« De Mars on part en croisade contre l’état avare représente les quartiers dits sensibles en France et Navarre ». Avec 20 ans d’avance, Karim Haddouche a beau être un jeune rappeur marseillais, il a résumé l’état d’esprit qui règne aujourd’hui. En ce 16 Mai 2018, des milliers d’amoureux de l’Olympique de Marseille vont rallier la capitale des Gones avec ce sentiment de représenter la seule étoile de France. Cette journée a des allures de révolution marseillaise. Comme en 1789, tout semble partir de la cité phocéenne.
Marseille envahit.
« Partout chez nous », une simple réplique marketing qui représente parfaitement l’état d’esprit marseillais. Adidas a mis le doigt sur un point sensible. La classeuse marque à trois bandes voulait marquer le coût avec ce slogan qui est devenu une référence chez les supporters. Ce sentiment qui abrite les amoureux de l’OM, celui de montrer au monde entier que partout ou se déplace le peuple phocéen, c’est comme si il était à domicile. Que ce soit dans toute la France, dans toute l’Europe et même à New-York pour tourner les Bad boys de Marseille, les Marseillais font l’unanimité et inspirent le respect. A l’échelle nationale, Marseille a toujours été le petit chouchou, « un pays dans un pays » l’a bien résumé un autre enfant de la région provençale, Adil Rami. Car oui, cette ville a quelque chose de mystique et l’équipe de Rudi Garcia ressemble à cette ville. Entre héroïsme et combativité, l’Olympique de Marseille a ensoleillé le paysage du football français.
L’histoire est magnifique, les clins d’oeil du destin sont géniaux. Pendant que le Paris Saint-Germain et ses stars internationales se cassent les dents une énième fois en coupe d’Europe, son plus grand rival fait vibrer toute la France. Son entraîneur est français, 9 de ses 11 titulaires à Salzbourg l’étaient aussi. Les Marseillais se sont qualifiés grâce à une erreur d’arbitrage, encore une histoire de corner. Sergei Kasaev s’est évidemment trompé et n’aurait jamais du accordé ce coup de pied coin après une frappe ratée de Zambo déviée par Ocampos. Avant lui, Kurt Rothlisberger s’était aussi trompé en accordant un corner à Abedi Pelé alors que c’était le Ghanéen qui avait sorti le ballon et non pas Maldini. Cette fois ci, « Payet a centré, Rolando Jorge a marqué et on a niqué le Salzbourg RB ». Derrière cette erreur d’arbitrage se cache aussi des années de galère. Les anciens se rappelleront de la main de Vata qui aura brisé les rêves d’une des plus grande équipe de l’histoire du football français. L’OM a souffert autant en 1999 qu’en 2004, entre injustice et sévérité, le peuple phocéen a mangé son pain noir. Cette finale à Lyon restera dans les annales du football français.
Encore le destin sûrement, mais voir un Olympique disputer la finale d’Europa League au Groupama Stadium semblait être évident. Personne ne s’attendait à ce que ce soit celui de Marseille. Car l’OL était favori pour terminer parmi les finalistes. Les Gones étaient en progression constante, quart de finale en 2014, demi-finale en 2017, la suite logique devait être cette finale à domicile. C’est finalement l’Olympique de Marseille qui va avoir le privilège de la disputer. 60 matchs plus tard, l’OM est face à sa destinée. Une épopée qui a débuté à Ostende et qui se termine en Autriche puis à Lyon. Un parcours qui a plus des allures de tour de France qu’autre chose mais les coéquipiers de Dimitri Payet ont le mérite d’amener pour la cinquième fois de l’histoire l’OM en finale de coupe d’Europe. Et ça, ça mérite tout le respect du football français, n’en déplaise aux plus sceptiques.
Dans la légende
Au-delà de l’épopée héroïque des Marseillais, c’est la saison en elle même qui mérite le respect. Ce groupe a tout connu. Des préliminaires face à Nicolas Lombaerts et Jan Repas, le désamour du public envers son équipe et la direction, le match à Konyaspor et puis des jours plus heureux. Face à tant de bravoure, Marseille s’est mis à rêver d’une potentielle finale au Groupama Stadium. A base de « Jean Michel Aulas, on va tout casser chez toi », l’OM et ses supporters se sont mis toute la France dans la poche. La révolution française a eu la Marseillaise, la France du football a eu ce chant qui berce et bercera les amoureux de football. Oui comme Bella Ciao à l’époque, ce chant est devenu un hymne à la résistance. L’oppresseur n’est ni nazi, ni Italien et encore moins Allemand mais il représente ce que détestent de nombreux amateurs de football.
