Après cinq ans d’investissements et de supériorité sur le plan national (Ligue 1, Coupe de la Ligue, Coupe de France), le projet qatari connaît un tournant important cette année. Avec les arrivées successives de Neymar et de M’bappé, les dirigeants parisiens veulent être un rouleau compresseur sur la scène européenne. Suite à une phase de poule maîtrisée (premier devant le Bayern Munich), le PSG se doit d’affronter le double champion en titre dès les huitièmes de finale : le Real Madrid.
Lors du match aller, les joueurs d’Unai Emery se sont inclinés sur le résultat de 3-1, malgré l’ouverture du score en première mi-temps. Par conséquent, la qualification se complique :
33% – 4 des 12 équipes qui ont perdu le match aller 1-3 en déplacement en Ligue des Champions ont fini par se qualifier au match retour. Espoir.
— OptaJean (@OptaJean) February 14, 2018
Heureusement, le football n’est pas une science exacte, et les chiffres n’ont pas toujours raison. Voyons ensemble si l’exploit est réalisable.
La composition d’équipe
Avec toutes les forces en présence à Paris, le 11 de départ initial est très cohérent, avec des joueurs de classe mondiale à chaque ligne capables de créer la différence à tout moment.
Dans le « back 4 », l’arrivée de Dani Alves amène de la qualité à un poste où Emery ne savait pas qui mettre d’Aurier ou Meunier en tant que titulaire, la saison passée. De plus, l’ancien joueur barcelonais apporte de l’expérience à un groupe qui reste marqué par le match retour contre Barcelone (6-1).
Au cœur du jeu, le départ de Matuidi a laissé une place de libre à Adrien Rabiot, lui qui pestait contre son manque de temps de jeu. On note également que les dirigeants parisiens ont réussi à garder Marco Verratti au club malgré ses envies de départ, suite au parcours européen du PSG et à sa difficulté à gagner la Ligue des Champions.
Enfin, le trio d’attaque apparaît comme l’un des meilleurs sur la scène européenne, après des difficultés ressenties l’an dernier. Les arrivées successives de Neymar ainsi que de M’bappé permettent à Cavani d’être épaulé devant, et d’apporter un plus grand danger face aux défenses adverses.
Mais le souci est le suivant : le PSG n’a pas réussi à effectuer plus de dix matchs avec cette équipe. Pourquoi ? Les blessures successives de Thiago Motta. Avant cette saison, Paris a toujours eu un milieu récupérateur remplaçant pour suppléer l’italien qui n’a plus toutes ses jambes, à l’image de Yohan Cabaye ou Grzegorz Krychowiak. Mais depuis le début de la saison, le club parisien manque d’un profil pouvant permuter avec l’ancien joueur de l’Inter, lors de ses indisponibilités ou de sa méforme physique. Trois joueurs ont dû être alignés pour combler ce rôle, malgré une incompatibilité avec leur poste préférentiel : Marco Verratti, Adrien Rabiot et Giovanni Lo Celso. Face à des équipes plus faibles, ce repositionnement peut faire l’affaire grâce à l’animation de l’équipe, ainsi qu’aux qualités techniques des différents joueurs cités, mais face à un plus gros club (national ou européen), la fragilité à ce poste se fait automatiquement ressentir.
Cet hiver, Unai Emery et les dirigeants parisiens ont décidé de rapatrier Lassana Diarra en France pour enfin disposer d’un profil de vrai récupérateur pouvant stabiliser l’équipe. Cependant, un autre souci se présente à eux : la forme physique du français n’est pas bonne. Un vrai casse-tête chinois comme on les aime.
Malgré tout, les idées de l’espagnol peuvent être mises en place.
Les phases avec ballon :
La construction des attaques placées :
Comme toutes les grandes équipes européennes, Paris doit être bon dans l’ensemble des phases de jeu, pour avoir la possibilité de gagner tous les titres. Quand l’équipe a le ballon, les relances et la construction des attaques placées doivent être très bien maîtrisées. Ce qui est le cas pour le club parisien.
