Si le PSG a récemment réussi à lui mettre le grappin dessus, il demeure difficile d’enfermer le footballeur Georginio Wijnaldum dans une case. Entre son rôle en club et ses fonctions en sélection néerlandaise, la différence est épatante. Décollons donc deux minutes l’étiquette réductrice de «box-to-box» et enquêtons sur l’insaisissable profil de Gini.

L’ex-milieu de Liverpool doit en avoir un gros dressing. Ou plutôt une collection de fringues particulières. Dans la Mersey, Wijnaldum jouait la discrétion. Pourtant, dès lors qu’il replante les crampons dans sa terre natale, le trentenaire quitte un sobre sweat à capuche rouge pour enfiler une tenue de soirée couverte de paillettes oranges. Après avoir écouté le heavy metal, cher à Jürgen Klopp, tout au long de la saison, le Néerlandais s’envoie désormais du Angèle pour se calmer avant d’affronter l’Ukraine ou l’Autriche. Un registre plus soyeux. Plus à la mode. Un peu de flashy pour rappeler que «Gini» n’est pas qu’un simple joueur de l’ombre.

En pleine Boer

Frank de Boer ne se fait pas prier pour permettre à Wijnaldum de faire parler sa fibre offensive. Propulsé derrière le duo Depay-Weghorst (ou Malen), le néo-Parisien est le milieu le plus offensif du 3-5-2 néerlandais. C’est à l’occasion des deux matches de préparation précédant l’Euro que de Boer a pris goût à faire des infidélités aux traditionnels 4-3-3 Oranje. Mais Gini n’a pas attendu ce changement de système pour aller fouiner dans les surfaces adverses. C’est bien en pointe haute du milieu à 3 de Koeman qu’il avait inscrit 8 buts lors des qualifications pour ce championnat d’Europe.

Sous les ordres du sélectionneur actuel, Wijnaldum affiche 7 pions et 3 assists en 14 capes. Clinique. Des stats qui ont de quoi intriguer une flopée de supporters liverpuldiens. Et qui reflètent l’apport du droitier pour la sélection dont il est le capitaine. Numéro 8 dans le dos, 10 dans le positionnement, il laisse à Frenkie de Jong le soin de faire progresser le ballon. Le Barcelonais vole sur cette entame d’Euro et lie la défense et l’attaque néerlandaise. Tandis que le blondinet se projette parmi des adversaires qui semblent figés sur le mode Ralenti, Wijnaldum fait parler son intelligence. Toujours bien placé, il occupe l’espace entre les lignes et se rend disponible dans le moindre intervalle.

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Une fois trouvé, c’est pantoufle-time. Gini enchaîne les contrôles orientés de l’intérieur du pied vers le but. Il sert son duo d’attaquants à l’entrée de la surface ou cherche à s’associer avec Memphis en lui redemandant.

Le retour du créatif

En se rapprochant de Weghorst et Memphis, Wijnaldum fixe également la défense dans l’axe. Une manœuvre calculée pour ouvrir les couloirs aux pistons néerlandais. Dumfries en profite pour multiplier les courses et les actions décisives sur le côté droit. Non content de dominer physiquement, Denzel s’entend bien avec son capitaine. Les deux hommes combinent lorsque Gini vient s’aventurer dans le demi-espace droit. D’un subtil extérieur du pied, le numéro 8 a même donné l’occasion à Dumfries de croquer la feuille contre l’Ukraine.

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Le Parisien à beau avoir quitté Liverpool, Georginio fait toujours du Wijnaldum. Suite à ses décrochages ou avant de lancer une transition, le milieu reste un maître de la conservation du cuir. Il n’hésite pas non plus à progresser balle au pied quand l’espace se présente. Sans ballon aussi, Gini accompagne chaque contre-attaque. Il prend également un malin plaisir à traîner aux abords de la zone de vérité, arrivant en retard de l’action pour tenter sa chance. C’est de cette façon qu’il a ouvert son compteur Euro face à l’Ukraine. Son match contre la Macédoine du Nord est un condensé de déplacements tranchants vers et dans la surface. Prestation récompensée par deux réalisations.

Cependant, son attirance pour la surface ne risque-t-elle pas de déséquilibrer sa formation ? Contre les Ukrainiens, les Pays-Bas ont souffert à la perte, notamment en première mi-temps. Sur attaque rapide ou contre, Malinovsky et sa team ont su exploiter le trou béant laissé entre la ligne défensive et le milieu. Les Oranje s’en sont finalement sortis (3-2). Bien qu’ils aient mieux contrôlé cette phase de jeu contre l’Autriche (2-0), les Néerlandais ont été mis en difficulté par la Macédoine du Nord. Il faut dire que Marten de Roon n’était pas aligné contre Pandev and co. Or, le Bergamasque sait contrôler et s’ajuster en fonction de l’activité de ses compères du milieu. Gini, lui, est un leader, habitué à replacer ses hommes et à presser fort avec Liverpool. Le retour du filet de sécurité de Ligt a aussi largement soulagé sa formation.

Aspirateur à pression made in Mersey

À l’instar du Turinois, Wijnaldum et de Jong diffusent leur sérénité. Les Pays-Bas ne sont pas encore passés sous le révélateur d’une nation de niveau supérieur, mais rares sont celles à pouvoir s’appuyer sur un tel milieu – voire une telle colonne vertébrale.

