Dieu que c’était beau

À l’aune du dernier adieu à Ultimo Diez, je me devais de prendre la plume, une dernière fois. Si le rideau se baisse sur toi, cher ami, pour tous ceux pour qui tu as compté, c’est le jour qui se lève, enfin.

Très cher Ultimo,

Pour tant, et tant, les adieux sont un moment craint, un passage si redouté. Il faut dire qu’ils ne sont guère signe de gaieté et, tu le sais bien, aujourd’hui, tous souhaiteraient tuer la souffrance, espèreraient tuer le mal, rêveraient tuer la mort.

Pour ma part, je me dois de t’en faire la confidence, c’est tout l’inverse. Pardonne moi, car mes moments de bonheur, de félicité et de répit se font bien rares, bien trop rares. Depuis toujours, et à jamais est-ce ainsi, j’alterne, et j’alternerai, entre le spleen et l’oubli.

Avec toi, cher ami, les choses étaient pourtant si différentes. Tu vidais ma peine, tu pansais mes plaies; tu étais ma veine et tu savais m’aimer. Si j’ai su changer, et pu sombrer, tu restais là, fidèle, toujours le coeur prêt à te livrer.

Quand vient ton heure, à toi aussi, comment aurais-tu pu finalement m’imaginer te laisser t’en aller sans, une dernière fois, te remercier pour ce rêve que tu avais su m’exaucer?

Si je suis fou…

Je n’aime pas parler au passé de ce et ceux qui ne sont plus. Je me refuse toujours à le faire, si ce n’est pour me remémorer ce qui était ici, et qui sera encore ailleurs.

Je me souviens bien de ce que représentait Ultimo à l’aube de ma vingtaine, et je sais bien ce qu’il représente pour moi aujourd’hui. Cette formidable main tendue à qui voulait bien la saisir, à nous qui n’étions rien, nous qui n’étions personne. Je n’en ai, d’ailleurs, d’abord pas été, bien avant que l’heure ne sonne.

J’ai alors ri, bien sûr, au son de la voix de Youss, de Bilel, de ces belles soirées d’hiver. J’ai vibré, sans conteste, avec les récits de Titi, d’Alba, de Maxime, de la belle équipe d’hier. J’y sentais une bienveillance, une estime, un respect qui me parlait, moi qui étais alors loin des miens. Quelque part, j’y voyais bien une famille, et quelque part j’y sentais un lien.

Hélas! Comme toutes les familles, le temps répare tout autant qu’il ne sépare. Bientôt, tous ne vinrent plus s’y retrouver que le temps d’une larme, le temps d’un adieu. C’en était fini d’une page, fini d’une ère. Ultimo était mort mais Ultimo était là, plus vivant que naguère!

Et si mes larmes te gênent, ne me laisse pas m’y noyer

C’est au moment de cet adieu, d’ailleurs, qu’à moi s’est tendue cette main. Je lui ai donné le meilleur de mon pire, le malheur et l’éclat de mon funeste destin. Au sommaire, bien sûr, mélancolie, frisson, hymne à la joie, ode aux morts et sincérité en vain.

Je le sais, je n’ai pas été le plus présent de tous. Pour autant, en ami sincère, c’est au plus bas que tu pouvais être certain de me retrouver. Quand Zinedine est parti, j’étais là, et tu l’étais de même. Quand Diego a rejoint le très haut, cette fois, c’est toi qui me permit de me sauver moi même. Crois bien, si je ne parle, je sais, et je ne saurais l’oublier.

Enfin. Quatre longues années se sont écoulées et, cette fois, c’est toi qui t’en vas. Sans tambour, à nouveau, et cette fois encore sans fracas. Je sais bien que toute bonne chose a une fin, et pourtant, je me surprends inlassablement à rêver, encore et encore, qu’une fois, juste une seule fois, les choses pourraient être différentes. Qu’après tant d’orages, tant de pluie, la brise pourrait être plus douce, la vie plus clémente.

Hier encore, je lisais le récit de la vie d’un être cher. J’en connaissais déjà la fin, bien sûr, et pourtant, les pages défilant, les années s’enchaînant, j’espérais, encore et encore, que cette fois, c’est la fleur qui surgirait de la terre, la vie qui vaincrait sur cette Terre.

Et pourtant. Je le crois, c’est peut-être bien là la meilleure chose que tu as su m’apprendre. C’est vrai, je le crois, peu importe la façon dont tout ça se termine. Peu importe la peine, peu importe la ruine. Ce qui reste, et qui restera, ce sont toutes ces belles histoires qu’ensemble, nous avons su raconter.

Ultimo Diez. Pardonne moi, mon encre s’étiole car je ne saurais assez te remercier. Pour autant, mon cher ami, il me fallait te dire, une dernière fois, à quel point oui, je suis fier, si fier, d’avoir marché à tes côtés.

Walid. 

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