Avec Kurzawa et Dani Alves, le PSG dispose de latéraux aux très bonnes qualités offensives. De ce fait, l’entraîneur espagnol souhaite les mettre dans les meilleures conditions possibles grâce à un placement haut sur le terrain, et une liberté dans leurs apports avec le ballon. Par leur hauteur, les deux défenseurs centraux exploitent le plus possible la largeur, à l’aide du milieu récupérateur qui se place devant eux pour créer une supériorité numérique.
Sur cette séquence, on le voit bien avec Motta qui fait la navette entre Kimpembe et Silva pour créer une solution de passes, et compenser le placement haut des latéraux.
Ce positionnement haut s’explique aussi par le dézonage des ailiers, libérant l’espace sur les côtés. On voit ainsi Neymar qui laisse la ligne de touche pour se placer dans l’interligne entre les défenseurs et les milieux allemands. Le but étant d’amener l’adversaire en un contre un avec le latéral en question.
Lorsque le club parisien affronte un adversaire désirant mettre en difficulté le rythme habituel des Bleu et Rouge, les milieux axiaux n’hésitent pas à venir en soutien afin de créer une supériorité. Comme on peut le voir dans la séquence, Verratti dézone de son axe droit pour créer une nouvelle solution de passe, et faire sortir le ballon de la zone dangereuse. Afin d’obtenir un équilibre dans l’équipe et éviter les « trous » à droite, Rabiot n’hésite pas à rentrer plus dans l’axe en se positionnant dans un rôle de numéro 10 pour laisser plus d’espace aux centraux, et leur créer davantage de solutions de passes.
De plus, quand le décalage ne se fait pas par la passe, la liberté de Neymar lui permet de venir demander le ballon plus bas. Lorsque l’on voit cette phase de jeu, on remarque que le brésilien part de plus loin à la fois pour embarquer la défense adverse, avoir le jeu en face de lui et permettre au bloc-équipe de remonter plus haut sur le terrain. Avec sa qualité de percussion, il peut créer une action de but, ou provoquer une faute dans les 30 mètres adverses.
Dans les 30 derniers mètres :
Plus haut sur le terrain, les qualités parisiennes permettent d’avoir plusieurs manières de déstabiliser le bloc adverse et donc de marquer.
Avec le talent de chacun, Paris a la possibilité de jouer dans différents espaces. Premièrement, comme on le voit ici, le jeu est très axial avec Neymar et M’bappé qui se retrouvent côte à côte pour combiner dans de petits espaces. Grâce à l’animation proposée par Emery, les latéraux et les milieux relayeurs sont mis en évidence dans ce type de situation, avec des projections verticales ou des espaces libérés par les courses des partenaires. De ce fait, l’adversaire du jour se retrouve généralement en difficulté pensant que la différence se créera par deux des trois superstars parisiennes, et oubliant les autres autour d’eux.
De plus, le club de la capitale dispose d’un attaquant utile dans le jeu et l’animation que l’entraîneur a décidé de mettre en place : on parle bien sûr d’Edinson Cavani. L’international uruguayen est un joueur qui réalise énormément de courses, et abat son volume de jeu lors des phases sans le ballon, offrant à ses compères une solution pour combiner ou trouver le décalage. Mais là où le rôle de Cavani devient essentiel pour Paris, c’est dans sa capacité à créer le décalage exclusivement par des courses. Sur la séquence ci-dessus, on remarque que les espaces sont créés exclusivement par les prises d’espaces d’El Matador ou son envie de libérer son partenaire d’un possible marquage.
Les difficultés depuis le mois de janvier :
Malgré le statut de meilleure attaque européenne (84 buts en 27 matchs), l’équipe d’Unai Emery connaît certaines difficultés depuis le mois de janvier.
Avec l’arrivée des deux mastodontes cet été, l’animation parisienne a connu un renouveau par un style différent des dernières années. Les principes de jeu mis en place par l’entraîneur espagnol, ainsi que les qualités intrinsèques des joueurs, sont bénéfiques depuis le début de saison. Mais depuis la reprise hivernale, certaines idées sont excessivement utilisées par les joueurs parisiens.