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En club, Georginio élève son niveau lors des matches qui comptent. Ses buts cruciaux parlent pour lui. Pourtant, et particulièrement lors de cette ultime saison à Anfield, le relayeur a souvent été jugé trop neutre. Pas assez entreprenant. S’il se montre efficace, ni ses 2 buts, ni ses autres statistiques ne témoignent d’une grande implication offensive. En possession, l’apport de Wijnaldum ne crève pas l’œil. Klopp l’emploie comme un aspirateur à pression. Solide, le Néerlandais repousse le pressing, propose des solutions à des partenaires en difficulté afin de stabiliser les conservations du LFC. Tout ça, avant de jouer la sécurité à coup de passes latérales.

La version Red de Gini est aussi plus défensive que l’édition Oranje. L’ex-Scouser réagit vite à la perte pour couper les transitions. Explosif du haut de son mètre 75, il est également assez puissant et peut bouger ses vis-à-vis. Ici encore, peu de chiffres impressionnants, que ce soit en matière d’interceptions, de tacles ou de récupérations. Cependant, Wijnaldum était l’un des meilleurs presseurs de Premier League. Fort d’un sacré volume de jeu, il cadre le porteur avec vigueur et l’enferme pour le pousser à la faute.

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Malin dans son positionnement et ses compensations, le Néerlandais était la caution sécurité de son écurie. Le couteau suisse n’a raté qu’un match de championnat lors des deux derniers exercices. Jamais blessé, il a d’ailleurs été désigné «joueur le plus régulier de la saison» par son coach.

Timide ou bridé ?

Essentiel aux pupilles de Klopp, qui lui a glissé le brassard en l’absence de Van Dijk et Henderson. Simple roue de secours pour certains fans. So, who is Gini ? Timide milieu de terrain ou footballeur offensif sacrifié ? Ses qualités, et son rôle à Liverpool, feraient plutôt pencher la balance vers la seconde option. Chez les Reds, le jeu s’articulait autour des latéraux. Le 4-3-3 affrontait toujours plus de bloc bas et pour avancer, la solution était plus évidente à trouver via les ailes. Il convient d’ajouter que Wijnaldum est moins créatif que Thiago ou Firmino. Néanmoins, la structure du jeu de Pool n’a pas évolué au service du Batave.

Les transitions sont devenues moins électriques à Anfield et le trentenaire n’avait plus autant d’occasions de se projeter. D’ailleurs, lorsque son club s’est retrouvée dans certaines situations d’urgence – comme contre le Real – le Néerlandais prenait bien plus de risques. Gini, quand il le décide, sait casser les lignes, contrôler vers l’avant et se placer dans la surface.

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N’en demeure pas moins que son nombre de buts ou de tirs ont décliné au fil des saisons. Peu exposé, Wijnaldum a aussi traversé les derniers mercatos dans la peau du joueur qui peut être remplacé. Liverpool a allègrement recruté au milieu. Cette saison, Gini a profité des blessures de Fabinho, Henderson, Thiago voire Van Dijk pour être aligné en 8 ou en 6. Ces facteurs, couplés à un salaire inférieur à celui de ses ex-coéquipiers, mènent à une nouvelle piste. Celle de la confiance propre du joueur et le crédit que lui accorde dirigeants et supporters.

Départ révélateur ?

Visiblement, le milieu comme son club souhaitaient ardemment poursuivre ensemble. Mais pas au point de céder aux conditions de la partie opposée. Le PSG, lui, offrait de solides garanties. Une place de titulaire et une belle exposition, sûrement. Encore plus de sous, assurément. Malgré la confiance de son coach, Wijnaldum semblait souffrir d’un manque de reconnaissance.

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Une hypothèse à relier à son tempérament en sélection. Le contraste entre ses prestations en club et avec les Pays-Bas ne s’explique peut-être pas qu’à la lumière du rôle dont il est affublé. Difficile de croire que Klopp aurait martyrisé son chouchou si ce dernier s’était laissé aller à quelques élans de créativité supplémentaires.

Avancer que Wijnaldum se briderait tout seul ressemble peut-être à une théorie fumeuse. Ce qui est certain, c’est que Gini rayonne en orange ou lorsque l’enjeu et la pression montent d’un cran. En rejoignant l’Angleterre, Wijnaldum a changé de dimension. Désormais, il vise le toit de l’Europe avec sa sélection. Si le numéro 8 avait déjà tout ce qu’il fallait en magasin, les conditions dans lesquelles il dispute cet Euro le transcendent mentalement et techniquement. Le projet de jeu des Pays-Bas met en valeur son côté créatif. Sa soif de challenge est étanchée par cette compétition qui le sort de sa zone de confort anfieldienne.

Dans la Johan Cruyff Arena, le milieu néerlandais respire le parfum de la liberté. Celui qui lui rappelle ses jeunes années en Eredivisie. Un temps où il portait des dreadlocks et où il pouvait facturer 14 buts la saison. En sélection batave, il est l’un des premiers noms qui viennent à l’esprit. Et Frank de Boer se charge d’orienter la vision de son capitaine vers l’avant. Non, Georginio Wijnaldum n’appartient pas à cette catégorie de joueurs qui n’existent pas dans le football de club, mais se sentent pousser des ailes en équipe nationale. Le profil de Gini, c’est celui d’un caméléon. Un milieu complet capable de se métamorphoser en renard des surfaces, comme en numéro 10.

Crédits photos : Icon Sport

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