, le Serbe a connu cinq clubs, dont Fulham qui l’a fait jouer 45 minutes depuis février. Rúben Dias est passé proche d’un gros transfert à Lyon l’été dernier, et le défenseur a éprouvé les plus grandes peines à confirmer sous le maillot benfiquiste cette saison. On pourrait élargir la liste à Porto et André Silva, qui a migré à l’AC Milan en échange de 38M€ et qui ne s’est imposé ni en Italie, ni en Espagne du côté de Séville.

La pression ? Il s’assied dessus

Bien sûr, il n’y a pas eu que des échecs. D’autant plus que chacun possède des raisons qui lui sont propres, entre contexte défavorable, rude concurrence et coach inadéquat. Mais plusieurs pépites de Benfica n’ont pas répondu aux attentes et laissent penser qu’elles sont parties trop tôt. Surtout, João Félix semble constituer (pour l’instant) le joyau ultime de cette collection. Les rumeurs l’envoient soit en Premier League, soit à la Juventus. Le montant ? Le SLB insiste sur sa clause libératoire de 120M€, qui ne devrait toutefois pas être atteinte. À titre indicatif, le joueur vendu le plus cher par Benfica reste Raúl Jiménez à Wolverhampton, dont le prix de 41M€ semble dérisoire en comparaison avec le jeune attaquant. Il paraît également déraisonnable qu’un club prenne le risque de débourser une telle somme pour un joueur qui n’offre quasiment aucune garantie. Le passé démontre que le club acheteur est rarement gagnant, même si l’idée de voir Cristiano Ronaldo épauler son compatriote laisse rêveur.

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Pour autant, l’engouement autour de João Félix existe pour une raison. Au-delà de son chef-d’œuvre face à Francfort, le joueur formé à Porto (oui oui) fait fi d’une folle régularité et d’une certaine polyvalence. Son grand sens du but et ses qualités de finisseurs ne doivent pas éclipser son aisance balle au pied et sa vision du jeu d’une maturité époustouflante. Quant à la pression, il s’assied dessus. Félix s’est baladé sur la pelouse du Sporting (4-2) en février dernier, signant un but plein de sang-froid, un autre d’une frappe lourde aux 20 mètres injustement refusé et un penalty provoqué. Le mois suivant, il crucifie Iker Casillas dans l’antre de Porto pour égaliser (1-1, victoire finale 2-1 qui place Benfica 1er au classement). Jusqu’à présent, le natif de Viseu marche sur l’eau, étant décisif en moyenne toutes les 71 minutes en Liga Nos. Seul son coéquipier Haris Seferovic fait mieux (toutes les 66 minutes).

Cependant, ces accomplissements ne peuvent faire oublier ses difficultés en Ligue Europa. Hormis le quart de final aller contre Francfort, João Félix n’a pas été décisif. Ni en seizièmes, ni en huitièmes, ni au quart de finale retour. De quoi tempérer l’euphorie et rappeler qu’un transfert cet été, bien qu’inéluctable, constituera un pari sur l’avenir. S’il est possible que son impact soit immédiat, son recrutement doit malgré tout s’inscrire dans une logique à long terme. Il est nécessaire que le Portugais dispose d’une concurrence relative qui ne l’étouffera pas, mais suffisamment convaincante pour ne pas l’obliger à surperformer d’entrée.

L’impatience attend João Félix au tournant de la saison prochaine. Celle-ci viendra des médias, des supporters et éventuellement de lui-même. Personne ne s’est encore fait une idée précise de son plafond. Attaquant de classe mondiale ? À peine le niveau Ligue des champions ? Des bribes de réponses nous seront données d’ici quelques mois. Pour l’heure, João est à la maison. Et il s’y sent bien.

Crédit photo : PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP

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