Le football est sans conteste le sport le plus populaire au monde. Le mot populaire vient du latin populus qui signifie « peuple ». Le football serait donc le sport qui « vient ou qui appartient au peuple » ? Mais pourquoi cela ? Pourquoi aimons-nous tant le football ? Tout simplement parce qu’il faut juste un objet rond pour pouvoir y jouer. Voilà pourquoi le football a autant de succès : tout le monde a déjà tapé dans un ballon. Mais alors pourquoi y a-t-il toujours des réfractaires, des “anti-foot” ? Sans doute, n’ont-ils pas encore compris que cela ne s’arrête pas là. Car si le football est si populaire, c’est aussi parce que le football, c’est bien plus que ça…
C’est bientôt la reprise et pour nous aussi, les fans de football, la saison va recommencer. Le matin, quand nous arriverons au boulot, nous discuterons du match de la veille avec « Jean-Mi » qui travaille à la compta’. Le midi, nous consulterons les derniers articles sortis par nos médias favoris et nous feuilletterons le plus grand quotidien sportif dans lequel les ¾ des pages sont consacrés à notre sport préféré. L’après-midi, nous posterons sur les réseaux sociaux des publications toujours en rapport avec le football, en guettant, pour ne pas se faire surprendre par l’un de nos collègues. Le soir, nous zapperons sur l’une des innombrables chaînes dont nous sommes abonnés pour regarder l’avant-match, le match, puis le débrief du match par des spécialistes. Quand il n’y aura pas match, nous trouverons toujours une émission spéciale pour combler notre manque. Bref, nous allons une nouvelle fois répéter la même année sans la moindre lassitude. Là où certains y voient une routine, nous considérons le football comme ce qui nous permet de faire oublier notre monotonie du quotidien. Car le football a ses saisons, que la passion ignore.
Là où certains diront que « ce n’est que du football », nous répondons que c’est ce qui nous permet de vivre ou du moins, d’exister un peu plus. « Toutes les émotions et les grandes clés de la vie sont contenues dans le football », disait l’écrivain brésilien Paulo Coelho. Pendant 90 minutes, nous passons par tous les sentiments possibles. La joie, la haine, la frustration, l’humiliation, l’injustice, l’espoir, la peur, l’admiration, l’euphorie, la sérénité, la fierté, ou l’accablement. Tout y passe. Le football est le miroir grossissant sur notre humanité fracassée. Le reflet de nos aspirations. Parce que ce n’est pas que du foot. « Le football n’est pas une question de vie ou de mort, c’est quelque chose de bien plus important que cela » ironisait le regretté Bill Shankly. Certes, il y a bien plus grave qu’un match perdu, mais cela rend notre vie plus excitante et passionnante. Le football permet de nous faire oublier tous les problèmes. Il y a forcément des événements bien plus tragiques. On se rend compte que comme toutes les passions, le football a ses limites. Le football n’est ni la définition du bonheur, ni sa cause principale mais constitue une de ses sources. Car le football a ses émotions, que la raison ignore.
« Le football est, pour moi, plus qu’un sport, il suffit de voir l’impact qu’il a sur la société. Les gens viennent au stade pour oublier leur vie pendant quatre-vingt-dix minutes, et c’est à nous de se charger de leur donner satisfaction, de les faire se lever de leur chaise pour qu’ils s’endorment avec des étoiles plein les yeux » Kyllian Mbappé.
Certains voudront montrer qu’il n’y a rien de beau dans ce sport. Mais, en même temps, ils ne voient pas ce qu’il faut voir. Pour eux, un match de football n’est qu’un simple jeu. Ils ne décèlent pas toute la tension. Il existe plusieurs façons de voir le football, mais eux ne savent pas le regarder, ne savent pas l’apprécier. Eux ne peuvent pas concevoir qu’un sport puisse être considéré comme un art. Et pourtant, un match de foot est comparable à une œuvre d’art. On le regarde, on l’observe, on l’analyse, on le décortique, on le contemple, on le critique, on le ressent, on l’aime ou on le déteste. Le footballeur quant à lui, est un véritable artiste, dans le sens où il réussit à transposer une pensée en acte concret avec une certaine technique. C’est simple, le football est une véritable culture à part entière. Car le football a ses sensations que l’admiration ignore.
Là où certains diront que ce ne sont que des « millionnaires qui courent après un ballon », nous voulons montrer toute la quintessence du football. Ils penseront encore longtemps qu’il est absurde de se prendre d’amour pour des hommes riches qui ignorent nos vies. Qu’il est encore plus invraisemblable d’idolâtrer un joueur. Mais ils ne comprennent pas que grâce au football, des légendes se créent, des Dieux naissent. Alors que ceux des grandes religions ne faiblissent jamais et sont promis au règne éternel, les nôtres vieillissent, et finissent par mourir. Derrière chaque joueur, se cache un homme avant tout. C’est ce côté mortel qui rend la vie des footballeurs bien plus signifiante et nous permet de s’identifier à eux. Ces joueurs deviennent des exemples car grâce au football, n’importe qui peut devenir quelqu’un, voire un héros. Toute une vie peut basculer. Il y a 4 ans, Gabriel Jesus peignait les rues brésiliennes à l’occasion du Mondial, aujourd’hui il évolue à Manchester City et a lui-même disputé le Mondial en Russie. Les faits ne manquent pas. Le football fait rêver. Voilà pourquoi, à la question « tu veux faire quoi plus tard ? », la majorité des enfants répondent « footballeur professionnel ». Car le football a son adoration que les biftons ignorent.
