Cette saison, sur les feuilles de matches du Vitória Guimarães, le nom de Florent Hanin ne bouge pas. Le Français formé au Havre est un titulaire indiscutable au poste de latéral gauche. Une stabilité au Portugal après un parcours hors des sentiers battus. Aujourd’hui, plus question de voyages ni d’exil. Le gaucher nous raconte ses deux saisons réussies dans un contexte chaotique à Belenenses, et déclare sa flamme au Vitoria Guimarães et ses supporters. Entretien.
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Ultimo Diez – Nous sommes en 2016, tu as 26 ans et tu décides de retourner au Portugal en rejoignant Belenenses.
Florent Hanin – Quand j’étais à Saint-Gall en Suisse (janvier-août 2016), j’ai joué tous les matches. Mais le coach allemand et la mentalité ne m’ont pas plu. Là, je parle de football car pour moi, la qualité de vie en Suisse, c’est la meilleure qui existe. Bref, j’ai demandé à partir et j’avais deux possibilités : aller au Lech Poznan (Pologne) qui jouait les premières places, la qualif’ en Ligue des champions, un stade magnifique, un très bon salaire… ou retourner au Portugal, à Belenenses. Et ma femme est portugaise. Pour la première fois, je n’ai pas choisi l’argent et ça a marché (rires). Je parlais la langue, je voulais retourner auprès de la famille de ma femme, je commençais à fonder ma famille et je connaissais le championnat portugais.
C’est un club historique au Portugal, l’un des 5 seuls vainqueurs du championnat. Est-ce que tu as senti une atmosphère, une fierté particulière des supporters ?
Ils sont fiers d’avoir été champions du Portugal. Mais quand je suis arrivé, il y avait un conflit entre club et fans, ça n’avait ni queue ni tête… Deux présidents : un pour le football, un pour le reste. Les supporters étaient divisés, donc tu ne sentais pas une grande passion pour l’équipe. Le président du club n’arrêtait pas de monter les supporters contre nous… Même à la maison, on jouait à l’extérieur. Il y avait toujours des supporters qui nous appuyaient, mais la plupart suivaient l’autre président. Mais sur le terrain, j’ai fait deux très belles années.
« Ma femme est de Guimarães. Je voulais jouer dans son club parce que c’est une socio »
Est-ce que ce contexte a influencé ton choix de quitter ce club ? (Son départ à l’été 2018 intervient alors que Belenenses est divisé en deux. D’un côté l’équipe professionnelle, propriété de la SAD détenue en majorité par Codecity, et de l’autre le club, géré par les socios. La SAD reste en Liga NOS mais Belenenses conserve nom, maillot et stade du club et est rétrogradé en 6e division)
Oui et non. Oui, car je sentais que le club n’allait pas réussir à évoluer à cause de ce conflit. Quand je suis parti, ils ont été obligés de jouer au stade national parce que le stade (de Belenenses) appartenait au club. Deuxième raison : le Vitória, c’est l’un des meilleurs clubs au Portugal. En plus, ma femme était d’ici. Après tant d’années passées loin de ma famille, je lui devais ça. Je me suis toujours dit que je voulais jouer dans son club parce que c’est une socio. Elle est du club, toute sa famille est du club. Ils sont tous supporters et ils sont socios.
Tu n’as pas toujours été titulaire lors de te première année (2018-19) mais cette saison, tu es le joueur le plus utilisé du Vitória.
Tout dépend du coach. L’année dernière il (Luís Castro, ndlr) avait déjà entraîné l’autre arrière gauche (Rafa Soares, ndlr). Il lui faisait confiance. Quand j’ai commencé à jouer, je me suis blessé pendant un mois et demi. Donc l’autre a repris sa place et l’équipe a eu des résultats. C’était compliqué. Mais cette année, un nouveau coach (Ivo Vieira, ndlr) est arrivé. Il m’a donné ma chance et je lui ai donné raison. Je n’ai pas eu de blessure. Je touche du bois parce que l’année dernière, je me suis fait les deux chevilles. J’aurais peut-être dû toucher du bois avant. (sourire)
Tu as notamment joué la phase de groupes de Ligue Europa…
Très bon souvenir ! Contre de très gros clubs. Enfin, très bon souvenir… Le premier match (vs Standard de Liège, 2-0), j’ai marqué contre mon camp, mais c’était aussi la première fois que j’étais capitaine de l’équipe. C’était un objectif pour moi. Ça aurait pu être mieux, mais on va retenir le bon. Aller à l’Emirates (vs Arsenal, 1-1), c’est pas n’importe quoi. Et gagner 3-2 à Francfort… On était déjà éliminés, mais on s’en foutait.
Ce qu’on voulait, c’était montrer qu’on avait le niveau. Si tu regardes bien, à la fin de chaque match, on avait toujours de bonnes critiques, même si on perdait. Que ce soit Arsenal, le Standard, Francfort ou les derniers du championnat, on joue toujours pour avoir la possession du ballon. On a fait jeu égal avec tout le monde alors qu’on manquait d’expérience. On aurait peut-être dû être plus équilibrés pour se qualifier. Mais je pense qu’on a montré que le Vitória était une très bonne équipe pour l’Europe.
Il y a quelques francophones dans le vestiaire de ton équipe. Existe-t-il une sorte de « french connection » entre vous ?