Le pouvoir tentaculaire de Jean Michel Aulas a fini par agacer toute une partie du foot français. Voir son plus grand concurrent jouer une finale de coupe d’Europe dans son formidable outil est un scénario sadique qui a trouvé son public. Le match est passé au second plan, dorénavant l’affrontement c’est « Nous contre eux ». Eux, c’est JMA et son réseau énorme, entre les hautes instances du football français et les pouvoirs politiques, le président de l’OL a des oreilles de partout. Son omniprésence peut être un plaisir lorsque l’on est Lyonnais. Dépassé cela, Jean Michel Aulais ressemble à un Kraken invincible, comme un boss en fin de niveau. L’OM représente le dernier espoir de voir la plus grande tête pensante du foot français s’avouer vaincu. Face à un tel scénario, l’union sacrée a été décrétée. Certes, l’envie de voir Dimitri Payet se dépuceler face à l’Atletico Madrid est plaisante, mais voir Maxime Lopez et Boubacar Kamara soulever un trophée devant les supporters lyonnais serait encore plus jouissif pour les amateurs de football. Toute la Ligue 1 est derrière l’OM, Stéphanois, Nantais et Niçois esquissent un léger sourire lorsqu’on leur parle d’une potentielle victoire marseillaise au Groupama Stadium. Le clin d’oeil serait trop beau. Derrière les insurrections de la haute bourgeoisie du football n’appréciant que très peu le chant envers JMA et les potentiels incidents à Lyon se cache une vérité, celle du football populaire. Voir 25 000 fadas vêtus de bleu et blanc, venus de toute la France mettre le feu à Lyon est quelque chose de génial. Toutes ces interdictions de déplacement, ces arrêtés préfectoraux à 48 heures des matchs et autres déclarations nauséabondes envers les supporters n’existent plus l’espace d’un match. Oui les Marseillais « vont tout casser » au Groupama Stadium mais c’est aussi parce qu’ils méritent de le faire.
S’il y a des supporters qui méritent de rejouer une finale de coupe d’Europe, c’est bien eux. On exclut les boycott contre le Bayern et plus récemment face à Konyaspor. Un désamour peut toujours arriver avec son club de coeur et pourtant l’amour reste sincère. Franck Sauzée a parfaitement résumé cette relation, « Les supporters quand ils voient mal jouer l’OM, ils ont les glandes. Comme avec un membre de la famille, un neveu, un petit frère, un cousin, on va lui mettre une baigne et deux heures après on va lui dire allez viens on t’aime quand même ». Souvent décriés à juste titre, les Marseillais ont régalé le monde ultra cette année. Chaque match à l’extérieur de l’Olympique Magnifique a été un récital en tribune. Autant en parcage que dans le reste du stade, le spectacle était garanti. L’ambiance a toujours été rendez-vous là où l’OM s’est déplacé. Et c’est déjà une victoire quand on voit tous les moyens mis en oeuvre pour tuer le supporterisme en France. Cette finale est une belle récompense pour les supporters les plus passionnées du pays,
Malgré les échecs cuisants, les supporters ont longtemps espéré revivre un tel privilège. On oublie pas qu’il s’agit de la cinquième finale pour les Phocéens, trois défaites dont deux sanguinaires. A côté de ça, l’OM a vécu des déconvenues qui ont marqué chaque amoureux du club. Des défaites qui ont des allures de cauchemars. 1990 et 2010, 20 ans d’écart et pourtant le coupable sera le même, le Benfica Lisbonne. Vata et Alan Kardec sont les deux bourreaux, Enzo Francescoli jure que c’est la plus grosse injustice qu’il a vécu dans sa carrière, Hatem Ben Arfa préférera extérioriser sa frustration à coup de low-kick sur le buteur benfiquiste. On oublie pas les déconvenues face aux clubs de l’Est, véritables bêtes noires des Marseillais dans les années 2000. Si la défaite face au Mlada Boleslav en tour préliminaire de la coupe de l’UEFA a été vécue comme une des pires humiliations, les contre-performances contre le Zenit Saint-Pétersbourg et le Shaktar Donetsk n’ont jamais été digérées. Eliminés respectivement en huitièmes puis en quarts de finale de la coupe de l’UEFA, les Marseillais ne s’en remettront pas. Les supporters se consoleront en disant que c’était face au futur vainqueur à chaque fois, mais la frustration est là. Que ce soit en 2008, 2009 ou 2010, l’équipe était capable de terminer dans le dernier carré. Ce soir, l’OM va enfin rejouer une finale de coupe d’Europe et pourrait écrire l’histoire du football français en étant « à jamais les premiers » pour la seconde fois.
Crédit photo : Anne-Christine POUJOULAT / AFP