Villarreal : le sous-marin jaune en eaux troubles

Villarreal est le premier club de Liga à être parti en vacances de Noël. De quoi souffler, après une première partie de saison complètement ratée. Le recrutement opéré ces deux dernières années est pour beaucoup dans ce naufrage. Actuellement relégable, le sous-marin jaune compte sur son changement d’entraîneur pour cesser de couler. 

En ce moment, le jaune est à la mode. Pour ceux qui sont dans la détresse, du moins. Sur des rond-points, partout en France, des manifestants enfilent leur gilet pour afficher leur ras-le-bol. Les joueurs de Villarreal pourraient y voir une marque de soutien tant ils sont mal barrés en Liga. Ils ont fini l’année 2018 à la 18e place du classement et n’ont toujours pas bougé après deux matchs en 2019. Certes, ils sont sortis de leur terrible groupe d’Europa League composé de l’ogre Spartak Moscou, du titan Rapid Vienne et des invincibles Glasgow Rangers…

Seulement, aucune équipe qualifiée pour les 16es de finale de cette compétition n’est plus bas qu’eux dans son pays. Villarreal avait démarré la saison avec les places européennes en ligne de mire et la terminera avec le maintien comme seul objectif. Les joueurs sont méconnaissables. Le 8 décembre dernier, ils perdaient 2-3, dans leur stade, face au Celta Vigo. Le doublé de Bacca dans les dix dernières minutes cachant la forêt de buts qu’ils auraient pu encaisser en plus des trois d’Okay, Brais Mendez et Maxi Gomez. Deux jours plus tard, l’entraîneur Javier Calleja prenait la porte. Il était tard, mais il était temps.

« Toute la saison nous cherchons deux victoires consécutives »

L’équipe enchaînait les mauvais résultats depuis le début de la saison. L’ancien ailier de la maison (1999-2006), arrivé en septembre 2017 pour remplacer Fran Escriba, surfait sur son image positive pour rester à la barre. C’est Luis García Plaza qui a fini par le remplacer. Jeune entraîneur de 46 ans, il prend pour la première fois les commandes d’un gros morceau. Son principal fait d’armes est la montée de Levante en Liga (2009-2010). Pas de quoi se taper la tête contre les murs, mais il jouit, comme son prédécesseur, d’une bonne réputation. Toutefois, il ne fait pas encore de miracles.

Dès son arrivée, il peut se relancer, contre la lanterne rouge, Huesca. « Ce ne sera pas une finale, mais presque », prévenait-il en conférence d’avant-match. Résultat final : 2-2, avec une égalisation des Aragonais à la dernière minute par Samuele Longo. Ceux qui ont regardé le scénario sans assister au match y voient de la malchance. Les autres savent qu’en réalité, les Amarillos ne méritaient pas mieux tant ils se sont fait malmener. De toute façon, il s’agit là d’un des deux plus gros problèmes de Villarreal cette saison : garder le score. L’équipe a perdu trois matchs et concédé quatre nuls alors qu’elle menait au tableau d’affichage. Le second souci ? Confirmer leurs succès. « Toute la saison nous cherchons deux victoires consécutives », admettait Javier Calleja après un match de coupe du Roi contre Almeria. À l’heure actuelle, ils n’ont toujours pas réussi cette performance.

Semedo, le symbole d’un échec

Pourtant, en début de saison, peu de monde s’attendait à une telle désillusion. Le mercato semblait réussi avec notamment les retours de Gerard Moreno et Santi Cazorla. Mais en rapprochant son nez d’un peu plus près, l’affaire sent beaucoup moins bon. En réalité, les derniers marchés des transferts sont mal négociés depuis 2017. Le symbole de cet échec ? Ruben Semedo. Acheté 14 M€ au Sporting Portugal en 2017, le Portugais a été placé en détention le 22 février 2018. Il est soupçonné de tentative d’homicide, coups et blessures, menaces, séquestration, port illégal d’arme et vol avec violence. Bingo. Le défenseur a payé sa caution de 30 000 € en juillet et Villarreal l’a prêté à Huesca pour cette année. Aujourd’hui, il n’a pas le droit de quitter le pays ni de s’approcher à moins de 300 mètres de sa victime et doit pointer chaque semaine pour confirmer son lieu de résidence. Il avait déjà été accusé d’agression en octobre 2017 et de menace avec une arme à feu en novembre. Comment un club comme celui-ci peut-il engager un loulou comme celui-là ? Surtout pour 14 M€ ! À Reus ou au Vitória de Setúbal, deux clubs où Semedo a évolué une saison, on connaît la part sombre du jeune homme (24 ans). En un coup de bigot, les recruteurs amarillos auraient été au courant du risque qu’ils prenaient en le recrutant. L’ont-ils fait ? La question mérite d’être posée. Que la réponse soit oui ou non, c’est inquiétant. Dans tous les cas, il parait aujourd’hui difficile de le revendre plus cher que son prix d’achat.

