“We would have never been promoted or stayed up with another manager”. Les entraîneurs laissent souvent une trace de leur passage dans les clubs où ils évoluent. Ils laissent derrière eux quelques souvenirs, des mots, des moments suspendus dans le temps. Mais rares sont ceux qui marquent pour toujours l’histoire d’un club. Rares sont ceux dont le nom sera encore cité dans des dizaines d’années quand on se retournera pour voir où le club était au cours des années 2010. Dans cette catégorie, on peut ranger le nom de David Wagner. On peut ajouter le nom de celui qui nous a appris à placer sur la carte la petite ville industrielle d’Huddersfield, encastrée entre Manchester et Leeds.
Jusqu’au mois de novembre 2015, Huddersfield Town était le genre de club dont le nom n’évoquait rien hormis un ennui profond. Un club qui se limitait à vendre son meilleur joueur chaque année pour en trouver un autre plus au moins potable qui permettra de garder la tête hors de l’eau. Tout était plus ou moins insipide, banal et monter en Premier League n’était même pas un rêve, c’était de l’ordre de l’impossible. Personne au John Smith’s Stadium ne pensait une seule seconde qu’un jour, ils verraient sous leurs yeux, leur club battre Manchester United. Ils étaient à des années lumières d’imaginer que leur petite équipe, la saison dernière, allait être la seule à repartir de l’Etihad Stadium sans concéder un but. Face au marasme dans lequel leur frêle instituion se trouvait, plus proche de la League One que de l’élite, c’était tout simplement impossible.
Et pourtant. Après une défaite 3-0 face à Leeds, l’arrivée de David Wagner et de son adjoint Christoph Bühler, venu de Dortmund, a doucement tout fait basculer.
Parenthèse enchantée
On a souvent du mal à imaginer l’impact que peut avoir un entraîneur sur un club et pourtant ici, tous ont très vite compris que l’empreinte de l’Allemand allait être indélébile. En un temps record, il a fait de son équipe de Championship une équipe plaisante à regarder. Il les a hissés en haut du classement au point de faire de la Premier League une possibilité. Avec le « Terrier Spirit » et un « No Limit » sous le coude, l’Allemand a fait des miracles. Il a fait des joueurs moyens comme Tommy Smith et Jonathan Hogg des éléments essentiels de son équipe. Il a tiré le meilleur d’un effectif dont la pierre angulaire était Aaron Mooy. C’est d’ailleurs souvent comme cela qu’on comprend qu’un entraîneur fait un bon travail : quand il arrive à tirer le meilleur de ses joueurs. Le football alors pratiqué par les Terriers n’avait plus rien à voir avec ce que l’on avait pu observer jusque là. On avait fait table rase du passé pour installer un véritable fighting spirit, un vrai système de jeu. Les hommes sur le terrain n’avait plus peur de jouer, bien au contraire.
Ce club grandement familial s’est alors trouvé un nouveau pilier en la personne de D. Wagner ainsi que de son assistant. Jamais ils n’avaient connu un entraîneur si spécial mais surtout une personne si généreuse. Et ce n’est pas Andy Brook, kitman du club depuis 1999, qui dira le contraire ; lui qui a tout connu avec Town sait à quel point son mandat a été et restera précieux. Son staff technique est également du même avis. Tom Payne, 22 ans, analyste depuis l’été 2016, évoque le fait que « c’était facile de travailler avec lui [C. Bühler] ». Sans aucun diplôme ni la moindre expérience si ce n’est un travail à temps partiel au club depuis l’été 2015, les deux hommes lui ont donné sa chance sans sourciller, autre preuve de la capacité du duo à faire confiance. T. Payne rajoute que les deux hommes « en demandaient beaucoup mais ils étaient de bonnes personnes. C’était facile de faire des heures supplémentaires quand tu savais que ce n’était pas en vain ». Personne n’a compté les heures mais ils savaient tous qu’ils auraient quelque chose en retour. Et forcément le travail est plus simple ainsi. La saison passée en est une belle preuve et la récompense aura été plus qu’énorme.
Finalement, monter en Premier League était déjà un miracle, une onde de choc. Quand Christopher Schindler a marqué cet ultime penalty face à Reading, la terre a tremblé dans le West-Yorkshire. Mais quand le coup de sifflet final a retenti à Stamford Birdge en mai, l’onde de choc a été encore plus puissante. Ce qu’il s’est produit ce soir-là était au-delà du miracle. C’était encore une fois de l’ordre de l’impensable. Mais David Wagner, son staff et ses joueurs sont une nouvelle fois allés contre le courant en permettant au plus petit club du championnat de survivre. En un temps record, la plus grande page de l’histoire moderne du club a été rédigée. Et tous sont au fait car sans l’Allemand, ceci n’aurait pas été faisable. Il a apporté au club un vent de fraicheur, le vestiaire ne faisait qu’un, toutes les deux semaines le John Smith’s Stadium était plein à craquer. Et il l’est encore malgré les résultats actuels.
C’est pour une histoire comme celle-là que le football est plus qu’un sport. Les larmes, les émotions, un instant suspendu pour toujours comme ceux vécus à Wembley ou du côté du Bridge. Et ceci, les supporters d’Huddersfield le doivent à David Wagner et ceux qui ont travaillé avec lui. Il suffit d’observer les réactions depuis que son départ a été annoncé. De la tristesse mais aussi une profonde gratitude. Il n’y a pas de sentiment amer, rien que la nostalgie de voir cette période enchantée s’achever. Là est la preuve qu’il a été admiré, qu’il a suscité un profond respect.
Dans sa lettre d’au-revoir, où, l’émotion est palpable pour celui qui sera sans aucun doute mis à côté d’Herbert Chapman et Mick Buxton, les deux autres hommes de légende étant passés par le club, David Wagner ne fait que remercier ceux qui l’ont entouré. Il montre simplement qu’il est temps pour lui de se retirer, qu’il a accompli ce qu’il avait à faire. Et si cela fait mal au cœur, on ne peut s’empêcher de sourire aussi en pensant aux tours de magie qu’il a accompli en défiant l’adversité, en allant à l’encontre de toute logique, en plaçant l’argument de la réussite grâce à l’argent de côté. Pour les observateurs lointains, ceci n’est peut-être qu’une exagération et pourtant, il suffit d’observer les réactions après la promotion puis après le match nul face à Chelsea.
Son héritage restera ancré pour toujours dans les mémoires de ce modeste club anglais qui est l’un des plus anciens du pays. Pour toujours ces photos, ces vidéos, ce penalty à Wembley, ce but de Laurent Depoitre, cette victoire face à Leeds, ce 0-0 au goût de victoire à l’Etihad Stadium, ce succès 2-1 face à Manchester United subsisteront. Entre novembre 2015 et janvier 2019, l’histoire s’est écrite, elle a illuminé le quotidien des amoureux d’Huddersfield Town. Et le nom de David Wagner restera lié à cela.
Crédit photo: Oli SCARFF / AFP