Comme on peut le voir sur cette phase de jeu, Neymar décroche pour avoir le ballon plus bas, mais l’adversaire le serre très rapidement afin qu’il soit dos au jeu, et ainsi mettre le brésilien dans des conditions très compliquées. Alors que Neymar arrivait à créer des différences, il se retrouve dans une situation où il se complique la tâche, et entraîne des difficultés dans la construction du jeu.
En plus des dérives connues sur les décrochages de Neymar, les Bleu et Rouge rencontrent également des difficultés sur la profondeur. Lorsque Cavani enclenche ses appels, le club parisien a une excellente verticalité grâce aux courses et à la vitesse de l’uruguayen face à des défenses n’arrivant pas à gérer la profondeur (cf vs Monaco). Mais face à des défenseurs agiles et rapides, Cavani passe d’essentiel à inutile dans ce domaine, rendant la verticalité inexploitable. La séquence ci-dessus le prouve avec un Alaba qui contrôle très bien la profondeur et annihile la solution de passe vers El Matador.
Malgré tout, Paris dispose d’une armada offensive impressionnante, pouvant faire peur à n’importe quelle écurie européenne. Mais pour rendre ce secteur offensif le plus efficace possible, il faut avoir des fondations solides.
Les phases sans ballon :
Lors des séquences où le bloc-équipe travaille, il faut se baser plus particulièrement sur trois phases :
Le bloc haut :
Sortant de la formation espagnole, Unai Emery est un entraîneur qui aime avoir une équipe avec des idées en place, prenant son adversaire haut sur le terrain. Avec des joueurs comme Cavani, l’équipe parisienne se trouve dans une situation où l’attaquant de pointe est en charge d’enclencher un pressing et d’embarquer tous les autres avec lui. Grâce à cette récupération, le bloc parisien défend vers l’avant et non en reculant : la domination territoriale reste présente.
Le bloc médian :
Si l’adversaire arrive à passer le premier rideau, ou si le PSG est dans l’incapacité de mettre en place son pressing, les hommes d’Emery se placent en bloc médian. Le 4-3-3 se reforme en 4-1-4-1 avec une animation particulière au milieu du terrain. On observe que Rabiot et Verratti en sont la parfaite illustration, lors de leurs dernières titularisations pour le PSG, en étant les précurseurs du pressing. Ils permettent l’un ou l’autre de faire remonter le bloc-équipe sur quelques mètres.
Les images ci-dessus appuient la description précédente avec un Rabiot sortant de sa zone initiale pour accompagner Cavani dans son travail sans le ballon, et pousser l’adversaire à reculer. Dès que la sortie de l’international français s’effectue, le dispositif se transforme une troisième fois passant d’un 4-1-4-1 à un 4-4-2. Mais le bloc-équipe connaît des difficultés dès que l’adversaire arrive à trouver un joueur dans l’interligne.
Si Emery a été critiqué durant des jours pour ses choix au Bernabeu, on ne peut lui retirer le fait de prendre en considération les profils dont il dispose, et l’opposant qu’il affronte. C’est le cas avec le choix de Presnel Kimpembe, joueur très impressionnant physiquement, en plus d’être intelligent dans son placement. Dès lors qu’une solution est trouvée, c’est LE seul défenseur capable de défendre en avançant, alors que l’adversaire se trouve face au but et en pleine vitesse. De ce fait, il arrive à combler des différences créées par une ligne défensive ne montant pas assez, comme on a pu le voir face à Monaco l’an dernier, par exemple.
Le bloc bas :
Devant sa propre surface de réparation, le club de la capitale rencontre beaucoup moins de difficultés que sur les séquences précédemment décryptées, grâce à plusieurs raisons.
Premièrement, on se retrouve dans une situation où les centraux arrivent à contrôler la profondeur assez facilement sur courte distance, via un placement hors pair ou des courses faites sur un bon rythme. Ensuite, les milieux n’hésitent pas à faire les efforts pour combler les halfspaces et empêcher les projections adverses de s’effectuer. Par la combinaison de ces deux facteurs, la profondeur est très difficilement trouvée (sauf à l’aller contre le Real).
