[Euro 2020] Margot Dumont : «Quand t’es l’Allemagne, tu dois viser la victoire»

Ding ding ding, faites entrer le fauve dans l’arène ! Les champions du monde français lancent leur Euro 2020 ce mardi (21h) à Munich face à l’Allemagne. Pour en savoir plus sur la bande à Joachim Löw, nous nous sommes tournés vers Margot Dumont, journaliste à beIN Sports qui diffuse 100% de la compétition sur ses antennes. Entretien avec la madame Mannschaft de beIN.

Ultimo Diez – Avant d’entrer dans le vif du sujet, qu’est-ce que d’avoir la confiance de beIN Sports pour une nouvelle compétition internationale ? 

C’est la 3e grande compétition que je couvre à part entière. C’est vrai que c’est super, je vais tenir le même discours qu’un joueur (rires) : c’est pour ça que tu te bats, que tu te travaillais, que t’as envie de faire ce métier. C’est génial, je suis super contente. En plus cette année j’ai un rôle un peu différent des autres donc on progresse, et puis vivre les choses de l’intérieur c’est super.

D’ailleurs, tu peux nous en dire plus sur ton rôle, tes missions, dans le dispositif mis en place par beIN Sports ?

Alors j’aurais vraiment un rôle de soutien au présentateur. Je vais pouvoir participer à la prise d’image, à l’élaboration des palettes, présenter mes éléments. Après, évidemment, à l’occasion d’un France-Allemagne, je vais pouvoir apporter encore plus parce que je connais bien cette sélection. Mon rôle premier ça sera d’être là pour seconder le présentateur.

«Hummels et Müller ont fait beaucoup de bien dans l’état d’esprit»

Tu l’as dit toi-même, tu connais bien la sélection allemande. D’un point de vue extérieur, entre l’imbroglio autour des cadres puis leur retour, la possible compétition de trop pour Löw, des déconvenues récentes, on n’a pas l’impression que l’atmosphère soit idéale… 

Effectivement, il y avait beaucoup d’incertitudes jusque dans la préparation après le 6-0 face à l’Espagne, la défaite (1-2) face à la Macédoine… Maintenant, on a aussi vu que les revenants ont fait du bien lors du dernier match face à la Lettonie (7-1) où tous les attaquants marquent, dont Müller. C’est un match déclic qui nous fait dire qu’ils sont peut-être de retour. Les incertitudes ne sont pas balayées mais, au moins, l’optimisme est revenu dans les rangs.

D’ailleurs, Hummels et Muller ont fait beaucoup de bien dans l’état d’esprit, la rage du second notamment. Dans une grande compétition, il faut toujours se méfier de l’Allemagne même si la dernière campagne en Coupe du monde a été catastrophique. Les joueurs et le sélectionneur ont fait savoir qu’ils étaient bel et bien là dans l’état d’esprit.

Au moment d’entamer son Euro, qu’est-ce que tu penses de la constitution de la liste par Joachim Löw ? À première vue, il n’y a pas de grosses surprises… 

Quand tu regardes l’équipe, c’est une équipe de ouf ! Tout le monde rêverait d’avoir cette équipe. Sur le papier, je te dis oui, mais il faut voir sur le terrain. On a vu ces derniers temps que ça n’était pas forcément évident. Je te dirais que le match contre la France sera vraiment le baromètre, c’est comme ça qu’on le voit en Allemagne. Un gros match test. Il y a quand même eu quelques surprises, du moins des joueurs qu’on ne connaît pas trop en sélection, notamment Gosens qui est exceptionnel avec l’Atalanta.

Partant de ça, dans quel dispositif tu les vois débuter ? On sait que certains se posent la question de la défense à 3 ou à 5… 

Il n’y a pas vraiment d’hésitation dans la tête de Löw. Les deux derniers matches ont été joué à 3 derrière, en 3-4-3. Ce n’est pas par hasard, c’est un système auquel on s’attend. On peut dire que c’est un système contraint du fait de l’absence de Goretzka. Il y a d’autres incertitudes notamment sur la composition du trident offensif.

