Dans les années 70, Wimbledon n’était connu que pour son tournoi de tennis, un tournoi très chic qui chaque année se donnait pour mission de montrer au monde entier ce qu’était l’élégance à l’anglaise. Une mission qui sera magnifiquement sabotée par le club de football homonyme : le Wimbledon FC.
Aux chiottes le tiki-taka, vive le kick&rush
Dans les années 70, le Wimbledon FC végète dans les divisions inférieures anglaises. Arrive alors un homme qui va complètement révolutionner le club ; cet homme c’est Dave Basset, l’homme à l’origine du crazy gang.
Son approche du football est plutôt simple. Pas de jeu en triangle ou de Tiki-Taka, non tout ça c’est de l’esbrouffe pour Basset. Tout ce que le coach anglais souhaite c’est dégager le ballon dans le camp adverse le plus vite possible et envoyer ses gars y foutre le bordel. Vous sentez bien derrière ce plan de jeu plutôt simpliste que l’utilisation des half-spaces est bien le dernier des soucis de Wimbledon. Concernant les phases sans ballon, Basset est là aussi un homme pragmatique : pourquoi contenir les adversaires avec un bloc bas quand il suffit de blesser les joueurs adverses avant même qu’ils aient le ballon ? La vision très minimaliste du club est assez ironique quand on connait le jeu pratiqué par Manchester City l’année dernière qui leur a permis de devenir l’un des plus beaux champions d’Angleterre.
Tout le plan Basset réside dans sa capacité à trouver les bons joueurs, prêts à le suivre dans son fighting spirit extrême. C’est avec ce raisonnement qu’il réussit à réunir les pires salopards d’Angleterre dans un seul club. Et c’est comme ça que Wimbledon réussit à passer les divisions inférieures pour se retrouver en première division en 1986.
Le crazy gang
Les différentes montées, les joueurs de Wimbledon les doivent à leur agressivité hors du commun et à une violence rarement vue sur un terrain de football.
La plus grande force de cette équipe est sa capacité à intimider son adversaire avant même de commencer le match. Le vestiaire de Wimbledon est crade et glacial, les toilettes sont bouchées et les douches dégoulinent de merde. L’enfer de Plough Lane commence dès les vestiaires. La consigne de Basset est d’inspirer la peur chez les adversaires. C’est pour ça que le crazy gang n’hésite pas à gueuler dans les couloirs, taper les portes des toilettes avec leur tête ou à déclencher des bastons de regards interminables avant d’entrer sur le terrain.
Lineker lui même a reconnu que les déplacements à Plough Lane étaient les plus difficiles. Certaines équipes y allaient en espérant revenir sans blessés graves.
Les joueurs du Wimbledon FC ne font pas ça que pour se donner des chances de l’emporter, ils prennent aussi un plaisir malsain à voir la peur se dessiner dans les yeux de leur adversaires.
Forcément le club n’est pas bien vu par le football anglais. C’est ce sentiment de rejet qui crée une grande cohésion à l’intérieur du groupe. Le crazy gang contre le reste du monde.
Vinnie Jones, le plus connu du crazy Gang qui une fois retraité sera appelé pour jouer dans des films de gangsters, offre au monde du foot une des plus belles photos de l’histoire mais aussi un sens de l’intimidation hors du commun. Un jour où il doit marquer Gascoigne, le petit chouchou anglais, Jones s’approche de lui et lui chuchote tranquillement à l’oreille : « Je m’appelle Vinnie Jones, je suis un gitan, je gagne beaucoup de fric et je vais t’arracher l’oreille puis tout recracher dans l’herbe. Tu es seul mon gros, tout seul avec moi ».
Voilà c’est ça le Crazy Gang, des tacles virils et jamais corrects. Pour bien comprendre la folie de ce groupe, il faut savoir que quasiment tous étaient des cas sociaux qui ont connu une enfance très difficile et qui n’arrivaient plus à s’exprimer autrement qu’avec haine. Fashanu disait que Wimbledon était le père et la mère qu’il n’avait jamais eu.
Pour contrôler un taux de testostérone aussi élevé il faut bien que le staff trouve des occupations adéquates. C’est comme ça que naît le Harry’s ball, un jeu qui consiste à donner le ballon à un joueur pour qu’il dribble ses coéquipiers. La petite spécificité de ce jeu étant qu’il n’y a pas de règles.
Il y a aussi le Circle, méthode de management plutôt directe où deux joueurs qui ont un problème sont entourés par les autres joueurs et doivent se battre pour régler le conflit. Pas sûr que ça soit efficace de nos jours.
Les journalistes ont aussi l’habitude de voir des joueurs rouler dans une voiture avec l’un de leurs coéquipiers attaché sur le toit.
Même les dirigeants se mettent au diapason de leurs joueurs. Hammam le président de l’époque parade à dos d’éléphant et menace ses joueurs de leur faire bouffer des couilles de chameau ou encore de les amener à l’opéra en guise de punition.
Pour résumer, Wimbledon est à cette époque géré par un président taré, dirigé par un coach se servant de la violence comme seule tactique et animé par des joueurs plus fous les uns que les autres.
Âge d’or et décadence
C’est grâce à ces méthodes peu orthodoxes que le club réussit à connaitre sa meilleure période de son histoire, avec 3 montées pour atteindre la première division et a surtout un maintien dans le top 10 pendant six années d’affilées. Mais le plus grand exploit de cette équipe a lieu en 1988.
Cette année là, Wimbledon se hisse jusqu’en finale de la plus ancienne compétition de football, la FA CUP. Face à eux le grand Liverpool, qui vient de gagner le championnat quelques jours plus tôt. Tout le monde est avec le club de la Mersey ; encore une fois Wimbledon se retrouve seul contre tous. Une situation que les joueurs maitrisent à merveille et qui leur permet de se sublimer. Wimbledon offre au public un match atroce où chaque tacle peut terminer des carrières. Mais grâce à sa solidarité et à une envie de vaincre incroyable, Wimbledon l’emporte 1-0 sur à un but de Sanchez.
Fashanu a reconnu que ce moment fut le pire de sa vie étant donné qu’il dut féliciter son « connard » de pire ennemi pour leur avoir donné la victoire. La haine jusqu’au bout, et c’est cette haine là qui donne le titre à Wimbledon.
Ce titre marque la fin de l’esprit Wimbledon. Beaucoup de joueurs partent dans d’autres clubs. Le club se professionnalise dans les années 90 et perd la folie qui le caractérisait. Dans les années 2000, le Wimbledon FC dépose le bilan pour devenir le Milton Keynes Dons FC. Les fans mécontents se regroupent pour créer leur club avec les mêmes valeurs que le Wimbledon FC de l’époque, l’AFC Wimbledon. Le club égale son aîné en enchaînant les montées d’année en année. Aujourd’hui Wimbledon est en League One, l’équivalent de la D3 française. L’époque du Crazy Gang est révolue (et heureusement pour nos chevilles), mais malgré tout Wimbledon restera dans les mémoires comme l’équipe la plus violente d’Angleterre.
Photo crédits : Pascal Rondeau /Allsport