Abdoulaye Sarr jouait à FIFA quand vous étiez encore dans le ventre de votre maman. Dans le monde des jeux vidéo très tôt, il ne l’a jamais quitté. Il a désormais une chaine YouTube avec plus de 250000 abonnés (vous pouvez cliquer juste ici). Celui que l’on appelle Le prof revient sur son parcours, le développement de l’e-sport, la FUT Champions Cup de Barcelone et, forcément, ce FIFA 18.
Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?
Je m’appelle Abdoulaye Sarr, j’ai 27 ans, je suis ancien joueur semi-pro. Semi-pro parce qu’à l’époque il n’y avait pas la notion de joueur pro sur FIFA. Il n’y avait pas ces structures avec les clubs pro e-sport ni de contrats.
J’ai été plusieurs fois 3ème meilleur joueur français (2008 et 2009). En tant que manager, avec les bons joueurs que j’ai coaché, on a été deux fois champion du monde FIFA.
Ensuite, je suis devenu rédacteur, j’ai fait beaucoup de vidéos avec des interviews, des montages sur des compétitions en France et également en Europe et je suis devenu commentateur e-sport.
À la suite de ça, j’ai ouvert ma chaîne YouTube il y a cinq ans sur FIFA. J’ai commencé par faire du tutoriel. Aujourd’hui, je fais encore des tutos mais aussi du gameplay, des vidéos football…
Et à côté de ça, je suis dans l’e-sport en tant que manager, je gère des événements e-sport dont l’Orange e-Ligue 1 en France. Je fais un peu le travail de l’ombre.
Je suis aussi commentateur FIFA pour les compétitions nationales mais aussi internationales puisque depuis peu je commente également en anglais.
T’as joué à FIFA très tôt, t’es dans ce milieu depuis longtemps, tu fais un peu partie des ambassadeurs de FIFA et de l’e-sport en France finalement.
Oui, si on peut dire ça comme ça, toute humilité gardée évidemment. Je pense que c’est surtout une chance. J’ai pu voir le développement dans les bons comme dans les mauvais côtés de la communauté FIFA et ça me permet d’avoir un regard avec un recul assez important.
Justement, peux-tu me parler de ce développement ? Es-tu fier de ce qu’est devenu l’e-sport ?
Moi, c’est simple, je vais résumer ça très rapidement. À l’époque, on se battait lors d’un tournoi pour gagner un bon d’achat de 30€ voire un jeu. Aujourd’hui, on fait de la compétition pour remporter 200000€ et c’est visionné par des centaines de milliers de personnes.
Toute l’évolution se fait là-dessus. Le mode de consommation du jeu n’est plus le même qu’avant. On se contentait de faire des tournois en ligne avec un micro-casque. On achetait le jeu pour faire de la compétition mais c’était vraiment une minorité. Là, aujourd’hui, pour les 3/4, on achète FIFA pour jouer à FUT, bâtir son équipe de rêve et ensuite tenter de faire les week-ends FUT champions.
Dans tes rêves, jusqu’où aimerais-tu emmener l’e-sport ?
Bah moi, ce que j’aimerais, c’est déjà qu’il y ait plus de médiatisation. Je voudrais une grande compétition internationale. Pourquoi pas dans un stade de football.
En toute objectivité et prudence, je pense qu’il faut avant tout structurer le truc. Ce que je veux dire, c’est que la vision, le rêve, je l’ai. Mais je trouve qu’il y a une structuration à faire sur l’aspect comportemental de la communauté et des joueurs également. Je ne dis pas qu’ils se comportent mal mais faut qu’ils deviennent de plus en plus pro.
C’est vrai qu’il y a eu un piège à cause du succès du développement de l’e-sport. Tout est allé tellement vite que les joueurs n’ont pas eu le temps, mentalement, de passer d’un jeu vidéo sur lequel tu fais des tournois pour le fun à un jeu pour lequel t’es salarié et ça en devient ton métier. À coté de ça, t’as des nutritionnistes, un rythme à tenir, une cadence, tu représentes un club.
Il y a aussi une structuration à faire de la part des éditeurs car ce sont des acteurs majeurs.