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Une autre zone d’ombre, tu l’as évoqué, c’est le 3e larron qui prendra place dans le trident offensif : Havertz ou Sané. Si on se fie au match contre la Lettonie, Havertz part devant par rapport à un Sané moins en vue…

C’est ça. Il tient la corde. Selon nos confrères en Allemagne, Löw aurait tranché pour Havertz. Je trouve que le problème de Sané, c’est qu’il est encore un peu tendre dans les gros matches. Ce n’est pas un combattant.
Quand tu regardes Havertz, il a une progression assez folle. Il gagne la Ligue des champions, marque le but vainqueur, il a passé un cap.

Sané manque de détermination en comparaison. Après, ça reste un super joueur, techniquement il peut faire basculer une rencontre. Seulement, le match contre la France sera un combat et pas uniquement un numéro de soliste. Havertz a tout de même une longueur d’avance.

«Si Goretzka était là…»

Joachim Löw a insisté sur l’importance de Goretzka, malgré le fait qu’il ne soit pas en état de commencer la compétition en même temps que ses coéquipiers. Dans un tel dispositif, on se retrouverait avec Kroos, Gündoğan et Goretzka pour deux places. Une fois revenu, qui part devant ? 

Je pense qu’on est tout à fait capable d’assister à un changement de système lors de son retour. Après, s’il y en a un des trois qui a fait une moins bonne saison que les autres, c’est Toni Kroos. En plus, il avait le Covid en début de préparation, il revient mais est peut-être moins là physiquement. Attention, il a fait une bonne saison mais ce n’est pas sa meilleure. Si Goretzka était là, on se demanderait plutôt qui l’accompagnerait avec Kimmich. Mais là, la question ne se pose pas.

Löw réitère constamment sa confiance à Kroos, alors que son cas semble diviser dans l’opinion publique. Le dernier exemple en date, c’est la passe d’armes entre lui et Lothar Matthaüs lorsque ce dernier ne l’a pas placé dans son onze idéal pour débuter l’Euro. Comment expliquer ça ? 

Je trouve que Kroos jouit d’une belle côte de popularité, il n’y a pas forcément de débat là-dessus. Ça vient peut-être du fait que sa saison au Real Madrid n’est pas aussi bonne qu’auparavant et surtout, il y a des joueurs qui montent. Je pense à la progression de Goretzka, particulièrement d’un point de vue physique. Kroos est fort mais il y a peut-être plus fort que lui désormais.

Je trouve que le meilleur poste de Kimmich c’est au milieu de terrain. C’est aussi un débat qui est présent outre-Rhin : à droite ou au milieu ? 

Il évolue surtout au milieu au Bayern. La composition probable de l’Allemagne semble placer Kimmich à droite. S’il y a un point faible dans cette équipe d’Allemagne, ça ne sera pas le côté droit parce qu’il y est mais plutôt le milieu de terrain car il n’y est pas. J’en ai parlé avec certains confrères allemands, c’est ce qui ressort. C’est bien de l’avoir à droite mais… ça serait bien de l’avoir au milieu. C’est un problème de riche.

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Tu parles d’engagement, de combat, on pense tout de suite aux déclarations de Rüdiger et de Schweinsteiger. L’ancien milieu du Bayern a souligné l’importance de revenir aux valeurs traditionnelles de l’équipe d’Allemagne, l’état d’esprit, l’engagement, plutôt que de tout voir par le jeu. Tu penses que le renouveau passera par là ? Si oui, en ont-ils les moyens ? 

