La situation des stades de Serie A : entre projets ambitieux et lenteur bureaucratique

Depuis quelques années, le championnat italien retrouve de sa superbe. Une lutte pour le titre plus âpre, des équipes attrayantes et des tacticiens avec des idées innovatrices. Néanmoins, la Serie A a encore du retard sur de nombreux points et notamment ses infrastructures sportives. En effet, les stades italiens se montrent vieillissants et ne répondent plus aux exigences du football moderne.

Forcément, le retour du spectacle et du suspense en Serie A a eu un impact direct et positif sur la présence dans les stades. Depuis 2016, l’affluence moyenne ne cesse d’augmenter en Italie. À la mi-saison 2019-2020, cette moyenne était de 27 000 spectateurs. Un chiffre qui n’a jamais été aussi haut depuis vingt ans. Le bon élève reste la Juve avec son Allianz Stadium, qui affiche un taux de remplissage de 94,43% sur l’exercice 2018-2019. Tout le contraire du Napoli avec un taux de remplissage moyen de 48,14%. Mais cette affluence moyenne est en constante hausse dans les stades italiens. Néanmoins, elle reste encore inférieure aux championnats allemand et anglais. Sur la période 2013-2018, la moyenne d’affluence en Bundesliga est de 43 302, en Angleterre de 36 675. La Serie A est loin derrière avec une affluence d’environ 22 967.

Une importante inégalité

Pour en revenir au Napoli, cette faible affluence ne coïncide pas vraiment avec les résultats sportifs. Les Napolitains se sont montrés très performants ces dernières saisons et ont même rivalisé avec la Vieille Dame pour le Scudetto lors de la saison 2016-2017. Le problème est avant tout l’état désastreux de San Paolo (rebaptisée Diego Armando Maradona en décembre dernier). Un stade vétuste et délaissé par la mairie de la ville, qui en est le propriétaire.

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La situation est chaotique depuis plusieurs années. Aurelio De Laurentiis n’hésite pas à tacler la «Comune di Napoli». Le propriétaire napolitain déclarait déjà en 2015: «Nous jouons dans une chiotte, j’aurais dû l’avoir gratuitement, ils ne devraient pas me demander plus de 550.000 euros par an pour jouer ici. Se foutre de nous signifie se foutre de Naples, des supporters, des pauvres gens qui, grâce à un simple match de football, ressentent tellement de sentiments qu’ils oublient le côté négatif de la vie.» Une insécurité sanctionnée à de nombreuses reprises par l’UEFA, qui a obligé la municipalité napolitaine a opéré à un relooking de San Paolo lors de l’été 2019. Une enceinte aussi beaucoup trop grande pour son affluence. Avec une capacité de 54 726 places, elle n’affiche jamais guichet fermé.

L’exemple à suivre reste la Juve. Depuis 2011, la Vieille Dame évolue dans une enceinte moderne dont elle est en est propriétaire: le Juventus Stadium. Renommée Allianz Stadium en 2018 (le naming), cette enceinte se montre particulièrement rentable pour le club. Avec une capacité de 41 507 places (25 000 de moins que la précédente), l’Allianz Stadium permet à la Juve de garder une affluence moyenne très importante (94,43%). C’était justement la stratégie des dirigeants turinois : construire un stade plus petit pour assurer un taux de remplissage important et constant. En 2017, la recette billetterie du club s’est élevée à 57,8 millions d’euros.

À ce jour, seuls quatre clubs de Serie A sont propriétaires de leur stade : la Juve, l’Atalanta, l’Udinese et Sassuolo. Pour ce dernier, il est nécessaire d’ajouter que c’est l’entreprise Mapei qui est la propriétaire du stade, mais aussi du club. Un chiffre bien trop faible. La grande majorité des stades italiens sont très vieux (11 ont plus de 70 ans) et ne répondent plus aux exigences du football moderne.

Des projets ambitieux…

En collaboration avec le groupe Ficantiri, les dirigeants bolonais souhaitent rénover Renato Dall’Ara pour rendre leur stade plus moderne. Une rénovation qui devrait débuter à partir de mai 2021, pour un coût d’environ 85 millions d’euros. Les tribunes connaitront alors une légère baisse dans leur capacité d’accueil, d’environ 6 000 places. En parallèle, un investissement se fera aussi dans le quartier du stade.

Pour la Sampdoria et le Genoa qui évoluent dans le stade Marassi/Ferraris (le plus ancien en Italie, datant de 1911), le projet concerne, comme Bologna, une rénovation de l’enceinte tout en créant une zone commerciale attractive autour du stade. La rénovation sera moins importante et coûteuse (45 millions d’euros) avec un début des travaux prévu pour la fin d’année.

