On ne parle pas autant de lui que d’un Suarez, un Cavani, un Kane ou encore un Lewandowski. Pourtant, Edin Dzeko a tout à fait sa place dans le cercle des meilleurs n°9 du monde. Partout où il est passé, l’international bosniaque a fait le job, plus que ça même : il a fait gagner des titres. Sans fioriture mais avec l’efficacité et la force mentale qui caractérisent les attaquants de classe mondiale.
On le qualifiait de « joueur en bois » durant ses années de jeune footballeur. Plus récemment encore, à la fin d’un premier exercice décevant avec la Roma (2015-16), les fans de la Louve l’ont surnommé Edin Cieco, « Edin l’aveugle ». Aujourd’hui, les travées du Stadio Olimpico l’encensent. Et cela résume bien la carrière de Dzeko. Celle d’un attaquant pas très académique, soumis aux préjugés sur son gabarit d’1m93 mais qui, au final, fait le bonheur de tous les clubs dans lesquels il joue. De même qu’il apporte, par ses buts, fédération et enthousiasme à un pays, la Bosnie-Herzégovine, encore en train de panser les plaies de son histoire tragique.
« La guerre vous fait grandir plus vite »
Cette histoire, Edin Dzeko l’a vécue au plus près, au cours d’une enfance pas comme les autres. « La guerre vous fait grandir plus vite, vous oblige à apprendre des choses que vous n’apprendriez jamais et à mener une vie différente », confiait le natif de Sarajevo il y a un an au Guardian. De 1992 à décembre 1995, date des accords de Dayton pour la paix en Bosnie, Dzeko a connu l’enfer. Il se sert aujourd’hui de ce passé douloureux pour relativiser les aléas de sa carrière de footballeur : « Vous vous asseyez et pensez à ce qui était vraiment une chose terrible dans votre vie, des moments où vous n’aviez rien à manger, ni à boire. Pas de vêtements normaux. Et vous voyez que les choses vont bien maintenant. »
Plutôt bien, en effet. A 32 ans, Edin Dzeko ne compte plus les titres et distinctions personnelles. Champion d’Allemagne avec le VfL Wolfsburg en 2008-09, meilleur buteur de Bundesliga la saison suivante, double champion d’Angleterre avec City en 2012 et 2014, meilleur buteur de Serie A en 2016-17 avec la Roma, voici pour les grandes lignes d’un CV bien rempli. Et, au-delà des titres, l’homme aux 212 buts en un peu plus de 400 matchs en carrière a un don pour amorcer les scénarios fous de ce magnifique sport qu’est le football.
Ainsi, le 13 mai 2012, on joue la 90e+2 de Manchester City – Queens Park Rangers lorsqu’il inscrit cette tête rageuse, tête de l’espoir pour les hommes de Roberto Mancini. Un coup de casque qui sera suivi d’une réalisation d’Agüero, à la 90e+4, pour offrir le titre de champion, que l’on pensait alors perdu, à la maison skyblue.
Cette année, tout le monde se souvient de la remontada de la Roma face au Barça, en quarts de finale de la dernière Ligue des Champions. Qui a entrouvert la porte d’un exploit en battant un ter Stegen en état de grâce au Camp Nou ? Edin Dzeko. Et qui a servi de bougie d’allumage au match retour, avec un but similaire à celui inscrit à l’aller, enchaînement pied droit – pied gauche ? Encore Edin Dzeko.
Mais concrètement, qu’est-ce qui fait de ce joueur formé au Zelejnicar Sarajevo et aux mensurations diabatesques le buteur clinique et assoiffé de victoires qu’il est ? D’abord, un profil complet : habile avec les deux pieds, redoutable de la tête, Dzeko peut faire mouche dans absolument toutes les positions. Aidé par sa science du déplacement, il maîtrise l’art de se retrouver au bon endroit au bon moment. Les mauvaises langues diront qu’il est surtout bon à marquer des buts faciles et qu’il peut faire preuve, à certains moments, de nonchalance. Très vite, le géant bosniaque apportera la réponse à leurs doutes sur le terrain, où il ne reste jamais longtemps sans scorer. Même quand il doit se cantonner à un rôle de remplaçant, comme ce fut le cas à City, Dzeko impressionne par sa capacité à être décisif avec un temps de jeu réduit.
Enfin, Edin est surtout accro à son sport, à son métier. Travailleur obstiné, il vit, dort, respire ballon rond. Toujours au Guardian, il avoue « regarder du football tout le temps […] Je peux voir les bons et les mauvais côtés des équipes que nous affrontons, des défenseurs contre qui je joue. Je cherche cet espace, leur mouvement, les faiblesses de l’opposition. » Et, bien souvent, il trouve.
Pas plus tard que ce lundi, avec la sélection bosniaque, en Ligue des nations, Edin Dzeko a fait trembler les filets par deux fois. Lors de ses sept derniers matchs de Ligue des champions, il les transpercés à huit reprises. Et si c’était lui, la meilleure machine à marquer du moment ?
Pour aller plus loin : https://www.theguardian.com/football/2017/oct/18/edin-dzeko-roma-chelsea-bosnia-manchester-city
Crédits photos : Silvia Lore/NurPhoto