Du racisme dans le foot ? Quel racisme ?

Le racisme est une question tumultueuse dans toute l’Europe du football. Des cas de plus en plus nombreux sont recensés, avec pourtant de moins en moins de mobilisations pour lutter contre ce fléau. Le football est considéré à juste titre comme le miroir de la société et les actes racistes nous le prouvent chaque fois un peu plus.

Watching football with the Buuh on

Le monde du supporterisme est un univers à part entière. Il déchaîne les passions mais aussi les interrogations. Comment des habitués qui voient des joueurs de toutes les origines, ethnies, couleurs différentes évoluer dans leur club peuvent-ils finir par balancer des cris de singes et autres insultes raciales ? Une partie des tifosis de l’Inter ont essayé d’apporter des éléments de réponse dans un communiqué lunaire. La Curva Nord explique que les bruits de singes ne sont pas racistes mais au contraire, ils représenteraient une marque de respect car les supporters de Cagliari auraient peur de l’impact de Lukaku. Autre déclaration marquante de ce communiqué : ils continueront ces cris, tant les tifosis du club sarde que ceux de l’Inter. Ils font désormais partie du folklore. La ligue inflige des amendes à hauteur de 10, 20 ou 50 000 euros au club en question et quelques huis-clos partiels de temps en temps histoire de.

Si l’actualité fait que la cause des joueurs noirs est sous le feu des projecteurs, le racisme touche aussi d’autres communautés. Les insultes envers les gens de l’Est ou encore envers les italiens du Sud ont souvent fait la une. Et pourtant, les sanctions sont toujours peu présentes. Les instances ne font rien pour arranger les choses et les actions de lutte contre le racisme ne servent à rien. Le sujet va faire débat quelques jours et puis plus rien jusqu’au prochain incident, et ainsi de suite. Pendant trois ans, les supporters de Cagliari ont fait parler d’eux pour des cris de singes et pourtant, rien n’a changé, la connerie des supporters perdure. Si les instances du football italien s’intéressaient à la question du racisme, les matchs seraient au minimum arrêtés et les conséquences seraient beaucoup plus colossales. Chaque équipe serait pénalisée au niveau comptable et se verrait retirer des points. Malheureusement, la réalité est tout autre.

Si l’Italie a fait les unes ces derniers jours, la France a montré qu’elle était tout aussi larguée sur la question du racisme. On passera sous silence le peu de couverture médiatique après les incidents à Dijon lors des réceptions d’Amiens et Nice. Par ailleurs, la phrase de Pierre Menes concernant le boycottage de son fils en catégorie de jeunes sous prétexte qu’il était le seul blanc au milieu des noirs de région parisienne laisse perplexe. A écouter notre Pierrot national, la vie footballistique du fils Menes ressemble à celle de Giudetti au Kenya, la savane et le racisme anti-blanc en supplément. Dans un élan de folie, le chroniqueur phare de Canal plus pensait balancer un unpopular opinion de qualité. Selon le théorème de Pierre Menes, chacun des joueurs noirs formés en région parisienne aurait un problème avec les blancs. Comment expliquer alors à nos enfants que les très noirs Jeremy Menez, Sebastien Corchia et Benjamin Lecomte aient fait leurs classes en Ile de France avant de rejoindre des centres de formation? Les exemples pour prouver que la réflexion de Pierre Menes est fausse sont nombreux mais le problème est ailleurs… Est-ce une réflexion banalisée dans ce milieu? Ou juste une exception sortie de son contexte? Finalement, même les hautes sphères qui auraient dû être les derniers garants de la lutte contre le racisme ne font plus rien pour régler le problème.

Stand Up Speak Up

Le football a une place très prépondérante dans la société. Souvent moqué dans le passé, il est maintenant l’un des grands vecteurs d’intégration sociale.  Le football ressemble de plus en plus à un miroir de la société, avec ses qualités mais surtout ses défauts. Bien qu’il fédère énormément, les problématiques dans la société se retrouvent aussi dans le football. L’Italie encore une fois en est le parfait exemple. S’il y a bien endroit en Europe où le football a un rôle clé dans la société, c’est là-bas. Les politiques parlent football avant de régler la cause des migrants, Matteo Salvini est plus préoccupé par les compositions de Gattuso et Giampaolo que par les 31,4% de jeunes italiens âgés de 25 ans au chômage.

Or quand on demande aux Italiens pourquoi il y a de plus en plus de chômage chez les jeunes, ils expliquent que c’est la faute des étrangers. En Série A, les grandes instances expliquent que les clubs italiens privilégient les étrangers aux italiens. Une réflexion qui existe depuis un moment et qui perdure sans qu’elle ne choque qui que ce soit, à tel point que cela touche même la sélection nationale.

La Squadra Azzura est aussi face à problème qui perdure depuis quelques années. La question des Oriundi. Que ce soit les Argentins, Brésiliens ou bien Africains, les Italiens n’arrivent pas à se situer sur ce cas. Si la situation de Mauro Camoranesi n’a jamais intrigué, celle des Brésiliens ayant choisi l’Italie et le cas Balotelli continuent à faire parler. Une partie des supporters aimeraient voir une sélection à majorité blanche. Lorsque Balotelli a envoyé l’Italie en finale de l’Euro en 2012, certains auraient préféré voir Di Natale ou Borini dans le rôle de l’héros national.

« Les gens (Italiens) n’acceptent pas la diversité et pour eux, l’Italien est blanc. Ces sont les premiers à être partis s’installer ailleurs et ils n’ont jamais été traité comme ça ». 

Bien que né de parents africains, Balotelli est l’un des premiers joueurs noirs à avoir joué pour l’Italie. Alors que d’autres choisissent la Squadra juste pour l’aspect sportif, lui voulait représenter le pays à qui il doit tout. Lucide sur la réflexion générale concernant les étrangers en Italie, l’attaquant de Brescia met en lumière une problématique qui existe depuis trop longtemps. Lorsque Fabio Liverani a joué pour la Lazio et la Nazionale, un malaise permanent était présent. le joueur d’origine somalienne a fini par être accepté, mais son cas a créé la discorde au début de son idylle romaine bien qu’il soit né en Italie, ait du sang italien et porte un patronyme italien. La couleur de peau est considérée comme un obstacle.

Résumer le racisme à un manque d’éducation serait trop simpliste. Le problème vient du fait que le racisme et le fascisme se sont banalisés. Que ce soit en Italie, en France, en Allemagne, en Serbie ou en Russie, tous ces pays de football ont vu des actes de racisme se multiplier sur les dernières années. Quand ce ne sont pas les tribunes qui expriment des opinions racistes à coup de croix gammées ou des saluts nazis, ce sont les dirigeants qui déballent leurs pensées tendancieuses comme ça a pu être le cas avec Clemmens Tonnis, le président de Schalke 04. Le racisme se désinhibe année après année et les actions de lutte se font rares. Le cas de Romelu Lukaku a juste rouvert la question du racisme dans le football mais elle sera très rapidement refermée jusqu’au prochain cas. Rien ne laisse présager un quelconque changement. Mais l’espoir fait vivre et qui sait, la sortie très médiatique de Lilian Thuram va peut-être mettre le doigt sur ces problèmes qui gangrènent le football et la société depuis bien trop longtemps.

LaPresse / Icon Sport

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« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois.»