Awer Mabil, du camp de réfugiés à la Ligue des champions

Alors qu’en Asie la deuxième phase des qualifications pour la Coupe du monde 2022 vient de s’achever, l’occasion est idéale pour parler de l’australien Awer Mabil. Illustre inconnu de la grande majorité des amateurs du ballon rond, l’ailier droit possède pourtant une histoire atypique, dont seul le football a le secret ! Porté par son rêve de devenir footballeur professionnel, il a fui la guerre civile sud-soudanaise pour s’installer avec sa famille en Australie. L’histoire est en marche !

Un rêve devenu réalité.  C’est probablement ce qu’a dû se dire Awer Mabil le 21 octobre 2020, quand il a foulé la pelouse de la MCH Arena. Tout comme c’était le cas pour son club, le FC Midtjylland, l’ailier droit australien disputait contre l’Atalanta Bergame le premier match de Ligue des champions de sa jeune histoire. La défaite 0-4 contre une Dea emmenée par un Duván Zapata des grands soirs (1 but et 2 passes décisives) restera anecdotique. L’essentiel était ailleurs pour Awer Mabil ! Et que l’histoire est belle pour le natif de Kakuma (un camp de réfugiés situé au Kenya), qui a toujours aspiré à une telle destinée.

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Le football en guise de cache-misère

C’est une constante avec Mabil : être toujours positif, peu importe les aléas de la vie. Et pourtant ! Maintenir une telle attitude au quotidien est une conduite d’autant plus remarquable, si l’on tient compte de l’histoire tourmentée d’Awer Mabil. Orphelin de son père décédé lors de la seconde guerre civile soudanaise, le numéro 11 des Ulvene (les loups en danois) a dû se confronter, dès son jeune âge, à la dure loi de la réalité. Alors qu’il se bat quotidiennement pour sa survie et celle de sa famille, Mabil arrive à faire abstraction de ce contexte compliqué en se tournant vers le football.

Comme il l’expliquait lors d’une interview accordée à la BBC en novembre 2018, le ballon rond lui a servi d’échappatoire : «Dès mes 5 ans, j’adorais jouer au foot avec mes amis de Kakuma. Dans le camp, il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire donc bon… Cela m’a permis d’éviter les ennuis !»

Au début des années 2000, le petit Awer tombe sous le charme des Red Devils d’Alex Ferguson. Il est prêt à tout pour suivre en direct les exploits des coéquipiers de Paul Scholes : «J’ai toujours été un supporter de Manchester United ! Mais il n’y avait qu’une seule télé qui se trouvait à plus d’une heure de marche. C’était une grande salle où il fallait payer pour entrer et regarder le match. Les fans venaient en nombre !»

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Grâce à cela, Awer Mabil s’est trouvé un modèle en la personne de Cristiano Ronaldo. La superstar portugaise l’a marqué durant son enfance par son talent incontestable et son flair. Mais pour espérer ne serait-ce que prétendre titiller un dixième du niveau de CR7, le chemin est semé d’embûches pour Mabil. Néanmoins, il décide de ne pas perdre espoir et il a bien fait !

L’eldorado australien

En 2006, sa vie est bouleversée ! En effet, au même titre que les membres de sa famille, il obtient de la part de l’Australie le statut de réfugié. C’est un nouveau départ pour Mabil, tant du point de vue de son confort de vie qu’en matière de football ! L’ailier droit va prendre le train en marche pour que son rêve devienne réalité : «Je me suis dit oui, ma chance est maintenant ! Si je travaille dur, je peux poursuivre mes rêves. C’est à ce moment-là que tout a vraiment commencé.»

À peine Awer Mabil a posé ses valises chez les Aussies qu’il a tout mis en œuvre pour cultiver sa passion pour le football. Poussé par ses proches, il s’entraîne sans relâche en espérant, qu’un jour, un club lui donne sa chance. Il ne va attendre bien longtemps ! Seulement six ans après son arrivée sur le sol australien, Mabil est approché par un club de la A-League (la première division australienne) : l’Adélaïde United Football Club.

En janvier 2012, il rejoint donc l’équipe U21 de ce club qui a notamment vu évoluer sous ses couleurs un certain Mathew Leckie (l’actuel capitaine de la sélection nationale). Pour s’acclimater aux rudiments du football au pays des Socceroos (le surnom de l’équipe nationale), il est prêté durant quelques mois au club semi-professionnel de Campbelltown City SC. Un an plus tard, il intègre l’équipe première de l’Adelaïde United Football Club. Petit à petit, Mabil parvient à faire son trou au sein de l’équipe. Grâce à ses capacités d’élimination et sa qualité de dribble au-dessus de la moyenne, il inscrit en 47 rencontres d’A-League la bagatelle de 8 buts. Ses performances suscitent l’intérêt de clubs européens, dont notamment celui du FC Midtjylland.

Les Danois déboursent en juillet 2015, 870 000 € pour s’offrir ce jeune joueur prometteur. Néanmoins, à son arrivée au club, il est cantonné à un rôle de faire-valoir. Cela se traduit par des prêts successifs au club danois d’Esbjerg fB et au Portugal, plus précisément au FC Paços de Ferreira. Fort de ces expériences, Awer Mabil fait son retour en juin 2018 au sein du FC Midtjylland auréolé d’un statut de titulaire.

À deux c’est mieux !

Cela lui permet de franchir un palier et quelques mois plus tard (plus précisément en octobre), il entre dans une nouvelle dimension. En effet, pour la première fois de sa jeune carrière, Mabil est appelé par Graham Arnold, le sélectionneur de l’équipe nationale australienne, pour participer à des matches amicaux en prévision de la coupe d’Asie 2019.

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Les Socceroos sont alors en pleine reconstruction après le mondial russe et le départ du coach néerlandais Bert van Marwijk. L’équipe doit se renouveler d’autant plus que Tim Cahill, le meilleur buteur de l’histoire de la sélection australienne, et le capitaine Mile Jedinak ont décidé de se retirer de la scène internationale. Hasard du destin, Awer Mabil effectue ses grands débuts sous le maillot australien en compagnie de l’un de ses amis d’enfance, le défenseur Thomas Deng.

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Ce dernier a également grandi dans le camp de Kakuma. Entré en jeu à la 73e minute, Mabil parachève le succès des Socceroos 0-4 contre le Koweït. Cette performance lui permet de disputer la coupe d’Asie, dont il a été l’une des révélations du côté australien.

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Malgré tout pour Awer Mabil, cette compétition continentale est un souvenir douloureux. En effet, alors qu’il se démène comme un beau diable sur le terrain, sa sœur Bor est tuée dans un accident de voiture à Adelaïde, quelques heures avant le quart de finale opposant les Émirats Arabes Unis à l’Australie (défaite 0-1 des Socceroos).

Depuis ce triste événement, Awer Mabil continue à gravir les différents échelons au sein de la planète football. Il a activement participé à l’obtention du ticket pour la 3e phase des qualifications pour la Coupe du monde 2022.

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À voir maintenant s’il sera en mesure de réaliser un autre de ses rêves, en représentant devant les yeux du monde entier son pays d’adoption.

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