D’autres clubs se montrent plus ambitieux et souhaitent tous simplement créer un nouveau stade dont ils seraient propriétaires. C’est le cas des deux Milan, de la Roma, de la Fiorentina, de Verona ou encore de Cagliari. Concernant ce dernier, il évolue déjà depuis 2017 dans un stade provisoire construit en seulement 127 jours, la Sardegna Arena. La nouvelle enceinte sarde sera construite sur les décombres de l’ancien Sant’Elia. Un projet présenté par Sportium à la mairie de Cagliari qui doit donner son feu vert dans les prochains jours. La Cagliari Arena sera une enceinte de 30 000 places et utilisable à partir de la saison 2023-2024.

«Pour que le football italien retrouve son succès, nous avons besoin d’infrastructures adéquates : nous ne sommes pas en phase avec notre temps.» Telle était la déclaration de Rocco Commisso. Le président de la Fiorentina souhaite que son club se munisse de sa propre enceinte. Si la Viola a subi dans un premier temps un refus de la mairie de Firenze, la tendance pourrait bien s’inverser dans les prochaines semaines.

L’Hellas Verona et le Chievo développent aussi un nouveau projet : la «Nuova Arena», prévue pour 2022, remplacerait un stade de Bentegodi délabré. Un projet ambitieux avec des centres commerciaux et des restaurants. Néanmoins, les deux clubs véronais ont une dette d’environ 6 millions d’euros envers la mairie de la ville. Pour le moment, le projet est au ralenti.

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Enfin, les deux projets qui agitent la presse italienne concernent Milan et Roma. Les dirigeants Rossoneri et Nerazurri seraient très ouverts à la création d’une nouvelle enceinte juste à côté de San Siro, qui serait lui détruit. Sur le même principe que la Juve, ce nouveau stade baisserait en capacité (environ 60 000) ce qui permettrait aux deux clubs lombards d’assurer un taux d’affluence élevé. Un projet qui pourrait se clôturer pour 2026, mais qui divise aussi l’opinion publique. Des citoyens de Milan ont même transmis une lettre au Parlement européen pour s’opposer à ce projet.

Concernant l’AS Roma, le projet d’un nouveau stade a pris un tout autre virage ces derniers mois. Avec l’arrivée de Friedkin à la tête du club en juillet dernier, le propriétaire américain a abandonné le projet de son prédécesseur James Pallotta sur la zone Tor di Valle. Mais l’envie d’un nouveau stade est toujours au goût du jour et le projet pourrait être présenté très rapidement à la municipalité romaine. Friedkin souhaite investir dans une enceinte de 40 000 places située dans le sud-est de la ville.

Au contraire de Bologna, Verona ou encore Milan, l’idée de ce projet n’est pas de faire de ce stade une zone commerciale, mais bien d’en faire un stade qui respecte l’ADN de la ville et des tifosi giallorossi. L’administrateur délégué de la Roma, Guido Fienga a même confirmé cette aspiration : «Nous voulons construire notre propre stade. (…) Nous évaluerons les hypothèses et les différents projets dans l’intérêt de Rome, de ses citoyens, de ses clubs sportifs et de tous ses supporters.»

…mais une bureaucratie qui botte en touche

Excepté Cagliari, aucun de ces ambitieux projets n’est encore concret. Il est clair que la crise sanitaire a eu une influence sur cette réticence des municipalités italiennes. Mais en vérité, le problème est beaucoup plus ancien. La bureaucratie italienne se montre très lente et septique aux différents projets. Des projets qui ont pourtant de nombreux avantages et qui permettraient de dynamiser certaines villes et/ou quartiers.

Alors que le projet du nouveau San Siro se développait, Giuseppe Sala a lâché une déclaration forte. Le maire de Milan a déclaré : «Je pense que l’Inter, en particulier, ne clarifie pas son avenir et les choses doivent être claires pour nous tous. (…) Je ne peux pas confier un quartier de la ville, sur une période aussi longue, à une entreprise dont l’avenir est incertain. Je parle avec respect à Zhang, mais ils doivent clarifier l’avenir du club. En attendant, je pense qu’il est logique d’arrêter.»  L’Inter Milan a aussitôt réagit avec un communiqué dans lequel elle explique que «les déclarations du maire de Milan sont offensantes et irrespectueuses envers le club et ses millions de fans, ainsi que non-pertinentes par rapport au processus administratif du projet du nouveau stade.»

Ce conflit entre l’Inter Milan et la Comune di Milano inquiète et met en péril le projet d’un nouveau stade dans la cité lombarde. Mais ce conflit n’est pas le seul. Les clubs italiens font face à une réticence globale des municipalités. Ils ne sont pas les véritables responsables de ce retard au niveau des infrastructures sportives. Les projets sont mis sur la table depuis plusieurs années, mais la bureaucratie italienne fait la sourde oreille. Et ce sont les clubs, mais surtout les supporters qui en payent le prix.

Crédit photo : Icon Sport

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