Malgré tout, le plus gros point faible de l’arrière-garde parisienne reste les ailes avec des latéraux très friables défensivement. Comme évoqué auparavant, les deux feu-follets ont un profil d’ailier offensif, amenant des “blow-out” sur leurs placements sans le ballon. Sur la vidéo, on voit un Kurzawa à la ramasse défensivement à cause d’un placement en retard, d’une mauvaise anticipation et d’un abandon de ses coéquipiers. Si on se souvient des deux buts madrilènes en seconde mi-temps, on observe la même situation avec cette fois-ci Meunier qui est totalement perdu.
Et maintenant, que faire pour se qualifier ?
Quant au match de mardi, on peut s’attendre à beaucoup de scénarios. Quelles vont être les idées de jeu mises en place par Emery ? Quel sera le comportement des joueurs sur le terrain ? Vont-ils tout donner pour se qualifier ? Une chose est sûre : Unai a déjà son plan en tête et s’apprête à jouer le match le plus important de sa carrière.
Pour ce qui est du terrain, il va falloir appliquer les idées précédemment expliquées à la lettre.
Premièrement, le pressing. Lors de ses différentes confrontations à ses débuts au pays, l’entraîneur espagnol a toujours voulu faire jouer ses équipes très haut sur le terrain, notamment face au Real, pour aspirer les joueurs madrilènes et rendre la construction impossible. Bien sûr, le risque est important car la qualité des madrilènes peut leur permettre de se défaire rapidement de la pression émise, et d’utiliser les espaces dans le dos des Parisiens. Mais il faut se rappeler qu’énormément de joueurs du Real devraient être absents au match retour (au moment où nous rédigeons cet article) : Marcelo, Kroos et Modric. La qualité technique se réduit, et amène la possibilité de provoquer une erreur du double pivot Kovacic-Casemiro.
Il faut aussi être vigilant au positionnement des centraux parisiens : si le pressing se met en place (en bloc haut ou médian), il va falloir faire attention à la profondeur pour ne pas courir vers le but. L’objectif étant de rester compact et mobile pour que les lignes soient le plus proche possible, et que les phases de transition soient très vite exploitées.
Rappelons-nous d’ailleurs des méthodes défensives employées par le Barça de Valverde, lors de sa victoire au Bernabeu, avec nos confrères de Culture PSG.
Avec le ballon, Paris n’aura pas le choix : il va falloir prendre le plus de risques possibles. Sans Neymar, on peut penser que ça ne sera pas le cas, mais en titularisant Di Maria ou Draxler, le club parisien peut être libéré d’un poids créant la différence collective. Si on se souvient bien, au Bernabeu, les deux ailiers n’ont servi aucun ballon à Cavani. Du coup, l’ancien joueur de Naples a dû ramasser les miettes avec une frappe dans l’axe, après un contre défavorable pour les Madrilènes. Pour marquer, il faut offrir des possibilités à sa meilleure gâchette de la saison, et la mettre dans de bonnes conditions lors de la rencontre.
Au niveau du placement, la largeur doit être plus exploitée ainsi que les halfspaces adverses. Depuis les blessures de Kroos et Modric, les Madrilènes s’organisent dans un 4-4-2 avec Kovacic et Casemiro : les halfspaces seront plus compliqués à contrôler pour eux s’ils arrivent avec ce dispositif au parc.
La passivité du milieu et le fait de jouer avec 3 milieux lors de la formation du bloc bas a fait la différence sur le but de Rabiot.
Paris peut énormément s'appuyer sur cet aspect, surtout avec Mbappé. pic.twitter.com/VStJChaRrU— Charaf (@CharafMD8) February 14, 2018
Avec la qualité de projection de Rabiot, le fait de fixer d’un côté et de renverser le plus rapidement possible peut permettre à l’international français, ou aux latéraux, d’être décisifs dans ce match, un peu comme face au Bayern avec Alves. De ce fait, les latéraux devront jouer haut sur le terrain, comme on a pu le voir précédemment, pour disposer d’une solution proche des 30 mètres adverses et obliger les joueurs offensifs espagnols à défendre.
La qualité est là, les idées seront présentes et l’ambiance sera au rendez-vous. Il ne manquera qu’une chose pour que cette soirée soit historique : la victoire par plus de deux buts d’écart.
Crédit photo : CHRISTOPHE SIMON / AFP