Cela aura été un des feuilletons de l’été. Lors de la traditionnelle valse estivale des entraîneurs, Maurizio Sarri est venu remplacer sur le banc de Chelsea un Antonio Conte en disgrâce. Dans une Angleterre du football en pleine transformation, l’ancien banquier napolitain n’a qu’une mission : maintenir le drapeau bleu haut dans le ciel.
L’intersaison n’aura pas été de tout repos sur les bords de la Tamise pour les Blues. Bien que ponctué par une victoire finale en Coupe d’Angleterre, l’exercice 2017/2018 fut décevant pour les troupes du « Mister » Antonio Conte. Une cinquième place en championnat, des supporters las des choix du coach et pour couronner le tout, des envies de départs pour les Belges Hazard et Courtois, véritables cadres de l’équipe depuis plusieurs saisons. L’heure était à la reconstruction d’urgence pour le club du richissime Roman Abramovitch.
Un été délicat
Conformément à la volonté des supporters, le board décide donc de se séparer de Conte. Pour le remplacer, un nom revient beaucoup dans la presse britannique. C’est celui de Maurizio Sarri, coach du Napoli depuis trois saisons mais dont le futur dans le Sud de l’Italie ne faisait plus de doute après la précoce nomination de Carlo Ancelotti à son poste. Les négociations sont longues et c’est mi-juillet, en plein milieu de la préparation de pré-saison que Sarri rejoint son nouveau club. Paradoxalement, l’une de ses principales missions est d’apporter de la stabilité à un club qui en manque cruellement. Avant lui, les coachs de haut niveau n’ayant pas réussi à s’installer sur le long terme à Stamford Bridge font légion. Antonio Conte donc, mais avant lui José Mourinho lors de son second passage au club, Rafa Benitez, Roberto Di Matteo, André Villas-Boas, Carlo Ancelotti, Luiz Felipe Scolari, et même l’entraîneur préféré de ton conseiller d’intérim Guus Hiddink. Aucun n’est resté plus de deux ans et demi.
Pour concurrencer un City devenu presque intouchable et un Liverpool revenu à son meilleur niveau sous la houlette de Jürgen Klopp, Maurizio Sarri est missionné par ses dirigeants de donner au club du centre-ouest de Londres une véritable identité de jeu, à la manière de ses équipes lorsqu’il dirigeait le Napoli ou Empoli. Pour cela, son mercato se doit d’être un sans faute. Il arrive tout d’abord avec dans ses valises Jorginho. Le milieu de terrain Italo-brésilien était une de ses pièces maîtresses du côté de San Paolo et un « fit » parfait dans l’entrejeu londonien pour prendre la place de Cesc Fàbregas, dont les préoccupations sont désormais loin du football de haut niveau. Sarri aurait pu apprécier faire traverser la manche à d’autres de ces anciens joueurs napolitains. On pense notamment à Kalidou Koulibaly, longtemps annoncé du côté de Stamford Bridge la saison passée, mais il a fait face à une clause de non-agression le liant à son ancien club, nous disait la BBC pendant l’été.
Les dossiers épineux du mercato des Blues auront porté la griffe belge. Meilleur joueur du club depuis son arrivée en 2012 et, osons le dire, meilleur joueur de Premier League sur cette même période, Eden Hazard a, à plusieurs reprises ces derniers mois, clamé ses envies d’ailleurs. Les sirènes du Real Madrid, afin d’embrasser les pas de son idole Zinédine Zidane auront fait leur effet. Mais le mercato pour le moins singulier du club Merengue, combiné au discours de Maurizio Sarri, auront été un duo gagnant dans la lutte pour la conservation de la pépite wallonne. Le discours du coach n’aura pas eu la même portée sur Thibaut Courtois. Soucieux de se rapprocher de sa famille, le portier a lui rejoint la capitale ibérique contre un chèque d’environ 40 millions d’euros. Sa place n’est pas restée vacante longtemps. 80 millions d’euros et un transfert record plus tard, Kepa Arrizabalaga venait remplacer au pied levé Courtois dans les cages de Stamford Bridge.
Et si cette information est passée quelques peu inaperçue dans le flux du mercato, Sarri s’est rapidement bien entouré tout en prenant soin des supporters. Il a choisi Gianfranco Zola, dont les exploits sont encore omniprésents dans les esprits des fans du club, pour devenir son adjoint. Ces opérations « gagnantes » ainsi que la venue de Mateo Kovačić en prêt ont donné à Sarri un effectif à la mesure de ses ambitions.
