Après une semaine de trêve, la Ligue des Champions reprenait ses droits. Les premiers qualifiés (Real Madrid, Bayern Munich) étaient connus, et d’autres devaient « simplement » confirmer le travail effectué lors des matchs allers. C’était le cas du Paris Saint-Germain.
Les Parisiens se déplaçaient du côté du Camp Nou après le match aller (victoire 4-0) dans l’optique de se qualifier en ¼ de finale face un FC Barcelone qui voulait réaliser l’exploit de l’histoire en Ligue des Champions.
Actuellement 2e de la Ligue 1, l’équipe d’Unai Emery venait d’enchaîner 4 matchs sans défaite dont une correction collée à l’Olympique de Marseille (1-5). A la veille de ce match, l’entraîneur espagnol n’a pas fait de cachotteries concernant l’était de son infirmerie :
« Pour demain, les joueurs qui ne sont pas prêts à jouer sont Gonçalo Guedes (pas qualifié) et Thiago Motta (touché au mollet). »
Face à eux, on retrouve une équipe catalane reprenant du poil de la bête grâce à 4 victoires depuis le match aller. Alternant grosses performances et matchs de qualité discutable, les hommes de Luis Enrique (sans Vidal, Mathieu et Denis contre Paris) sortaient d’un match face au Celta Vigo (victoire 5-0) qui leur donnait l’espoir de réaliser l’exploit de ces phases finales et de rendre le match mémorable.
Et bah, on peut dire que ça a été le cas…
Les compositions d’équipe
Les différents entraîneurs ne présentent aucune grosse surprise dans leur onze de départ.
Côté parisien, le seul changement étonnant est la titularisation de Lucas qui composera le trio d’attaque avec Cavani et Draxler, à la place de Di Maria, incertain avant le match. Pour la suite, on retrouve un Kévin Trapp protégé par une ligne de 4 avec Meunier, Marquinhos, Thiago Silva et Kurzawa. Devant eux se trouve un milieu Verratti, Rabiot -qui remplace Motta- et Matuidi. Du classique.
Pour ce qui est des joueurs du Barça, le dernier match contre Vigo annonçait déjà la couleur : c’est un 3-3-4 qu’a décidé d’aligner Enrique avec Mascherano, Piqué, Umtiti pour défendre les buts de Ter Steegen. Au milieu, on retrouve le trio Iniesta, Busquets et Rakitic. Enfin devant, la MSN sera accompagnée cette fois ci d’un nouvel élément, en la personne de Rafinha.
Quand le lion se transforme en chaton
Tout le monde s’en doutait : le Barça allait se tourner vers un match où il allait être agressif et chercher à marquer le plus rapidement possible. Donc on pouvait se demander comment Paris allait contrer l’animation catalane. En les pressant ?
Rarement un coup d'envoi n'a aussi bien représenté les 90 minutes qui allaient suivre pic.twitter.com/htRpagoHfw
— Matthieu Martinelli (@matmartinelli) March 9, 2017
L’entame de match a été claire dès le début sur les intentions parisiennes : aucun pressing n’allait être effectué, ça allait jouer très bas. C’est un choix assez surprenant dans le sens où Paris a été excellent dès lors qu’il allait chercher les Barcelonais très haut et qu’il poussait son adversaire à reculer le plus possible.
L’image est marquante et montre que l’idée du match aller a été vite oubliée. On se retrouve dans une situation où le bloc équipe est formé en 4-5-1 avec un Cavani tourné vers un marquage individuel sur Busquets.
De ce fait, le jeu barcelonais est plus à même d’être mis en place. Les défenseurs centraux n’hésitent pas à prendre les espaces libres en face d’eux en « conduccion » et ont la possibilité de jouer sur les joueurs de côtés libres (on en reparlera plus tard). L’opposition n’est pas la même pour les latéraux et les comportements changent le sens du match. A droite, on se retrouve souvent dans un duel en 1 contre 1 avec Neymar confronté à Meunier, qui est agressif sur le Brésilien (6 fautes commises). Mais de l’autre côté, des difficultés naissent pour la défense parisienne avec l’opposition entre Kurzawa et Rafinha. L’international français a des difficultés à se positionner face aux placements du frère de Thiago car ce dernier colle beaucoup la ligne, voulant écarter le bloc adverse. Souvent en retard du fait de sa passivité lors de la circulation du ballon catalane, il est vite un point faible pour les Parisiens et Barcelone en profite.
Voici la carte de chaleur des deux différentes équipes. A gauche, le FC Barcelone et à droite, Paris. On remarque que le jeu espagnol passe par le côté droit de façon répétitive suite aux espaces laissés par l’ancien Monégasque. Sur certaines situations, ce dernier n’est pas actif, subit les déplacements du ballon et met en retard son cadrage sur Rafinha.
Le premier but montre que le comportement passif n’est pas seulement notable du côté de Kurzawa. On voit des joueurs à l’arrêt avec aucune intention de pousser les catalans à reculer et à ne pas subir l’action. Le comportement de Meunier est aussi flagrant du fait qu’il ne prend jamais l’information que Suarez est dans son dos, et que personne ne l’informe de cette situation.
Le 6ème but et le comportement d’Aurier est aussi une preuve de cette fébrilité qui a visiblement gangrené tout les joueurs lors du match.