On a un groupe où tout le monde s’entend très bien. Après, les Français qui viennent d’arriver cette année, ils parlent plus entre eux. Moi, j’essaye de faire le lien entre tout le monde. Je leur ai dit : « Si vous avez besoin de quelque chose, vous me dites. Parce que premièrement je parle la langue, et deuxièmement vous êtes dans ma ville. » Aux entraînements, quand le coach a besoin d’expliquer tactiquement les choses, je leur explique. Il n’y a pas de french connection, mais s’il y a besoin de s’entraider, on est là.
« Le foot, c’est un sport collectif, mais c’est surtout un sport pour les supporters »
Comment as-tu vécu la période d’arrêt liée au Covid-19 ?
Quand tu es 5e du championnat et que tu luttes pour un objectif, ce n’est pas super de t’arrêter. Mais le plus important, c’est la santé, pas le foot. Je pense que ça a été une très bonne décision qui aurait pu être prise avant. Ici, ça a quand même été très bien géré. C’était très difficile de rester à la maison, mais j’ai aussi pu passer plus de temps avec mes deux enfants. C’est à la fin que tu commences à saturer. Tu penses que t’as de l’énergie, mais les enfants en ont dix fois plus que toi !
Comment juges-tu ce retour à la compétition du Vitória ? (2 victoires, 3 nuls, 1 défaite)
Le retour à la compétition a été très bien pensé. Le club et la DGS (Direction Général de la Santé, ndlr) se sont mis en relation pour qu’on se sente en sécurité. Chez les joueurs, on n’a pas dû avoir beaucoup de cas au Portugal. En ça, on peut les remercier. S’ils n’avaient pas été là, on n’aurait pas repris.
Après, sur le terrain… Les premiers matches ressemblaient à des matches amicaux. Surtout ici à Guimarães, où tu as vraiment un public énorme. Il te transcende. Son absence nous a grandement pénalisés lors des premiers matches. Avec nos supporters, les adversaires ne jouent pas libérés. Et comme ils n’ont pas cette pression-là, c’est plus facile de venir jouer ici. J’espère vraiment que le gouvernement, la Ligue et les clubs vont réussir à trouver un compromis pour les laisser revenir. Je pense que le foot, c’est un sport collectif, mais c’est surtout un sport pour les supporters.
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Malgré l’absence des supporters, l’objectif reste d’accrocher la Ligue Europa en fin de saison ?
Supporters ou pas, l’objectif reste le même qu’en début de saison : la 4e ou 5e place qui nous donnent accès à la Ligue Europa. On est dans les temps. On a eu du mal au départ. Là on est lancés et on y va tout droit. (Vitória est à 2 points du 5e, Famalicão, ndlr)
« Si t’es à Guimarães et que tu n’as pas envie de sortir de la ville en slip, ne mets pas un maillot de Porto, du Benfica ou du Sporting… et encore moins de Braga ! »
Que penses-tu du foot portugais en général ? Le niveau, les supporters…
Tu as un fossé entre les 6-7 premières équipes et le reste. Malheureusement, je pense que le football portugais gagnerait à avoir un championnat plus équilibré, mais ce n’est pas à moi de le commenter. Le problème ici, c’est que beaucoup de gens supportent un club qu’ils ne voient qu’à la télé. Pour moi, ça n’a pas de sens. Je pense que tu devrais supporter le club de ta ville. Mais c’est comme ça ici. Beaucoup de supporters pour les grands et quasiment aucun pour les petits. Je pense que ça fait mal aux petits, ils méritent de la reconnaissance.
Même à Guimarães, tu vois beaucoup de supporters de Porto ou de Benfica dans la ville ?
Si t’es à Guimarães et que tu n’as pas envie de sortir de la ville en slip, ne mets pas un maillot de Porto, du Benfica ou du Sporting… et encore moins de Braga. Ici, je te fais la traduction : « Il faut que tu supportes le club de ta terre.» Les gens de Guimarães, ils sont Vitória et si tu ne l’es pas, tu te tais et tu ne fais pas de bruit. C’est pour ça que les grands n’aiment pas venir ici. Normalement, ils jouent toujours avec 5.000 6.000 supporters à eux. Mais quand ils viennent ici, ils jouent contre 20.000 supporters.
Dans les écoles, le premier truc qu’apprennent les petits, c’est l’hymne du Vitória. Ce ne sont pas les comptines ! Quand on va dans les écoles les voir, la première chose qu’ils font, c’est chanter l’hymne du Vitória. C’est là que tu vois que tout le monde peut supporter le club de sa ville, sauf qu’il faut l’enseigner directement aux petits.
En 2015, tu révélais à So Foot que ton objectif était de découvrir l’un des cinq grands championnats européens. Le Florent Hanin de 2020 a-t-il toujours les mêmes ambitions ?
Bien sûr. En 2015, je pense que j’avais dit vouloir jouer l’Europe : je l’ai jouée. Ce n’est pas parce que j’ai 30 ans que je vais changer d’objectif – parce que j’ai 30 ans mais j’en fais 25 (sourire). Jusqu’à ma dernière année chez les pros, j’aurai toujours l’objectif de jouer dans un grand championnat. Mais j’ai aussi comme objectif de finir ma carrière ici. Cet objectif-là, si je ne l’accomplis pas, ce n’est pas un problème, car j’en aurai accompli d’autres. Donc si ce n’est pas jouer dans un des cinq grands championnats, l’objectif est de finir ma carrière ici, à Guimarães. Et ça serait avec grand plaisir.
Un grand merci à Florent Hanin pour le temps accordé à Ultimo Diez.
Crédit photo : Global Imagens / Icon Sport