Des débuts prometteurs
Doté d’un effectif tant qualitatif que quantitatif, il ne restait plus qu’à la mayonnaise de prendre. Une tâche plus ardue qu’il n’y paraît quant on sait que la majeure partie de l’effectif a joué 2 saisons sous les ordres d’Antonio Conte, dont le solide jeu défensif est aux antipodes du « toque » prôné par Sarri. Toutefois, ses préceptes de jeu, basés sur des répétitions de passes courtes et une forte possession de balle en maintenant un bloc défensif haut, ont semblé prendre au fur et à mesure des semaines. Les premiers matchs de préparation ont été laborieux, les joueurs ayant du mal à prendre leurs marques. Que ce soit dans le jeu avec ou sans ballon, des difficultés ont pu être rencontrées. La saison a même commencé dans la douleur. Opposés au champion en titre dans le cadre du Community Shield, les Blues ont pris le bouillon face à Manchester City et Kun Agüero dans une défaite deux buts à zéro.
C’est après cet épisode nuageux que le beau temps est revenu chez le Chelsea Football Club. L’inamovible 4-3-3 imposé par le coach s’est avéré être une arme. La reprise de la Premier League a été une véritable éclaircie pour les supporters. Un départ canon du côté d’Huddersfield (3-0), une victoire au panache dans un déplacement piège à Saint James Park contre Newcastle (2-1), les Blues ont su prendre les points quand il le fallait. Encore mieux, ils ont su lutter contre les fantômes du passé. Dans un duel de coach « rookies » de la Premier League, Sarri a prit le dessus sur Emery et son Arsenal dans un match à rebondissements (3-2). Lors de l’exercice 2017/2018, Chelsea n’avait empoché que 12 points sur 30 possibles face aux autres membres du nouveau « Big 6 ». Une performance de bonne augure pour la suite du championnat.
Au-delà des résultats intrinsèques, c’est l’adaptation des joueurs au « Sarri-ball » qui aura étonné les observateurs et ravi les fans. La pléiade de joueur d’une qualité technique supérieure ainsi qu’un entrejeu fourni et de qualité ont facilité les choses, permettant au ballon de circuler de manière fluide, accélérant les transmissions entre les phases offensives et défensives. La patte du nouveau coach s’est vite fait sentir et lorsque l’équipe est bien en place, il est particulièrement difficile de lui ôter la possession du ballon.
Le collectif étant en place, il permet à des individualités de se mettre en lumière. C’est notamment le cas des deux comparses de l’aile gauche. Déjà au dessus du lot la saison passée, Marcos Alonso s’est mué en véritable homme providentiel de ce début de saison. Hyperactivité à chaque match, dangereux sur chaque montée sur son côté, il a même endossé le costume de joueur clutch en marquant le but victorieux dans le match face aux Gunners d’Arsenal. Devant lui, c’est un joueur que l’on pourrait considérer comme un revenant qui performe : Pedro, ou le joueur au plus gros palmarès du vestiaire. Il a su tirer son épingle du jeu pour commencer à s’imposer comme un élément clé du groupe. Sans pousser la comparaison avec l’ancien joueur de Sarri à Naples, Pedro est, comme certains ont pu l’appeler, une sorte de « Callejón avec beaucoup plus de talent ». Sa justesse technique et tactique, qu’il a pu travailler lors de ses nombreuses années sous la coupe de Pep Guardiola, font de lui un joueur incontournable pour un entraîneur comme Maurizio Sarri.
Le travail de ce dernier ne fait pourtant que commencer. Les carences de cette équipe sont visibles mais sa marge de progression est des plus intéressantes. Les lacunes défensives sont trop nombreuses pour pouvoir prétendre à une victoire finale en championnat. La bonne formule n’a pas encore été trouvé, spécialement dans l’axe, où David Luiz ne fait pas l’unanimité pendant que les chouchous du public Andreas Christensen et Ethan Ampadu font banquette.
En moins de deux mois en Angleterre, l’adaptation de Maurizio Sarri aura été rapide. Un mercato bien négocié, un début de saison sans faute, l’Italien va pouvoir rentrer dans le vif du sujet en septembre du bon pied. Il aura donné aux supporters des Blues un enthousiasme sans fausses notes que l’on avait que rarement vu jusque là.
Crédits photo : Lindsey Parnaby / AFP Photo.