En plus de cette faille comportementale, les différentes erreurs individuelles (Trapp sur le 1er, Marquinhos et Kurzawa sur le 2nd, Meunier sur le 3e ) mettent à mal le bloc parisien à cause de la position basse de l’équipe. Une chose stupide mais claire n’a pas été comprise par Paris durant le match : c’est plus dangereux de perdre le ballon 20 mètres devant tes buts que de le perdre à 60 mètres.
Et dès la récupération du ballon, les parisiens ont du mal à se projeter comme ils le faisaient lors du match aller. On voit des latéraux qui ne dépassent pas le milieu de terrain adverse en moyenne durant le match.
Du coup, lorsque Paris veut ressortir le ballon, il n’y a aucune solution dans la largeur et profondeur. Les joueurs comme Matuidi, Lucas et Cavani devraient être un point fort dès la récupération de la balle par des projections pour jouer vers l’avant et faire sortir le bloc équipe. Mais là ils sont absents dans leur domaine de prédilection par un manque de lucidité du fait du travail défensif et d’un pressing constant des barcelonais (on en reparlera aussi après).
Les Parisiens ne sont jamais en capacité de faire développer leur football. Au lieu de ça, il se contentent de balancer devant. La statistique la plus marquante et qui montre que le PSG est passé à travers son sujet lors de l’utilisation de la balle est celle-ci :
PSG passes after the 85th minute mark:
To Barcelona players (4)
To PSG players (4)
Out of touch (2) pic.twitter.com/S7iXo1rOM3— Squawka Football (@Squawka) March 9, 2017
Les joueurs barcelonais à fond sur la route de la qualification
Du côté de la Catalogne, le match est fait pour aller chercher la victoire. Tout est au rendez-vous pour créer l’exploit sans avoir même été l’un des meilleurs Barça que l’on ait connu sous Enrique.
Alignée en 3-3-4, l’équipe de Luis Enrique veut avoir de la présence dans toutes les zones importantes du terrain. En défense, les 3 centraux qui peuvent à la fois couvrir la profondeur et être en supériorité face à l’attaque parisienne créent une situation de surnombre sur les côtés lorsque ces derniers décident de porter le ballon vers l’avant.
Au milieu, on retrouve un trio habitué ces dernières saisons à jouer ensemble, en l’occurrence : Iniesta-Busquets et Rakitic. Cantonné au rôle de regista, l’espagnol est associé avec ses deux compères qui sont eux dans un rôle important pour les constructions des différentes actions.
Occupant l’halfspace entre Draxler et Matuidi, l’international croate permet de créer une solution libre pour Rafinha qui se retrouve tout seul sur un côté déserté par Kurzawa, obligé de recouvrir l’axe. De ce fait, chaque décalage trouvé dans le bloc parisien permet de renverser vite le jeu à l’opposé et de trouver une solution (cf but de Suarez).
Cette carte montre les dribbles tentés par les deux joueurs excentrés. Sur le côté de Neymar, le Brésilien n’hésite pas à provoquer et à prendre des initiatives face à son adversaire direct. Cela est dû aussi au travail qu’Iniesta fait pour lui ouvrir l’espace dans cette idée d’obliger l’excentré droit (Lucas) à s’éloigner du marquage. Pour contrer cette force barcelonaise, Paris n’hésite pas à faire une prise à deux pour l’empêcher de prendre de la vitesse mais rien n’y fait. Si on lui laisse un couloir en un contre un, et dans un bon soir, Neymar est indiscutablement le meilleur dans ce domaine.
Ensuite, d’un point de vue défensif, la nonchalance et la passivité ne sont plus.
Lorsqu’ils n’ont pas le ballon, les Barcelonais n’hésitent pas à faire un marquage individuel dans leur zone pour empêcher les Parisiens de respirer et d’avoir le temps de déposer le jeu. Dès la perte du ballon, l’agressivité est au rendez-vous.
Tout était fait pour que l’équipe n’ait aucun regret et la mentalité a suivi cette ambition. Des joueurs tels que la MSN étaient au four et au moulin, surtout un Neymar des grands soirs ; des joueurs comme Busquets ou Umtiti ont sorti un match référence avec une prestation de grande classe. Ce travail aurait pu être gâché par le but de Cavani mais…
Ne jamais quitter la soirée avant la fin !
Que dire ? On aime tous le football pour des fins de la sorte. Peu de mots à dire mais beaucoup d’yeux vont s’ouvrir. Profitez.
https://twitter.com/VlSCABARCA/status/839792046449778688
On vient sûrement de vivre l’un des matchs les plus fous de notre existence, que l’on soit supporter ou juste spectateur. Cette défaite du côté de Paris va peut-être faire prendre un tournant dans le projet qatari alors que c’est tout l’inverse du côté de Barcelone. Les joueurs d’Enrique qui vivent une saison en demi-teinte vont prendre en confiance et peut-être aller chercher un triplé que personne n’attendait. Tout cela reste des suppositions mais en tout cas, une chose est sûre : un tournant a eu lieu après ce match.
Merci de nous faire vivre des émotions de la sorte, monsieur le football.
Credit photo : Emilio Morenatti/AP/SIPA