T’en as parlé, tu commentes désormais en anglais et c’est à Barcelone que tu l’as fait pour la FUT Champions Cup fin janvier 2018 avec ton petit accent français. C’était comment ?
Pour le coup, depuis des années, je commente des compétions. J’ai fait les championnats de France FIFA, j’ai interviewé en compétitions officielles, j’ai commenté sur pas mal de chaînes télé dont Canal+ à l’Olympia avec Habib Beye et Olivier Morin en décembre 2016. Commenter n’était pas un souci mais oui, c’était ma première fois dans une langue étrangère.
EA m’a proposé de venir commenter en anglais et je ne me suis même pas posé de question. Je sais que je ne suis pas bilingue anglais, je ne parle pas forcément couramment. Il y a énormément de mythomane qui se disent bilingues et qui maîtrisent trois mots. Bref, pour le coup, s’il y avait un moment où il fallait sauter dans le bain, c’était maintenant. C’était une chance énorme pour moi d’apprendre et de prendre de l’expérience. Peu importent les erreurs, c’est comme ça que l’on apprend. Le choix était très rapide.
Par contre, l’organisation a été pas mal critiquée par les joueurs pro. J’imagine que c’était encore pire pour eux mais comment l’as-tu vécu de ton côté ?
En fait, il y a plusieurs choses. Au niveau du ressenti, moi, étant donné que j’ai été joueur, je le ressentais comme eux. Pas au même niveau mais j’avais la même compréhension. Ensuite, pour eux, physiquement et mentalement, c’était compliqué de rester concentrer.
Ce que je trouvais super intéressant, c’est que cette année, à Barcelone, on n’avait pas un tournoi régional mais un tournoi mondial avec des joueurs du monde entier. C’était énorme. Surtout qu’avec 128 joueurs, c’était le plus gros tournoi depuis que FIFA existe. Le format était super aussi. Chaque joueur devait affronter sept prétendants en aller-retour. Ce qui te faisait 14 matches. Ce n’est pas deux matches de poule et tu rentres chez toi. En plus, à chaque fois, c’était un match contre une personne qui avait les mêmes stats que toi.
Pour revenir sur les soucis, je comprends certains joueurs. Ce qui était dommageable, c’est que ça manquait de staff, d’organisation et d’anticipation de pas mal d’éléments sur la partie e-sportive. Par exemple, le vendredi, à l’intérieur de la salle, il faisait très froid. Il y avait de très gros courants d’air, des grosses bouches d’aération étant donné que ça se jouait dans une enceinte sportive.
Encore une fois, je me mets à la place des joueurs. Il faut que l’éditeur en question, EA, écoute la communauté, les joueurs et retravaille plus pour évoluer dans le bon sens et proposer quelque chose à la hauteur de l’événement pour le prochain.
Tu comprends les critiques ?
Oui, même s’il y a toujours de la mauvaise foi chez certains. Ils racontaient n’importe quoi et étaient capricieux pour tout et n’importe quoi. Ce n’est qu’une minorité. Et puis, là, malheureusement EA n’était pas exempt de tout reproche non plus.
C’est pareil, il y a un truc que je n’aime pas. C’est les « Oui mais tout le monde joue sur le même jeu alors pourquoi tu te plains d’avoir perdu ?« . Je trouve ça débile. À un moment donné, quand il y a des failles dans le jeu, peu importe qu’on ait le même ou pas, c’est normal que tu râles. Par contre, que tu viennes essayer de te défendre et de masquer tes mauvais résultats en disant que c’est à cause du jeu, j’ai envie de te dire « non c’est toi qui a été moins performant ».
Tu te plains rarement sur les réseaux sociaux, quel est ton regard sur ce FIFA 18 ?
Je sais qu’il y en a certains qui disent que je ne parle pas car je suis acheté par la marque. Encore une fois, c’est une minorité. En tout cas, ça n’a aucun rapport. C’est simplement une question de personnalité. Je ne dis pas que j’en ai une meilleure qu’eux. C’est juste une vision. Tu ne me verras jamais critiquer PES en disant que le jeu est moins bon. Ça ne sert à rien.
