[Benfica] Jorge Jesus, retour en terre promise

Avant d’être connu pour être un club de football, Gil Vicente est le père de la dramaturgie portugaise. Considéré comme le premier grand homme du théâtre portugais, il est celui qui apporté la dramaturgie à la littérature du pays. Si Gil Vicente en est le père, Jorge Jesus en est probablement le fils. Et pour la deuxième fois, l’entraîneur lusitanien a donné un ton dramatique à sa vie. Après avoir conquis le Brésil et l’Amérique du Sud avec Flamengo, Jorge Jesus est revenu à la surprise générale au Benfica. Un vrai séisme a eu lieu, aussi surprenant qu’inattendu. Le technicien portugais a pris la décision la plus importante de sa vie. Revenir dans la maison où il était le plus détesté.

Quand Jesus devient Judas

Lorsque Jorge Jesus a quitté le Benfica en 2015, personne n’aurait imaginé un retour quelques années plus tard. Le technicien venait de quitter le SLB pour rejoindre le voisin et rival du Sporting. Un acte de haute trahison qui fera de Jorge Jesus l’individu le plus détesté du pays. Ou au moins du Benfica. Lorsque JJ arrive au Glorioso en 2009, personne ne s’attend à ce qu’il y reste six ans et en devienne un des entraîneurs les plus influents. Ses nombreux titres, sa grande gueule et son football vont marquer les supporters du Benfica. Malgré l’amour inestimable des résidents de l’Estadio da Luz, Jorge Jesus va leur planter un couteau dans le dos.

Dans l’histoire du football portugais, un tel acte n’est plus arrivé depuis des décennies. Évidemment que des joueurs ont déjà joué pour les deux clubs. Mais voir un protagoniste aussi important rejoindre le rival, cela révèle bel et bien du crime de lèse-majesté. C’est la première fois depuis 1931 qu’un entraîneur passe directement du Benfica au Sporting. Personne ne pensait cela possible, surtout de la part d’un coach qui a passé six ans dans l’un des clubs. Et pourtant, Jorge Jesus a rajouté un nouvel épisode à sa pièce de théâtre. Son expérience au Sporting aura été pleine de hauts, comme sa première à Estadio Da Luz qui se soldera par un cinglant 0-3.

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Et surtout de bas, à cause en partie de sa relation avec le président de l’époque, Bruno de Carvalho. En rejoignant le Sporting, Jorge Jesus a réalisé le rêve de son père. Celui de voir son fils entraîner son équipe préférée. Bien que JJ ait joué deux ans pour les Lions au début de sa carrière, il n’a jamais porté le maillot de l’équipe première. Une déception pour son père, grand amoureux du Sporting. Étant dans un état de santé préoccupant, Jorge Jesus réalisa le dernier souhait de son père, le voir dans le club qu’il a toujours supporté. On pourra toujours reprocher son choix, mais la puissance d’une telle décision va au-delà du football, bien qu’une partie des spécialistes pensent que c’est une décision purement financière.

Jorge Jesus avait cette volonté de ne plus être étiqueté plus comme l’homme d’un seul club. Son amour pour les supporters de Benfica a toujours été plus fort que pour celle du Sporting, Braga ou Belenenses, mais JJ veut rester un homme libre. Après son expérience réussie au Flamengo, Jesus est devenu l’entraîneur portugais à suivre. Le technicien de 65 ans a retrouvé du crédit dans son pays et dans le monde. « Dorénavant, les gens me regardent sans quelconque maillot de clubs portugais sur le dos », comme il l’a souligné durant son passage au Brésil. Jorge Jesus est avant tout un grand entraîneur avant d’être celui d’un seul club.

L’entraîneur de Flamengo prolonge durant le mois de juin avec la possibilité de quitter le club si une offre intéressante arrive sur la table. Jesus est transparent, il ne se voit pas ailleurs, sauf cas exceptionnel. Dans son esprit, seul cinq clubs peuvent le déloger du Maracana. Si tout laisse à croire que le Real Madrid et le FC Barcelone sont dans le lot, les trois autres demeurent un mystère. Pour Jorge Jesus, seul ces clubs sont au standing du Flamengo en terme de notoriété, passion et de trophées. Une dernière déclaration va donner le ton : « Je préfère être dans un club au Portugal que dans le reste de l’Europe, si nous parlons de clubs de même notoriété. »

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Tout laisse à croire que ce fameux club est le Benfica. Le reste appartient à l’histoire. Flamengo  remporte le championnat Carioca, qui s’ajoute au quatre autres titres remportés durant le mandat du portugais. La finale face à Fluminense ressemble à la dernière de Jorge Jesus. Flamengo va l’emporter 2-1 grâce à un but à la 95e, comme face à River Plate quelques mois auparavant. Au-delà des titres remportés, la plus grande réussite de Jorge Jesus est ailleurs. Faire autant l’unanimité dans un des plus grands pays d’Amérique du Sud est quelque chose de remarquable. Voir un Portugais réussir de la sorte au Brésil est quelque chose de rare, encore plus dans le plus grand club du pays. Tout les supporters rubro-negro se rappelleront de Jorge Jesus. Dorénavant, le plus grand défi de la carrière de JJ arrive.