Je te dirais que oui d’autant plus où ils sont dans une position où ils doivent se racheter. Il faudra mettre l’état d’esprit d’un groupe qui va au combat. C’est ce que le public attend et ça passera par là. Ils ont une certaine pression populaire qui fera que ça passera par cette facette-là. Le jeu certes mais surtout des chiens sur le terrain. Ils ont le blason sur la poitrine et il ne faut pas décevoir. Passer à travers deux compétitions consécutives, ça ne va pas le faire. Ils savent et c’est aussi pour ça que Rüdiger a fait cette sortie.

«Quand t’es l’Allemagne, tu dois viser la finale !»

Du coup c’est quoi les attentes ? Une demi et un parcours honorable ou la victoire coûte que coûte ? 

Même quand tu sors d’une Coupe du monde catastrophique comme l’Allemagne, tu te dois d’aller au bout. Avec cet effectif, le minimum c’est une demi ou une finale. Et encore, quand t’es l’Allemagne tu dois viser la finale ! Pour preuve, Oliver Bierhoff (directeur sportif de l’équipe d’Allemagne, ndlr) et la fédération ont fixé la plus grosse prime de l’histoire de la Mannschaft en cas de victoire, 400.000€. Pour la Coupe du monde 2018, c’était 350.000€. Ils se sont justifiés en disant qu’il fallait leur mettre une certaine pression pour aller gagner cet Euro.

Commencer dans un groupe relevé, ce n’est pas idéal pour une équipe qui a eu tendance à commencer timidement lors de ses dernières grandes échéances ? 

Ça permet de mobiliser les troupes d’entrée. C’est l’occasion de ne pas calculer, d’être tout de suite dedans et de se faire une idée d’où en est l’effectif. Commencer par la France et le Portugal, ça sera un bon baromètre. Je trouve ça très bien de débuter par des chocs, pour le public aussi.

«Le milieu et l’attaque, c’est le gros point fort de l’Allemagne»

D’ailleurs, de quoi est-ce que la France devrait se méfier avant d’affronter l’Allemagne ? Et a contrario, sur quoi doit-elle miser ?

Concernant les faiblesses, je dirais le système puisque ce n’est pas un système traditionnellement utilisé par l’équipe l’Allemagne. Je dirais aussi la défense centrale parce que Ginter, Hummels et Rüdiger n’ont pas beaucoup joué ensemble. On pense aussi au fait de ne pas avoir Kimmich au milieu de terrain. La France pourrait profiter de tout ça si elle met le bouillon d’entrée.

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Le point fort, c’est l’armada offensive allemande qui parle d’elle-même. Gnabry, le feu qu’il peut te mettre, la saison d’Havertz, Müller qui est le taulier en club et qui montre qu’il l’est encore en sélection. Derrière, il y a aussi Sané. Il y a un gros milieu de terrain avec Gündogan qui a fait une saison de fou. Le milieu et l’attaque, c’est le gros point fort de l’Allemagne.

Donc si tu devais te mouiller, c’est quoi ton pronostic pour France-Allemagne ?  Et au-delà, tu vois l’Allemagne à quelle place à la fin de cet Euro ? 

C’est très compliqué… Je pense que ça va être assez serré mais aussi assez ouvert. Je dirais 2-1 pour l’une des deux équipes mais je sais que c’est pas une réponse qui va te plaire (rires.). Si je devais vraiment trancher, je pencherais pour la France. Si Mbappé commence à mettre le feu, ça peut craquer. Après, il faut prendre en compte que le match se joue à Munich, ça peut jouer. Beaucoup de joueurs y jouent en club et on sait que quand le Bayern joue à domicile, ils sont injouables. Les repères, le public, la pression populaire, il faut voir… Sur le football pur je dirais la France mais avec le contexte, je dirais l’Allemagne. Donc c’est très difficile ! (rires) Sur leur place à la fin du tournoi, je les vois minimum en quart et s’ils arrivent jusque-là, ça ne m’étonnerait pas qu’ils aillent en finale.

Un grand merci à Margot Dumont et à beIN Sports pour leur disponibilité.

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