Pour donner mon avis sur le jeu, je vais commencer par les points positifs. Je trouve que tout ce qu’il y a à coté est superbe. Il a des nouveautés sur le mode FUT, en plus de FUT champions l’année dernière, avec le mode clash d’équipes, les nombreux défis de création d’équipes, le FUT Champions Channel qui permet de visionner les matches de joueurs pro. T’as aussi l’ajout de pas mal de célébrations, les nouveautés du mode Aventure avec Alex Hunter. Graphiquement, le jeu est propre. Je parle bien de graphique et pas de modélisation des visages, c’est totalement différent.
Par contre, sur les aspects négatifs, en fait, il y a des défauts majeurs qui malheureusement grillent complètement le jeu. Le premier, c’est le niveau des gardiens. Le second, c’est les passes qui sont vraiment trop assistées. En l’espace de trois passes, t’as une occasion et tu marques. Ensuite c’est l’équilibre défense-attaque. L’attaque est trop avantagée avec ce système de passe notamment. Et puis, c’est vrai qu’il y a beaucoup trop de buts marqués à l’engagement.
Moi, je reste optimiste. J’espère vraiment que ces éléments vont être corriger sur le prochain. Après, le FIFA 17 était vraiment génial et là pour le coup, cette année, c’est un peu plus compliqué. Sans ces petits trucs, le jeu serait vraiment top.
L’idée, ce n’est pas de dire « FIFA c’est le meilleur jeu du monde » ou de le démonter sans argument derrière. J’en vois beaucoup qui ont fait dix matches dans l’année et qui le font. C’est comme dire « FIFA est meilleur que PES » ou inversement. Ça ne fait pas avancer le truc. C’est plus le coté anti-FIFA et la volonté de voir PES revenir.
https://twitter.com/Abdoulaye_Sarr/status/964829129404223489
Quel est pour toi le meilleur joueur pro français ?
Je trouve que chacun a sa période mais actuellement, pour moi, il y a DaXe (Lucas Cuillerier, joueur du PSG) et Rafsou (Fouad Fares, joueur de l’OL).
Le meilleur joueur dans FUT ?
Cristiano Ronaldo sans hésiter.
Ton plus gros moment de rage sur FIFA ?
C’était sur FIFA 11 quand je me prenais énormément de buts sur les centres-têtes. Je jouais contre des mecs qui avaient parfois le Real mais le pire c’était Chelsea. Il y avait le duo Drogba-Anelka, t’avais Lampard avec sa qualité de centre incroyable et puis… bah c’était fini quoi (rires).
À l’inverse, ton plus grand moment de joie ?
J’en ai plusieurs.
Le premier, c’est FIFA 14. Sur ma chaîne YouTube, c’est le FIFA sur lequel je me suis le plus éclaté. Notamment des vidéos avec des équipes brésiliennes sur FUT où je skillais à mort et où je faisais pas mal le lob du prof.
Le second, c’est FIFA 10. J’avais coaché Anas Sofi toute l’année et il avait terminé champion du monde FIFA.
Et l’autre très bon moment, c’est Aquino (Adrien Viaud) qui joue à Nantes aujourd’hui. Il a été champion du monde l’année d’après sur FIFA 11.
Ensuite, tous les voyages que j’ai pu faire, commenter sur Canal+ et à Barcelone.
Désolé, il n’y en a pas un mais il y en a énormément, en fait.
Ta formation préférée ?
Le 4-4-2 losange resserré (le 4-1-2-1-2 (2)). Parfois, je passe en 4-2-3-1.
Dernière question, si tu devais faire un choix entre ne plus avoir d’activité en rapport avec FIFA et ne plus jamais manger de poulet, tu choisis quoi ?
(rires) Très sincèrement, ça va en décevoir vraiment beaucoup mais je choisis de ne plus jamais manger de poulet. Ce serait dur mais je ne peux pas arrêter une passion qui m’amène plus loin que FIFA, c’est lié au football, aux jeux, aux vidéos, aux commentaires… au détriment de la nourriture. Et puis, la petite astuce, c’est que je pourrais continuer ce que je fais et manger de la dinde.
Crédit Photo : www.alwaysforkeyboard.com