Les jaloux disent qu’il ne se passe jamais rien chez les Girondins de Bordeaux. La preuve que non. Le 10 mai dernier, lors de sa conférence de presse, l’anti-maître Capello tchèque, Jaroslav Plašil, a déclaré que c’était certainement sa dernière. Des mots à son image, simples. Suffisamment classe pour comprendre que cette saison sonnera le glas d’un cadre qui aura marqué de son empreinte le club depuis 2009. Il est grand temps de mettre les carons sur les S.
N’en déplaisent à ses nombreux détracteurs, avec le départ de Jaro’ c’est une page de l’histoire du club qui se tourne. Le Tchèque aura porté le maillot scapulaire à 364 reprises, ce qui fait de lui le huitième joueur le plus capé des Girondins de Bordeaux. À 37 ans, il tire (enfin) sa révérence après dix longues années de loyaux services. Certains se souviendront de lui comme du dernier rescapé de la dernière grande équipe des Girondins : celle qui battait la Juventus de Turin (fait assez rare pour être souligné, Jaro’ avait même marqué à l’aller) et le Bayern Munich en C1 (2009-2010). Pour d’autres, il ne manquera pas sous prétexte qu’il a fait son temps et qu’il aurait dû partir depuis longtemps mais c’est très vite oublier l’homme valeureux qu’il a été… La fameuse culture de l’instant, paraît-il.
On ne mesure pas la gloire d’un homme uniquement à son nombre de victoires, tout comme on ne résume pas la carrière d’un joueur juste à son palmarès. Certes, il n’aura jamais été le plus beau, le plus fort, le plus grand mais il aura toujours répondu présent. Au-delà de ses performances, c’est son comportement sur et en dehors du terrain que l’on retiendra. Qu’on se le dise, des joueurs à l’état d’esprit irréprochable comme lui, il n’en reste que très peu dans ce monde étrange qu’est devenu le football moderne. Jaro’ est, ou fut en tout cas, un joueur de classe internationale. Evidemment, pas de par son talent ou son niveau de jeu affiché, mais bel et bien de par ses qualités. Celles du meneur d’hommes qui pourtant ne semble jamais faire grand bruit.
À une époque où le football se noie dans le business, Jaro’ nage à contre-courant. Il est ce qu’on appelle un « gendre idéal » du football : un joueur au sourire béant, poli, humble, sans excès et qui aime jouer avec les enfants. En clair, il cherche, du mieux qu’il peut, à se faire apprécier par ses pairs et prodigue de précieux conseils aux jeunes pousses afin de donner l’exemple. Le gendre idéal se situe à des années lumières de la « star ». Là où la star joue au football pour faire le spectacle avec des gris-gris en tous genres et entretient sa feuille de match personnel, le gendre idéal est un vaillant qui fait passer le bien collectif avant tout et ce peu importe la manière. C’est sans doute la raison pour laquelle le gendre idéal suscite des sentiments aussi ambivalents : à la fois détesté par la frange des supporters en manque de rêves et d’idoles ; et parallèlement adoré par la classe moyenne qui voit en lui son porte-étendard.
Cette « valeur moyenne », Jaro’ l’a sans cesse montrée sur le pré. Renforcée, qui plus est, par son poste (milieu relayeur), le contraignant à un travail aussi ingrat qu’indispensable. On ne savait jamais vraiment s’il était là (au point que les amateurs grossiers lui ont collé la malheureuse étiquette de joueur « inutile »), mais on savait toujours quand il ne l’était pas… Doté d’une endurance physique et d’une hygiène de vie hors du commun, il s’est traîné comme un vieillard débordé par une jeunesse insouciante. Mais plus les années défilaient et plus Jaro’ en perdait son football. On dit que les joueurs c’est comme le bon vin, tous deux se bonifient avec l’âge. Cependant, passé un certain temps, elles finissent par ne plus être buvables. Hélas, même les experts ont parfois du mal à distinguer un vin vieux, d’un vin trop vieux.
Contre Reims, ce week-end, il disputera son dernier match à domicile. La logique voudrait qu’un hommage, à la hauteur de son mérite, lui soit rendu à l’occasion de cet événement. Quid de son avenir désormais ? Trouvera-t-il un club à la recherche d’un gendre idéal avant de raccrocher les crampons ou travaillera-t-il au sein du FCGB ? Aux dernières nouvelles, il aurait déjà reçu une offre pour intégrer la cellule sportive du club. Que les supporters se rassurent, le petit blondinet au visage angélique ne sera jamais bien loin car il est un Bordelais d’adoption… Notre seul regret sera peut-être de ne plus pouvoir faire de vannes sur son âge (voir ci-dessous). Merci Jaro’, ce n’est qu’un au revoir.
Compilation de notes attribuées par nos soins :
Plasil (3) : Titulaire jusqu’à ce qu’il ait une carte vermeil. Hasta la muerte.
Plasil (5) : Comme un symbole, le joueur historique a certainement été aligné pour célébrer la dernière de l’ère M6. Sa prestation fut plutôt bonne pour un papy qui a plus de tours de reins que de passes réussies cette saison.
Plasil (2) : 36 ans et toujours titulaire. On dirait un employé qui continue de travailler pour pouvoir partir à la retraite alors qu’il est hors de forme.
Plasil (5) : Bon match dans l’entre-jeu malgré le fait qu’il ait quatre-vingt quatorze ans.
Plasil (6) : 32 ans mais joue comme s’il en avait 15 de plus. Épuisé physiquement et psychologiquement depuis 2013. Le problème c’est qu’on peut difficilement se plaindre de son rendement tant il bénéficie d’une flatteuse comparaison avec Poko et Sané à ses côtés. C’est bien là tout le drame bordelais.