Tenu en échec 0-0 par le Venezuela, le Brésil reste sous pression pour son dernier match de poule face au Pérou, co-leader du groupe A. Chahuté par son public pour ses deux premières réceptions, le quintuple champion du monde doit surmonter un obstacle qui lui a déjà coûté cher dans le passé.
« Nous ne nous sommes pas sentis à la maison ». Après le décevant match nul décroché face au Venezuela mercredi (0-0), la punchline est signée Dani Alves pour qui l’accueil du public brésilien n’est pas passé.
Dans le stade très clairsemé de Salvador, la Seleçao a été conspuée à plusieurs reprises : des « olé ! » à chaque touche de balle vénézuélienne en fin de rencontre, une bronca au coup de sifflet final… Dans les travées de l’Arena Fonte Nova, l’équipe de Tite n’a pas été épargnée. Un scénario déjà observé lors du match d’ouverture, pourtant remporté contre la Bolivie (3-0).
Après deux matchs en demi-teinte où la sélection auriverde, certes en tête de son groupe, n’a pas su convaincre par son jeu, le climat est délétère. Pas facile de se rassurer quand en plus, les dernières échéances internationales se sont soldées par de cuisants échecs. Coupe du Monde 2014, 2018… Sur le plan continental, c’est encore pire : depuis 2007, la Seleçao fait de la figuration avec deux éliminations en quarts de finale et même une au premier tour lors de la dernière édition.
Pour les auriverdes les plus pessimistes, la situation actuelle ressemble d’ailleurs cruellement à 2016 avec un Brésil sur courant alternatif totalisant quatre points après une large victoire (7-1 contre Haïti) et un nul contre équipe à sa portée (0-0 contre l’Equateur). Sur le sol américain, le fiasco s’était clôturé par une défaite contre le Pérou (0-1) qui, hasard du calendrier, sera à nouveau l’adversaire des hommes de Tite ce soir.
Maracanaço, Mineiraço… La Seleçao a ses fantômes
Poussé par l’une des plus belles ferveurs au monde, le Brésil possède une arme que de nombreuses sélections s’arracheraient. Chaque partie du onze canarinho est suivie comme un événement. Peu importe la compétition, ce sont des millions d’amoureux qui s’agitent derrière le pays et cette passion dépasse bien souvent le cadre du ballon rond quitte à parfois se retourner contre son propre destinataire. Ce fut déjà le cas lors du premier Mondial organisé à la maison en 1950.
Si on ignore pour beaucoup ce à quoi ressemblait l’équipe de France de l’après-guerre, les Brésiliens, eux, n’ont rien perdu d’une époque synonyme d’une humiliation mémorable en Coupe du Monde.
Dans la mythique enceinte du Maracaña, bâtie pour l’occasion, la Seleçao d’Ademir (8 buts sur la compétition) dispute en favori « sa finale » face à l’Uruguay. Après l’ouverture du score devant 173 850 personnes en délire, la formation brésilienne coule sous la pression dans le deuxième acte encaissant deux unités, et c’est le voisin uruguayen qui soulève le trophée Jules-Rimet dans le temple du football transformé par son silence en cathédrale. Bien que la scène soit datée, elle figure encore dans l’inconscient collectif auriverde sous le nom du Maracanaço, traduction : le choc du Maracanã.
Après cette déconvenue à la maison, le Brésil ne portera plus jamais de maillot blanc… jusqu’à précisément cette édition de la Copa America. Conjuration du sort et coup marketing, le spectre blanc de la Seleçao a bien été remis au goût du jour alors qu’un autre fantôme hante toujours des millions d’âmes, celui du Mineiraço.
Autre dénomination pour autre débâcle, celle-ci, n’importe qu’elle suiveur de ballon rond de 5 à 95 ans ne peut se l’enlever du crâne, surtout s’il a le cœur jaune. À domicile en demi-finale du Mondial 2014, la bande à Neymar, déjà absent pour une grave blessure, se liquéfie face à l’enjeu. L’Allemagne enfile les buts comme des perles, sept au total dont cinq pour la seule première mi-temps. La Mannschaft emmenée par Klose, Kross et Özil ne se prive pas de plonger tout un pays dans sa crise sportive la plus profonde jamais vécue. Un traumatisme puissant qui avec l’arrivée d’une nouvelle compétition à la maison revient sur le devant de la scène.
Un Brésilien averti en vaut-il deux ?
Si les Jeux Olympiques de Rio remportés en 2016 ont redonné du baume au cœur des supporters, l’embellie aura été de courte durée avec un Mondial 2018 raté en Russie.
Du côté du groupe, les JO n’avaient concerné que deux joueurs convoqués pour la Copa : Marquinhos et Gabriel Jesus soit autant que les rescapés du naufrage de Belo Horizonte : Dani Alves et Thiago Silva. Les deux Parisiens n’avaient cependant pas foulé la pelouse le soir de la catastrophe.
À l’approche d’une nouvelle échéance à domicile, les expériences contrastées de ces quatre joueurs seront-elles suffisantes pour cimenter le groupe auriverde ?
La réponse se trouve peut-être entre les mains du sélectionneur. Du choix de ses hommes à leur préparation physique et mentale, Tite a mis les bouchées doubles pour mettre en condition son groupe.
Ils ont d’abord été convoqués 25 jours avant le début de la compétition puis placés dans une bulle, tenus à l’écart de la presse et du public. Pour renforcer leur intimité, la fédération a même décidé de changer de camp de base à chaque match. Une vraie rupture par rapport à 2014 où Neymar et consorts étaient constamment épiés dans leur centre de Teresópolis.
Côté mental, le staff s’est doté de plusieurs préparateurs pour appréhender au mieux l’événement, de quoi aider les plus jeunes éléments tels que Lucas Paqueta, David Neres ou encore Gabriel Jesus.
Prévenir pour ne plus avoir à guérir, une philosophie qui devra porter ses fruits car pour la Seleçao décevoir à nouveau sur ses terres tiendrait bien plus de l’impardonnable que du simple accident de parcours.
Photo credits : Thiago Calil / AGIF