Après avoir tutoyé les sommets du football en 2016, Antoine Griezmann vit une année 2017 compliquée, notamment depuis la reprise en août dernier. La véritable première traversée du désert d’une carrière démarrée il y a maintenant 8 ans en Copa Del Rey. Soutenu par Simeone et ses coéquipiers, Grizi l’est moins par des supporters madrilènes qui lui reprochent ses performances sportives, mais pas que …
Quatorze matchs, trois buts, trois passes décisives. Voila les stats faméliques d’Antoine Griezmann sous le maillot rouge et blanc de l’Atletico ces quatre derniers mois. Le bilan aurait encore pu être plus dur si parmi ces trois buts, il n’y avait pas le tout premier inscrit au sein du nouveau stade de l’Atletico Madrid, l’Estadio Metropolitano. Ce but avait une double portée : pour l’histoire, mais aussi pour lancer la saison des coéquipiers de Grizi. Depuis, tout n’est question que de paradoxes pour le club madrilène. Côté championnat, la bande à Simeone est un aussi solide que timide 4ème. Elle fait aussi partie du trio d’équipes toujours invaincues après 12 journées, une belle perf quand on sait que l’équipe a déjà fait face au Barça, au Real, au FC Séville et à Valence. Côté Ligue des Champions, c’est moins drôle. Avant le match de ce soir face à la Roma, l’Atletico pointe à la 3ème place de son groupe, déjà loin du duo de tête Roma-Chelsea, la faute à deux nuls face à la modeste équipe de Qarabag. Le match de ce soir est donc décisif pour rêver encore de la qualification en 1/8èmes de finale.
L’Atletico et Griezmann voient donc leurs performances respectives se corréler. Et Simeone n’est pas dupe, de son attaquant français dépend une bonne partie de la saison de son groupe. Soutien indéfectible, sorties médiatiques régulières, tout est fait pour que Griezmann redevienne le meneur qu’il fut à l’époque où les broncas actuelles laissaient place aux louanges. Si l’on en croit Frédéric Beigbeder, l’amour dure trois ans. Les premières crises du couple « Grizi/supporters » arrivent à l’aube de la 4ème année d’union. Un amour pur, passionnel, qui n’a cessé de croître jusque là. Jusqu’à ces derniers mois. Car oui, il y avait des signes avant coureurs, des signes qui laissaient présager le pire à l’heure où chaque match sans marquer creuse un peu plus le fossé entre l’international français et ses soutiens de toujours.
En France, le cas Griezmann ne suscite que très peu de débat. Un poil remis en cause durant la phase de poules du dernier Euro, il a depuis fait étalage de tout son talent et s’inscrit aujourd’hui, et à raison, comme le leader d’attaque des Bleus de Deschamps. Depuis plus de trois ans, grâce aussi à son image lisse et policée, Griezmann est l’icône foot de la fameuse ménagère. Le gendre parfait. A tel point qu’il pourrait presque agacer par son côté marketing, lui qui est devenu l’égérie de nombreuses marques en tout genre. En Espagne, son affiliation à la marque qui rugit aux côtés d’Usain Bolt ou sa façon de se raser, ce n’est pas le problème du colchonero. Le « matelassier » en a vu d’autres, des grands attaquants. Il sait ce qu’est un 9, un goleador, un véritable buteur. Griezmann passe après d’incroyables joueurs : Diego Forlan, Radamel Falcao, Diego Costa, Fernando Torres ou encore Sergio Aguero. Cette liste non exhaustive n’est qu’un inventaire récent de la flopée de buteurs qu’a connu l’Atletico Madrid. Ils sont ce que Griezmann ne sera jamais : des tueurs.
Alors oui, Griezmann a progressé sur ce point. Oui, l’ailier virevoltant qu’il était à ses débuts s’est mué en joueur d’axe complet, capable de faire marquer et surtout de marquer. Mais Griezmann n’a pas l’ADN d’un renard, d’un chien ne vivant que pour le but. Et ses nombreux trous d’air sont là pour en témoigner. Durant la saison 2015-2016, il reste muet pendant plus d’un mois et demi à la mi saison. L’an passé, 11 de ses 16 buts en championnat sont inscrits sur 9 rencontres. Soit 5 petits buts sur les 27 rencontres restantes… Griezmann est un joueur irrégulier. Quand il est en forme, il est très en forme. Mais quand il ne l’est pas… Ses impressionnantes stats globales (121 matchs de Liga avec l’Atletico, 62 buts, 19 passes décisives) trompent sur sa potentielle régularité, mais révèlent toute l’importance qu’il a sur le front de l’attaque du deuxième club de Madrid. Une importance qui se précise dans la prestigieuse Ligue des Champions où Grizi répond également présent (38 matchs, 16 buts, 4 passes). Si ce ne sont pas ses statistiques globales qui agacent, c’est donc son intermittence. Oui mais pas que…
L’amour dure trois ans, certes. Mais la jalousie dans tout ça ? Car non, le colchonero n’est pas prêteur. Non, en fougueux espagnol, le colchonero n’aime pas qu’on reluque ce qui lui appartient. Et force est de constater que ces dernières années, Griezmann est passée de « fille mignonne » à « reine du bal ». Donc forcément, ça attire le désir et la convoitise. Grizi le sait, et comme souvent quand quelqu’un contrecarre positivement son destin, il a tendance à en jouer. On l’oublie parfois, mais qu’est ce qui prédisait au petit Antoine, recalé de Montpellier et Lyon, de finir 3ème du Ballon d’Or dix ans plus tard ? Alors, grisé le Grizi ? Peut être un peu …
Son nouveau statut acquis, Griezmann surfe sur la vague et devient l’objet médiatique qu’on connaît. En France, son image tranche radicalement avec les déboires footballistico-sociologiques trop présents. A l’international, il est devenu le joueur aguerri, prêt à tout pour passer un dernier cap et rejoindre un des clubs historiques de notre vieux continent. L’heure d’un départ est en passe de sonner, il le sait, Cholo Simeone le sait. L’Atletico le sait. Griezmann multiplie les sorties médiatiques et forcément, les questions sur ses envies de quitter Madrid (ou d’aller chez l’ennemi galactique) arrivent. Et Griezmann dérape. Il parle de son envie de rejoindre le United de son pote Pogba. Il ouvre la boîte de Pandore, celle qui déchire presque à tout jamais un contrat de confiance entre un joueur et ses supporters. L’Atletico sera paradoxalement sauvé par son interdiction de recruter et l’envie de Griezmann de ne pas partir quand son club a besoin de lui. Mais le mal est fait.
A quelques jours de l’arrivée de Vitolo et Diego Costa, l’Atletico Madrid ne retrouve pas son flegme et ses skills récents. A l’image de son joueur phare, le club a un petit coup de mou, et l’arrivée prochaine des deux Espagnols ne pourra qu’être bénéfique. Si tant est qu’il reste encore de belles choses à jouer après l’hiver. Griezmann, lui, est à 7 mois d’une Coupe du Monde qu’il abordera comme porte étendard de sa nation. A 8 mois d’un départ quasi inéluctable après quelques semaines de vacances post-Russie. L’amour aura duré 4 ans, mais n’aura pas survécu aux soupçons de tromperie. Penser à une autre, est ce tromper ? Grizi a plusieurs mois pour partir par la grande porte. Il ne sortira sans doute pas par la petite mais qu’il empile les buts chaque semaine ou non, les « Viva » ne seront plus vraiment jamais les mêmes.
Photo credits : Benjamin Cremel / DPPI