Intronisé sélectionneur de l’Algérie cet été, Djamel Belmadi a fort à faire en récupérant une sélection en dérive totale, un groupe déprimé et des supporters dépités. Analysons ensemble l’immense défi que relève l’Algérien.
La psychologie humaine, aussi mystérieuse demeure-t-elle, répond malgré tout à certaines logiques. S’il est coutume de faire table rase d’un passé austère, l’amertume ne se guérit jamais mieux que par le constat implacable : cinq sélectionneurs (Gourcuff, Rajevac, Leekens, Alcaraz, Madjer) depuis 2014. Une non qualification en Coupe du monde 2018 et une CAN 2015 quittée sans regrets ni victoire. Côté joueurs, une quasi grève pour exiger le départ de Rajevac. Côté coulisses, deux présidents (Raouraoua, Zetchi) et une guerre avec les journalistes (“vous! journaliste de la chaîne 3 ! vous êtes la honte de l’équipe nationale!” pour les connaisseurs). Ce funeste cocktail a conduit la nation à la 66ème place du classement Fifa Coca-Cola.
Un bien piètre tableau, donc. Après le constat, l’acceptation. Été rimant avec agité, la recherche d’un nouveau sélectionneur prodigue a fait les choux gras de la presse algérienne. Les retours espérés de Vahid Halilhodzić et Christian Gourcuff ou la possible signature de Carlos Queiroz ont tous trois fait la une des quotidiens nationaux. Au final, toutes ces tentatives ont été vaines, pour certains pour raisons financières, pour d’autres parce que l’Algérie est devenue un sacré marécage dont il est très difficile de se tirer.
Le 31 juillet, Carlos Queiroz est favori. Le 2 août, Djamel Belmadi est nommé sélectionneur. Lui d’ordinaire si bouillonnant ne fait pas preuve d’orgueil malgré son statut de roue de secours. Il comprend bien là que c’est l’opportunité de sa vie qui se présente à lui. Sa jeune carrière a été couronnée de succès au Qatar mais le championnat de la péninsule arabique est semblable à une plaine là où la sélection nationale algérienne paraît l’Everest lui-même.
Après l’acceptation, enfin, la renaissance. Le Francilien de naissance s’est attaqué à trois des innombrables maux du football algérien : la chute de niveau de l’équipe nationale, la faiblesse du championnat local et la difficile coexistence avec la presse.
D’emblée, il s’attaque au troisième problème cité. Dès sa première conférence, il adopte un ton strict et déterminé, pose son style et son audience se convainc d’emblée qu’il n’est pas leur ami. Cette stratégie peut certes s’avérer payante si les résultats suivent, les journalistes n’ayant pas les faveurs du peuple, elle est cependant à double tranchant puisqu’en cas de difficultés sportives, Belmadi ne manquera évidemment pas de s’attirer les foudres du Buteur ou Compétition à l’instar de son prédécesseur (qui l’avait bien cherché malgré tout).
En ce qui concerne la problématique du championnat algérien, là aussi, c’est face à la presse que le nouvellement nommé sélectionneur prend parti. Il dénonce l’hypocrisie ambiante instaurée par les journalistes et qui règne autour de la Ligue 1 Mobilis, leur rétorquant qu’un joueur local ne sera sélectionné que s’il en vaut réellement la peine. Fini la distinction joueur local – joueur émigré, tous sont Algériens.
Dès la première parution des 23, le couperet tombe : retour des bannis – déserteurs selon les versions – Feghouli, M’Bolhi, sortie du fantasque Fawzi Chaouchi.
Pour sa première sortie, en Gambie, c’est un véritable festival qui se présente au sélectionneur : supporters aux abords de la pelouse, stadiers qui se prennent en photo avec Mahrez, politique local qui serre la main de ses joueurs avec ses grosses lunettes noires, pelouse à l’état proche du stabilisé. Rien de très surprenant pour tout bon observateur du football africain, forcément bien au fait du grotesque folklore footballistique du continent.
En dépit de cet amer apéritif, l’équipe de Belmadi assure le match nul. C’est une composition offensive qui lui permet d’accrocher le 1-1, M’Bolhi précédant Mandi, Bensebaini, Tahrat, Fares, la doublette Taider – Bentaleb au milieu et le quatuor Mahrez, Brahimi, Ghezzal et Bounedjah en attaque, soit un joueur sur son bon pied, un autre sur son mauvais.
Ce qui attend l’ancien meneur de jeu de l’Olympique de Marseille est titanesque. Il devra tout d’abord trouver un schéma qui lui convienne réellement, le 4-2-3-1 de ce premier match n’ayant jamais apporté satisfaction ces dernières années dans les contrées algériennes. Il devra ensuite régler la question défensive où, si M’Bolhi n’a pas de concurrence à l’heure actuelle, Bensebaini enchaîne les prestations irrégulières, Faouzi Ghoulam est blessé depuis un an et où Mandi est bien meilleur dans l’axe.
Au milieu de terrain, l’absence d’un véritable 6 risque d’être un sérieux problème pour les échéances à venir. Taider et Bentaleb se sont marchés dessus lors de la dernière rencontre, l’ancien de Tottenham décevant franchement depuis près de deux ans tandis que l’ancien intériste n’est tout simplement pas un joueur de grande classe.
En attaque, Rachid Ghezzal n’a rien à faire ici. Ce joueur demeure encore et toujours un mystère. Présumé talentueux, il ne prouve rien et a déjà 26 ans. Riyad Mahrez, quant à lui, ne parvient pas à donner le meilleur de lui même, tout comme Sofiane Feghouli depuis près de deux ans. Islam Slimani a quant à lui souffert à son arrivée en Angleterre, il devra affronter un Hilal Soudani en forme et surtout un Baghdad Bounedjah en feu absolu au Qatar et dont l’arrivée en Europe semble imminente (on parle de lui à l’Olympique de Marseille notamment).
L’étape finale de la guérison est celle de la victoire. Djamel Belmadi a pris en charge une équipe nationale à un tournant de son histoire. De ceux qui arguent que l’histoire se répète, les Verts connaîtront la chute après leur si belle ascension. De ceux qui rêvent de vaincre leur destin, El Khadra peut se relever et briller plus haut encore qu’elle ne l’a jamais fait. En terre du croissant et de l’étoile rouge sang, l’inquiétude est grande mais l’espoir lui, à jamais, demeure.
Crédit photo : Ryad Kramdi / AFP.