Paco Alcácer, l’enfant de Torrent

Paco Alcácer s’éclate aujourd’hui à Dortmund au point d’avoir retrouvé la Roja plus de deux ans après sa dernière sélection. Retour sur le parcours d’un joueur de 25 ans qui a connu un drame avec la mort de son père en août 2011, est passé de chouchou à ennemi à Valence en quittant le club en 2016 et s’est retrouvé dans l’ombre de Luis Suarez à Barcelone jusqu’en 2018.

Né à Torrent le 3 août 1993, à une dizaine de kilomètres de Valence, Paco Alcácer débute le football dans le club principal de la ville. À 12 ans, il rejoint le centre de formation des Chés. Il passe par toutes les catégories d’âge et impressionne de plus en plus. Meilleur buteur chaque année, cette fois, c’est sûr, le petit Alcácer ira loin. S’il a tout pour être heureux avec le football, ses parents souhaitent lui apprendre la valeur de l’argent et du travail. Son père, agriculteur, et sa mère, banquière, lui donnent une éducation qui feront de lui un homme plein de respect, de valeurs et d’humilité. L’argent de ses premiers contrats sert à aider la famille. Pas question de flamber. Le petit travaille, encore et toujours. Avec ses 1 mètre 73, le joueur doit travailler plus que les autres et développer d’autres qualités.

Il effectue ses débuts avec l’équipe première de Valence au mois de novembre 2010 sous les ordres d’un certain Unai Emery. Premier match et première victoire pour le joueur lors de cette rencontre comptant pour la Coupe d’Espagne. Malgré ça, c’est compliqué pour lui de se faire sa place. Un mystère lorsque l’on voit ce que fait le jeune homme en sélection chez les jeunes espagnols. Il participe à l’Euro 2010 et termine vice-champion avec les U17. Et surtout, il finit meilleur buteur. L’année suivante, il remporte l’Euro 2011 chez les U19. Lors de la finale, la République tchèque et l’Espagne sont à 1-1 et vont jouer les prolongations. C’est là que Paco Alcácer se dit qu’il va mettre deux buts et les Espagnoles l’emportent 3-2.

Tout va bien pour Paco Alcácer. Avant le drame de sa vie. Le 13 août 2011, Valence joue un match comptant pour un trophée organisé par le club devant de nombreux supporters dans l’enceinte de Mestalla. Parmi eux, papa maman Alcácer. Ils sont venus encourager leur enfant lors de cette rencontre face à la Roma. S’il débute sur le banc, l’attaquant entre en jeu et marque le troisième but de son équipe en fin de match. Une victoire des Valenciens, un but, un trophée en poche, la fête est totale. La famille Alcácer peut quitter le stade. Et puis… En partant de Mestalla, son père s’effondre. À 44 ans, pris d’une crise cardiaque, il ne s’en relèvera pas malgré l’arrivée des secours. La fête est terminée. À même pas 18 ans, voilà le joueur à la carrière pleine de promesses qui voit son père partir sans même avoir pu lui dire au revoir. Un cauchemar pour la famille. La page d’une vie que l’on ne souhaite à personne. Comment s’en remettre ? Avec beaucoup de courage et une grosse force de caractère, Paco Alcácer a trouvé la force de continuer et a commencé à voir les choses d’une manière différente. Une épreuve qui l’a forcément endurci et fait grandir un peu plus vite.

À l’Euro 2012, toujours chez les U19, il soulève une nouvelle fois le trophée. Cette fois-ci, c’est lors de la demi-finale face à la France de Paul Pogba et Samuel Umtiti qu’il marque un but important. Et il a forcément une autre saveur. Lors de la saison 2012-13, il est prêté à Getafe pour gagner de l’expérience et surtout gratter du temps de jeu. Ce n’est qu’à partir de l’hiver 2013 qu’il va commencer à jouer un rôle très important à Valence. Il va marquer plus de buts en 6 mois que lors des deux précédentes saisons. Au mois de février 2014, il donne la victoire à son équipe en inscrivant le but du 3-2 face à Barcelone. Au mois d’avril, en quart de finale aller de la Ligue Europa, les Chés subissent une lourde défaite 3-0 en Suisse face à Bâle. Une semaine plus tard, Valence efface ce retard en s’imposant 5-0 à domicile après prolongations avec un triplé de Paco Alcácer. Une fin de saison qui va lui ouvrir les portes de la Roja.

En septembre 2014, il joue son premier match sous les ordres de Vicente del Bosque et va participer à la campagne de qualification pour l’Euro 2016. Il marque son premier but quelques minutes seulement après son entrée en jeu. Que ce soit avec son club ou sa sélection, l’attaquant va confirmer lors de cette saison 2014-15 et devenir le chouchou de Mestalla. Il termine la saison à 11 buts et 5 passes en Liga. Valence pointe à la 4e place et jouera les barrages de la Ligue des champions. La saison 2015-16 est plus compliquée pour le club Ché. Une triste 12e place en Liga, une élimination en phase de groupes de la Champions League et une autre en huitièmes de l’Europa League. L’attaquant, lui, termine tout de même avec 13 buts et 6 passes décisives en championnat. Son plus haut total de buts sur une saison chez les pros.

