Il y avait Angleterre – Hongrie en 1953. Il y avait France – Allemagne en 1982. Mais s’il ne devait en rester qu’un seul, ce serait sûrement celui-là. Le 17 juin 1970, au stade Azteca de Mexico, l’Italie rencontre l’Allemagne de l’Ouest, la RFA pour une demi-finale épique. Tous ceux qui y ont assisté en parlent comme d’une folie qu’on peinait à croire. Et pour cause, le scénario est dingue, les détails aussi. Retour sur ce 17 juin 1970, à jamais dans l’histoire.
Nous sommes à la 110e minute. L’Allemagne est menée 3 – 2 par l’Italie. Mais ces derniers n’ont pas dit leur dernier mot et sur un corner étrangement joué à deux, le remplaçant Libuda trouve son capitaine Seeler mal placé, très loin du but mais qui arrive tout de même à redresser la trajectoire du ballon pour le remettre devant les cages où Gerd Müller, allongeant son cou, pousse le ballon au fond. L’Allemagne revit, leurs espoirs de qualifications pour la finale ne sont pas morts. Mais alors que le réalisateur est en train de diffuser les ralentis du but de l’attaquant allemand, les Italiens sont repartis à l’attaque sur un terrain où les espaces se font de plus en plus nombreux et quelques secondes plus tard, Gianni Rivera seul au milieu de la surface de réparation, assène un plat du pied fatal à la qualification des allemands. La joie est palpable mais les visages sont marqués. Les Italiens comme les Allemands sont au bout d’eux-mêmes. Le match est fou, le public n’en revient pas. Jusqu’à la 90e minute, les Italiens ne menaient qu’un but à zéro.
L’Italie de 1970 porte les espoirs de tout un pays. Depuis plusieurs éditions déjà, la Nazionale ne connaît plus le succès qui lui était pourtant si cher, elle qui avait remporté les éditions 1934 et 1938 de la Coupe du monde. Mais peu de temps après la guerre, en 1949, le Torino FC connaît un crash d’avion terrible qui ne laissa pas un seul survivant. Le Torino d’alors était pourtant l’un des plus grands clubs d’Italie et ses joueurs constituaient la base de l’équipe nationale. Alors pour pallier ce manque et ainsi garder son rang sur la scène internationale, la Nazionale met en place un système de jeu très défensif, synonyme de verrou en France : le Catenaccio. C’est avec cette tactique que les Italiens de 1970 comptent rattraper les errances des années précédentes et notamment de 1966 où ils ne sont pas sortis des poules, vaincus par… la Corée du Nord. Les résultats qu’ils obtiennent en phase de poule en 1970 sont à l’image de leur football : une victoire 1-0 contre la Suède et deux 0-0 contre l’Uruguay et Israël. L’Italie parvient donc en quart de finale où elle rencontre le pays hôte, le Mexique. Le match a lieu au stade Luis Dosal à Toluca, un stade qui ne peut accueillir que 26 000 spectateurs, bien loin des 102 000 du stade Azteca de Mexico, un coup de chance pour rencontrer le pays à domicile. L’Italie ne fera cette fois pas défaut à son talent offensif et s’imposera 4-1 pour se hisser en demi-finale.
Arrivée en demi-finale avec de grands espoirs de renaissance, l’Italie met très vite la pression sur les Allemands et à la 8ème minute de jeu, elle ouvre le score par l’intermédiaire de Boninsegna. Tout le match, la RFA pousse mais l’Italie joue parfaitement sa partition en défendant comme elle sait le faire. Un détail non négligeable modifiera le cours de la partie. Cette édition de la Coupe du monde permet aux entraîneurs de faire deux changements quand ils le souhaitent. Alors que l’Allemagne en profite pour faire rentrer deux remplaçants, l’Italie reste prudente et ne fait entrer un jeu qu’un seul joueur juste après la pause, un certain Gianni Riviera. Le temps passe et les ultimes minutes arrivent. Elles sont historiques. A la 90ème minute, Schnellinger, un défenseur allemand jouant au Milan AC se trouve seul au cœur de la surface de réparation et égalise froidement. Les compteurs sont remis à zéro… ou presque. Alors que l’Italie décide d’opérer son deuxième changement, Franz Beckenbauer se brise la clavicule dans un choc aérien. La RFA n’a plus de moyen de le remplacer. Il terminera le match avec le bras en écharpe.
La prolongation commence et les Allemands croient pouvoir renouer avec la victoire qu’ils avaient connue en 1954. Peu touchée par son destin historique, la RFA domine sur la scène internationale et fait preuve d’une régularité que seul le Brésil de Pelé surpassera à cette époque. Vainqueur en 1954, demi-finaliste en 1958, finaliste en 1966 et donc demi-finaliste en 1970. L’Allemagne se prend à rêver et elle a raison. A la 94ème minute, après une improbable mésentente italienne, Gerd Müller pousse le ballon au fond des filets. L’Allemagne mène 2 à 1. Mais trois minutes plus tard, les italiens obtiennent un coup-franc que Rivera, sans élan, se charge de tirer. Sa balle piquée manque de trouver son coéquipier mais le numéro 10 allemand, Siegried Held, contre le ballon et le remet involontairement dans les pieds du défenseur italien Burgnich qui troue le portier allemand Sepp Maier. L’Italie égalise.
Quelques minutes plus tard, tandis que les corps sont fatigués et qu’ils attendent impatiemment la mi-temps de la prolongation, Gigi Riva hérite d’un centre à la lisière de la surface de réparation. Son contrôle, sa vista, son crochet, sa frappe, son enchaînement… Tout est parfait. L’Italie prend l’avantage et mène 3-2 à la moitié des prolongations.
On connaît la suite de l’histoire et l’on pourra toujours se poser des questions sur l’impact de l’entrée en jeu de Gianni Rivera ou sur la blessure de Beckenbauer pas exempt de tout reproche sur le dernier but italien. On pourra même se demander si l’Italie, exténuée par cette rencontre, n’a pas en réalité perdu la Coupe du monde à ce moment-là. Reste que le spectacle était savoureux, inattendu et spontané. Reste que le football en est sorti grandi.
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