Pensionnaire de Ligue 1 le temps d’une saison, en 2015-2016, le Gazélec Ajaccio évolue désormais en National 2, quatrième division française. Un championnat suspendu depuis le mois d’octobre dernier en raison du contexte sanitaire. Dans un entretien accordé à Ultimo Diez, Mathieu Messina, président du club corse, regrette l’incertitude liée à l’avenir de la saison en cours. Incertitude alimentée par des instances du football qui selon lui, ne soutiennent pas suffisamment les clubs de National 2.
Ultimo Diez – Le gouvernement et la FFF avaient acté à la mi-février la reprise du championnat de National 2 au 13 mars. Avant de faire volte-face quelques semaines plus tard… À l’heure actuelle, le N2 est donc toujours suspendu et son avenir sera remis sur la table lors du prochain Comex de la FFF. Avec du recul, comment avez-vous réagi à ce revirement ?
Mathieu Messina – Sincèrement, c’est très compliqué. Je suis arrivé il y a une bonne année et depuis, on prend des uppercuts tous les trois mois, tous les six mois. On ne comprend pas trop la ligne directrice. On observe ce qu’il se passe parce qu’on ne nous sollicite pas forcément. Pour ne rien vous cacher, on est un peu circonspect des décisions qui sont prises.
À qui en voulez-vous le plus ? Au gouvernement ? Ou à la FFF qui ne défend peut-être pas assez son football ?
On n’en veut à personne, on constate juste les problèmes. Le football est malade, la crise ne l’aide pas et les décisions qui sont prises ne sont pas forcément les bonnes. On est dans une situation plutôt atypique : on avait le statut professionnel il y a maintenant deux ans et on est passé en quelques mois de la Ligue 2 au National 2. C’est un choc thermique. Aujourd’hui, on n’a pas vraiment l’impression qu’on veut réellement aider les clubs. Je me souviens de cette phrase de Didier Quillot (directeur général exécutif de la Ligue de Football Professionnel de 2016 à 2020, ndlr) : «On n’abandonnera aucun club de football professionnel.» En ce qui nous concerne, nous avons été abandonnés par la LFP.
«Depuis le début de cette crise, rien n’a été prévu, rien n’a été anticipé»
Interrogé à ce sujet, Noël Le Graët se range fermement derrière l’avis du gouvernement. Est-ce que vous regrettez cette posture ?
On est face à une situation sanitaire unique : tout le monde la comprend, et moi le premier. Le problème, c’est qu’on a le sentiment de naviguer à vue toutes les semaines et qu’il n’y a aucune décision de prise. Je suis chef d’entreprise, gouverner c’est prévoir. Aujourd’hui, force est de constater que depuis le début de cette crise, rien n’a été prévu, rien n’a été anticipé. Et au contraire, on se laisse porter. On aurait aimé que des décisions soient prises, et non pas qu’on se réfugie derrière le ministère en se disant qu’on ne peut rien faire de plus.
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Dans ce sens, comment avez-vous reçu la réélection de Noël Le Graët à la tête de la FFF ?
Je n’ai pas assez de recul pour donner mon opinion là-dessus. Mais ce que je trouve bizarre, c’est le modèle d’élection sur le principe des grands électeurs : des présidents qui arrivent et amènent avec eux 100, 200 voix en fonction de leur Ligue. Je trouve que ce n’est absolument pas représentatif. Si chaque président de club professionnel et amateur avait une voix qui comptait pour un, je pense qu’on aurait plus de poids.
«Si on n’a pas nos entrées en haut lieu, on ne peut discuter avec personne»
Comment imaginez-vous la suite de la saison ? Arrivez-vous à avoir de la visibilité et à garder espoir ?
Ce que j’attends personnellement, ce sont des décisions. On nous avait dit d’attendre les élections, puis d’attendre le prochain Comex. Le Comex est arrivé et on nous demande encore d’attendre… Aujourd’hui, ce qui tue les clubs, c’est l’incertitude. L’incertitude sur la saison en cours, l’incertitude sur la saison à venir… Le mal, c’est qu’on ne sait rien. Et puis, on ne nous interroge pas. Si on n’a pas nos entrées en haut lieu, on ne peut discuter avec personne. Il est important de rappeler que cela fait deux saisons d’affilée qu’on balance. La priorité de la FFF et des clubs doit être la préparation de la saison prochaine.
Comment les joueurs réagissent ? Parvenez-vous à maintenir le groupe sous pression ?
Grâce à notre staff technique, on a eu la chance de faire une préparation normale depuis janvier avec des entraînements toutes les semaines et des matches de Coupe de France tous les week-ends. Aujourd’hui, on fait comme si le championnat pouvait reprendre demain.
Quelles sont les conséquences pour un club comme le Gazélec Ajaccio ?
C’est très très difficile. Les conséquences sont dramatiques pour tout le monde : les gens vivent des aides de l’État, les sponsors ne sont plus là, les supporters non plus. Il y a énormément d’incertitudes. Mais on ne va rien lâcher, on a récupéré un club et on va l’assumer jusqu’au bout.
Dans quel état économique se trouve le club ?
C’est compliqué… La saison va se terminer et je tiens à préciser qu’il n’y a eu aucun retard de paiement concernant les salaires des joueurs. Par contre, c’est vrai qu’on a dû faire des économies à tous les niveaux. Et on continue d’ailleurs à réfléchir aux économies qu’on pourra faire la saison prochaine. En terme de budget, on est déjà tourné vers la saison prochaine. Et on attend également des réponses de la DNCG : comment va-t-on expliquer les pertes la saison écoulée ? Et celles de l’exercice à venir ? Ce sont des réflexions qu’on doit mener avec les différentes institutions.
À quelle hauteur avez-vous dû intervenir sur les salaires des joueurs ?
Ce sont des discussions internes, je ne préfère pas m’étaler dessus. Mais on a de la chance : tout le monde est conscient de la situation actuelle.
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Quel est votre regard sur le National 2 ?
La saison dernière, j’avais déjà le sentiment que le National 1 était un championnat hybride : pas vraiment professionnel ni pas vraiment amateur. En N2, c’est un petit peu la même chose. Il y a des équipes qui ont énormément de contrats fédéraux, d’autres moins. Ce qui fait que l’on rencontre certaines difficultés. Pour réduire les frais sur la durée de nos déplacements, on demande parfois des modifications d’horaires à nos adversaires, en avançant la rencontre de 18h à 15h par exemple. Mais on nous répond que ce n’est pas possible car certains de nos adversaires ont un travail à côté. Cela montre bien qu’il s’agit d’un championnat amateur. 4 poules, plus de 60 clubs… Ce n’est pas professionnel. Mais de notre côté, on a décidé d’aborder les choses de la manière la plus professionnelle possible.
Quel message souhaitez-vous faire passer aux instances du football ?
Écoutez-nous. Personne n’est venu nous voir pour savoir si on avait besoin d’aide. Si on ne décroche pas le téléphone nous-mêmes pour appeler certaines personnes, on ne s’occupe pas de nous.
Crédit photo : Icon Sport / Gazélec Ajaccio