Non sélectionné avec les Espagnols pour l’Euro 2016, sa carrière va prendre un tournant à la fin du mois d’août. Alors qu’il est sur le point de devenir la nouvelle idole de Valence, il demande à rencontrer le président. Paco Alcácer veut quitter le club pour rejoindre Barcelone. Un transfert qui se fera le 30 août 2016. Date à laquelle il est passé de chouchou à ennemi du côté des supporters. Un départ maladroit et peu compréhensible pour beaucoup. Pourquoi aller dans un club pour faire banquette alors qu’il avait tout pour lui à Valence ? Parce qu’au Barça, il est difficile de passer devant la MSN. En plus, pour ne rien arranger, l’attaquant se permet de critiquer la politique du club Ché lors de sa présentation à Barcelone.

Ses débuts à Barcelone sont compliqués. Après 16 matches, l’attaquant n’a toujours pas marqué le moindre but. Mais le doute ne fait pas partie de son vocabulaire et son adaptation est bonne. Surtout que Luis Suarez a vécu la même chose. Arrivé de Liverpool alors qu’il était suspendu suite à sa morsure sur Giorgio Chiellini, il a mis pas mal de temps avant de marquer. Et ce, malgré son niveau chez les Reds. En bon coéquipier, il va rassurer le jeune Alcácer. Avec du travail et de la patience, il finit sa première saison en Catalogne avec 8 buts. C’est pas mal si l’on ramène ça à ses 1385 minutes jouées sous son nouveau maillot. Mais le départ de Neymar à Paris à l’été 2017 ne change rien, Paco Alcácer n’a pas beaucoup plus de temps de jeu lors de la saison 2017-18. Après 15 buts en 50 matches à Barcelone, il veut changer de club et enfin avoir le rôle qu’il mérite.

Le Borussia Dortmund, qui court après son numéro 9, voit la bonne affaire. Un bon attaquant est très important pour une équipe et peut-être encore plus au BvB. Lors de son dernier titre de champion de Bundesliga 2011-12, Robert Lewandoski avait terminé la saison à 22 buts. Les deux suivantes, il en avait planté 24 et 22 avant de rejoindre le Bayern Munich. Pierre-Eymerick Aubameyang avait pris le relais avec ses 25 buts en 2015-16 et ses 31 la suivante. Suite au départ du Gabonais à Arsenal, c’est Michy Bastshuayi qui était venu au club au mois de janvier 2018. Il avait fait un départ canon, enchainant buts et passes décisives, avant de se blesser. Le club avait envie de l’acheter définitivement mais ça ne s’était finalement pas fait. Les supporters s’inquiétaient un peu de ne pas voir de numéro 9 arriver pour la saison 2018-19. Qui va mettre les ballons de Marco Reus, Christian Pulisic ou encore Jadon Sancho au fond des filets ? Et c’est finalement Paco Alcácer qui a rejoint le club lors du mercato.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’adaptation s’est faite beaucoup plus rapidement au Borussia Dortmund qu’au Barça. Auteur d’un incroyable début de saison, il affiche des statistiques complètement folles. Arrivé avec une petite blessure, le joueur de Lucien Favre a marqué 6 buts en 81 minutes de jeu en Bundesliga. À chaque fois qu’il est entré en jeu, il a planté. Il fait ses débuts face à Francfort. Entré en deuxième mi-temps, il met le but du 3-1 pour le BvB. Face à Leverkusen, alors que son équipe est menée 2-0, il entre à la 63e. Dortmund revient à 2-1 à la 65e, puis 2-2… et Paco Alcácer met deux buts pour offrir la victoire à son club. Encore mieux, dans un incroyable match face à Augsburg, il entre en jeu à la 59e, marque un premier but 3 minutes plus tard, en met encore un et termine avec un triplé sur coup-franc à la 90+6 pour la victoire 4-3 du Borussia. Avec ses 6 buts, il est en tête du classement des buteurs. Le Borussia Dortmund pointe à la première place de la Bundesliga avec 17 points en 7 matchs. Ajoutez à ça un but lors de la victoire 3-0 en Ligue des champions face à Monaco. Une forme impressionnante qui lui a permis de retrouver la Roja plus de deux ans après sa dernière sélection. Pour son retour, il met un doublé face aux Pays de Galles et marque un but face à l’Angleterre juste après son entrée quelques jours plus tard, portant son total à 9 buts en 15 matchs avec la sélection espagnole. Il en est à 10 buts sur ses 6 derniers matchs. 10 buts sur ses 10 dernières frappes cadrés. C’est fou.

Dortmund peut se frotter les mains et Barcelone s’en mordre les doigts. Selon Kicker, Sport Bild et Bild, le BvB souhaiterait déjà lever l’option d’achat de 23 millions d’euros et Paco Alcácer devrait signer jusqu’en 2023. Lucien Favre avait bien vu toutes les qualités du joueur qui comprend très bien le football. Il fait souvent le bon choix, pour ne pas dire toujours. Il se déplace très bien sur le terrain pour échapper à la vigilance des défenseurs adverses. Capable de jouer en une touche ou de temporiser, il fait preuve d’une excellente finition. Un vrai numéro 9, en fait.

En marquant tous ces buts, Paco Alcácer ne peut pas rendre un plus bel hommage à son père. Alors il va continuer. Encore et encore. Avec une pensée pour lui à chaque ballon au fond des filets. À la vie à la mort.

Crédits photos : INA FASSBENDER / AFP

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