Ascension ou crucifixion ?

Alors que Benfica a vu le FC Porto lui reprendre le titre durant cet exercice, O Glorioso cherche à retrouver de sa splendeur. Le club benfiquiste est à un tournant. Sur les deux dernières décennies, le club lisboète a vu le FC Porto prendre 11 championnats, pendant que le Benfica en a pris 7. Porto est l’équipe des années 2000, que ce soit sur le plan national et continental. Porto c’est deux victoires sur la scène européenne pendant que le Benfica s’est vautré deux fois en finale de l’Europa League. Depuis l’arrivée de Sergio Conceiçao au FC Porto, la bataille fait rage entre les deux gros. Benfica veut récupérer son leadership à tout prix. Les mandats de Rui Vittoria et Bruno Lage ont été rempli de haut et de bas. Mais les deux entraîneurs ont surtout souffert d’une chose, la comparaison avec Jorge Jesus. JJ représentait Benfica et ses supporters. Pour lui, le club devait regarder droit dans les yeux les plus grands clubs européens. Un sentiment de fierté fort qui a disparu petit à petit après son départ. Et ça, le board du Benfica l’a remarqué. La direction a vocation de créer un engouement nouveau autour du club. La question du nouvel entraîneur s’est rapidement posé.

Bruno Lage n’ayant pas les épaules assez larges pour assumer ce rôle, il fallait un grand nom pour prendre sa succession. Les noms de Unai Emery et Mauricio Pochettino reviennent fréquemment. Si pour le dernier, le dossier paraissait trop compliqué, la piste de l’ancien d’Arsenal était concrète. Finalement, Unai Emery a privilégié un retour en Espagne et plus précisément du coté de Villarreal. La piste Mauro Silva a été explorée, mais Benfica ne pense qu’à un seul homme, celui qui est parti chez le rival quelques années auparavant. Rapatrier Jorge Jesus créerait une vraie discorde chez les supporters. Mais le club est dans une situation délicate et doit signer un grand nom pour repartir sur des bonnes bases. Et Jorge Jesus est le seul entraîneur capable d’endosser ce rôle. Malgré la fin de l’idylle houleuse, durant laquelle l’ancien du Flamengo jurait que « là-bas (au Benfica), personne ne connaissait rien au foot hormis Rui Costa », le président Luis Filipe Vieira va faire table rase de ses déclarations. L’intérêt de son club prime avant tout. La présence de Rui Costa facilite le retour de JJ. Mais une problématique risque de rapidement émerger.

Lors de son premier passage au Benfica, Jorge Jesus a eu des résultats probants. Son football attractif a permis au club de retrouver les sommets sur la durée. Bien que l’effectif était de qualité à l’époque, il existe une différence avec l’actuel. Benfica a basé une partie de sa reconstruction avec les joueurs de son centre. Considéré comme l’un des meilleurs du monde, le Seixal est au coeur du projet depuis le départ de Jorge Jesus. Celui-ci a toujours été délaissé par JJ, au point où des joueurs comme Nelson Semedo, Joao Cancelo ou Bernardo Silva ont eu très peu de temps de jeu durant son passage. Jorge Jesus a toujours préféré les étrangers et jeunes étrangers au jeunes du cru. Aujourd’hui, l’effectif est composé à 50% de joueurs du Seixal. Mais le club a vocation à développer une nouvelle politique.

Le transfert de Julian Weigl laisse présager des investissements massifs sur des joueurs étrangers de qualité. Le Benfica a investi 20 millions sur l’international allemand, malgré la présence à son poste de Gabriel et Adel Taarabt. L’objectif étant de se renforcer, tout en marquant un coup sur le marché des transferts. Avec Jorge Jesus, le board aura vocation à chercher des joueurs plus aguerris, capable de répondre rapidement aux besoins de l’entraîneur. Avec lui, le processus est simple : on monte une équipe pour obtenir les résultats avec les joueurs dont on a besoin. Coïncidence ou pas, la première recrue qui pourrait rejoindre Jorge Jesus est Islam Slimani. L’ancien buteur du Sporting a vécu sa meilleure période sous JJ, donc il ne serait pas étonnant de le voir rejoindre son ancien mentor rapidement. Alors que la saison vient de prendre fin au Portugal, le chantier reste colossal pour Jesus. Mais comme il l’avait si bien dit à son arrivée au Flamengo : « Je suis Jesus mais je ne fais pas de miracle du jour au lendemain ». Avant de surenchérir par « mais je sais qu’avec l’aide de tous, nous apporterons des titres ». Quelques mois plus tard, Flamengo remporte 5 titres.

Crédit photo : IconSport

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« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois.»