Le Cordón ombilical

C’est en 2017 qu’un virage a été opéré à Villarreal, lorsqu’Antonio Cordón, directeur sportif du club et responsable du recrutement depuis 17 ans, a décidé de faire ses valises. À ce jour, le noyau dur qu’il constituait avec Luis Rodriguez, Antonio Martinez Pachin et Antonio Salamanca est complètement éclaté. Plus un seul de ces quatre éléments n’est présent dans le sous-marin. La fine équipe avait contribué à redresser les comptes amarillos grâce à de jolies plus-values. En vrac : Gabriel Paulista (12 M€), Mateo Musacchioa (12 M€), Luciano Vietto (15 M€), Alexandre Pato (15 M€), Eric Bailly (32 M€) ou encore Cédric Bakambu (au moins 32 M€). C’est Pablo Ortells qui a repris la place de Cordón. Force est de constater qu’il connaît beaucoup moins de succès pour l’instant. La faute à un changement de méthode qui ne paye pas. La preuve avec les résultats sportifs.

Un effectif tout simplement moins bon

Alors oui, l’été dernier, 17 M€ ont été gagnés avec la vente de Samu Castillejo au Milan AC, recruté par la team Cordón et vendu par la nouvelle, puis 20 M€ avec Rodri, jeune talent formé club et vendu à l’Atlético Madrid. Mais, sous Ortells, le club a recruté Roger Martínez 15 M€ pour le revendre dans la foulée 8,5. Soit 6,5 M€ de perdus. Egalement, sans revenir sur le cas Semedo, il va désormais être difficile de gagner de l’argent avec un Karl Toko Ekambi acheté 18 M€. Un prix qui, en plus, l’oblige à jouer. Cela pose un réel problème quand l’attaquant camerounais doit se partager le poste avec Gerard Moreno et Carlos Bacca, les deux meilleurs buteurs du club actuellement en championnat (4 pions). Mais l’ancien goleador de l’Espanyol Barcelone, arrivé pour 20 M€ – un montant qui force aussi le coach à l’aligner -, a du mal à passer la seconde.

Au final, Villarreal sera sûrement obligé de vendre à perte. Le retour de Santi Cazorla est une bonne idée, mais pas le transfert de l’année non plus. Quoiqu’en dise son doublé contre le Real Madrid, l’ancien Gunner est plus proche de la fin de sa carrière que du début. Et ça se voit. Ce n’est pas lui qui comblera le trou laissé par Rodri. Le départ du néo-Colchonero était acté depuis un moment déjà, Villarreal aurait pu préparer le dossier en amont. Mais non, ni lui ni Bakambu n’ont été correctement remplacés. Surtout que Trigueros, maître du jeu habituellement, ne met plus un pied devant l’autre. La dynamique négative dans laquelle les Amarillos se sont laissés embarquer pèse lourd sur les épaules du milieu de terrain. À cela s’ajoutent, Mario Gaspar et Jaume Costa, qui ne sont plus les mêmes que sous Marcelino (2013-2016). Ils n’ont personne pour les pousser. Les coachs qui ont suivi ne sont pas aussi exigeants que lui et la concurrence reste maigre. Par exemple, il est toujours bon de rappeler que Pedraza, numéro deux derrière Jaume Costa, n’est pas un arrière gauche. Si Villarreal en est là aujourd’hui, ce n’est pas un hasard.

Couler ou flotter

Après 18 journées, voilà donc le sous-marin jaune avec seulement 17 points. Soit un de plus qu’au cours de la saison 2011-2012, qui s’est achevée par… une descente en deuxième division. Le parallèle est tentant. Mais à l’époque, l’échec tenait plus de l’accident que d’autre chose. Aujourd’hui, le mal est plus profond et Luis Garcia Plaza a du pain sur la planche. Sera-t-il capable de redresser la barre comme Calleja l’avait fait la saison passée ? Il vaudrait mieux. En cas de descente, il ne sera pas évident de remonter immédiatement comme ça avait été le cas en 2013. La concurrence est rude en Liga 123 (deuxième division). De gros poissons tels que Grenade, Osasuna, Malaga, le Deportivo la Corogne ou Las Palmas se battent pour les premières places et tout le monde ne retrouvera pas l’élite cette année. Il en restera la saison prochaine.

L’arrivée du nouveau Mister et la fenêtre de mercato hivernal représentent donc de grands espoirs pour Villarreal. Il faudra recruter local afin de ne pas se heurter à une période d’acclimatation d’un joueur qui découvre l’Espagne. Le club cherche un pivot défensif à associer à Javi Fuego. Les noms de Vicente Iborra, Cruz Azul et Ivan Marcone ont été évoqués, ce qui permettrait au jeune Santiago Cáseres (21 ans) de mettre son talent au profit de l’attaque. Ce dernier est optimiste en tout cas. « Nous nous sommes bien acclimatés au nouvel entraîneur, déclarait-il en conférence de presse. Après une ambiance compliquée, l’équipe a noté un peu de positif. » Il est vrai que quelques bonnes résolutions ne feront pas de mal pour démarrer la nouvelle année.

Crédits photos : JOSE JORDAN / AFP

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