« Le football est le reflet de notre société. Regardez bien l’expression d’un joueur sur le terrain, c’est sa photographie dans la vie » Aimé Jacquet.
Ils se demandent pourquoi peut-on se sentir si impliqué et surtout comment ose-t-on dire « nous » pour parler de notre équipe. Les plus absurdes d’entre eux (et même d’entre nous) nous reprocheront même de supporter une équipe d’un pays étranger. Mais ils pourront jamais comprendre. L’adoption d’un club de football, le faire sien et le chérir du premier souffle de la découverte au dernier, est un mariage irraisonné qui dure éternellement. Par amour nous sommes prêts à faire n’importe quoi. Par amour nous sommes prêts à l’aimer passionnément toute notre vie. Par amour nous sommes prêts à parcourir des kilomètres. Par amour nous sommes prêts à surmonter les situations les plus difficiles. Par amour nous sommes prêts à dévoiler nos sentiments les plus profonds. Et bien c’est la même chose, par amour d’un club. “Dans sa vie, un homme peut changer de femme, de parti politique ou de religion, mais il ne change pas de club de football”, résumait ainsi le journaliste Eduardo Hughes Galeano. Derrière chaque club, il y a une histoire, des racines, une ville, un nom, un écusson, une couleur et on se retrouve à travers lui, comme si ce club était ancré au plus profond de nous. Car le football a sa dévotion que la religion ignore.
Ils ne comprennent pas toute la puissance du football alors que ce sport est magique, ce sport est unique et il est capable d’accomplir de grandes choses. Il nous permet de nous rassembler malgré nos différences, car oui, le football est un formidable vecteur de lien social. Nous n’avons pas le même âge, ni le même sexe, ni la même couleur de peau, ni les mêmes croyances, ni ne venons d’un même milieu et néanmoins nous avons tous cette même passion. Nous sommes liés grâce à ce même lien. Le football réussit là où la musique échoue, car de 7 à 77 ans, il n’y a aucun clivage générationnel. C’est ce sport qui arrive à nous faire aimer un inconnu par la simple raison qu’il partage le même amour que nous pour le football. Car le football a ses liaisons que les relations ignorent.
« Le football permettait aux peuples de briller à la face du monde sans tenir compte de différences de langues, de religions, de cultures ou de richesses. » Bernard Werber.
Ils ne veulent pas non plus croire que la victoire des Bleus ait rassemblé autant de Français. Mais comment explique-t-il qu’il y ait eu autant de ferveur, d’union, de nationalisme, de joie, grâce au football ? Jamais nous n’aurions vécu pareilles scènes de liesses populaires avec un autre sport que le football. Preuve que le football sait faire une chose qu’aucun homme politique n’a su faire jusque-là : être rassembleur et fédérer toute une nation. À titre de comparaison, il n’y a qu’à voir avec le handball. Peu médiatisé et trop peu pratiqué, alors que notre Équipe de France est la sélection la plus titrée de son sport avec deux titres de Champion d’Europe, six titres de Champion du Monde et deux médailles olympiques. Très loin donc des deux étoiles désormais brodées au-dessus du coq de l’Équipe de France de football, et pourtant, cela n’a pas la même saveur aux yeux des Français. Car le football a sa réputation que la popularisation ignore.
Et comme si cela ne suffisait pas, il suffit d’aller regarder ailleurs. Comment expliquent-ils que le football soit présent dans les quatre coins du monde ? Comment expliquent-ils qu’aux Etats-Unis, le football prenne de plus en plus d’ampleur, après avoir longtemps été boycotté ? Qu’en Chine, le football soit désormais l’une des priorités majeures de l’Etat, que sa pratique y soit rendue obligatoire dans certaines écoles et que son championnat attire désormais beaucoup de joueurs étrangers ? Qu’en Uruguay, chaque enfant soit éduqué par le football et que tous les matchs de l’équipe nationale durant le Mondial aient été retransmis dans les écoles ? Qu’en Iran, les femmes n’hésitent pas à braver les interdictions pour se rendre au stade ? Qu’en Egypte, le joueur de Liverpool, Mohammed Salah, véritable icône nationale, ait obtenu plus d’un million de voix lors des récentes élections présidentielles, alors qu’il ne s’y était pas présenté ? Des rues de Téhéran, aux favelas de Rio, en passant par les pays du cercle polaire, le football est toujours aussi populaire. Car le football a ses nations que les horizons ignorent.
« L’ennui, c’est que nous négligeons le football au profit de l’éducation. » Julius Marks.
Ils prendrons toujours le football comme un vulgaire divertissement, abrutissant le peuple, face aux véritables enjeux de notre société. Mais les grands écrivains étaient des passionnés de football. Qui peut donc renier cela et continuer de rétorquer que ce sport séculaire est fait pour les décérébrés ? Il est bien plus intellectuel et complexe qu’on ne le croit. « Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois…ce sont les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités », expliquait Albert Camus. Car oui, le football est également l’école de la vie.
Parce que le football, n’est pas qu’un simple sport, mais c’est tout ça à la fois. Si « le cœur a ses raisons que la raison ignore » alors le football a aussi ses raisons que la raison ignore.
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