Comme tous ses compatriotes, le Séville FC aura aussi flanché en Ligue des champions. Mais moins que d’autres puisque le score (2-3) face à Dortmund reste rattrapable. L’équipe de Lopetegui, qui est sans conteste l’une des meilleures équipes de Liga actuellement, est prête à relever le challenge et ils pourront compter sur un système presque parfait.
L’équipe de Julen Lopetegui s’était déjà affichée comme l’une des plus belles équipes d’Europe lors de la reprise des championnats post-Covid fin de saison 2019-20. Ils ont également remporté la Ligue Europa une nouvelle fois, mais en version Final 8 contre le Milan AC. Une fin de saison tonitruante pour les Blanquirrojos, qui vient forcément impacter le début de cette saison, où les joueurs ont eu du mal physiquement. Pour autant, depuis début janvier, l’équipe sévillista est impressionnante en Liga et semble avoir enfin (re)trouvé l’équilibre si cher à Lopetegui.
L’équilibre comme règle d’or
Lopetegui n’est pas un entraîneur qui cherche le déséquilibre pour se frotter à l’adversaire. Il faut dire aussi que l’actuel niveau du championnat espagnol ne le force pas à prendre trop de risques. Plutôt conservateur, l’ancien du Real Madrid a su trouver un système pérenne, dans un 4-3-3 où le XI semble quasiment intouchable. Julen a trouvé le système qui gagne. Il a des garanties sur chaque ligne et rien ne pourrait contredire son système, étant l’un des seuls à être si impeccable en Liga. À l’exception peut-être de celui de l’Atlético.
L’un des points pour conserver cet équilibre est la charnière centrale. Diego Carlos est le stoppeur en chef et ne reste jamais très loin de son gardien. Son envergure est décisive dans les duels, mais également sur coups de pieds arrêtés, défensifs ou offensifs. À ses côtés le jeune Jules Koundé a beaucoup plus de mal à rester uniquement à son poste. Il est lui la caution relance de la charnière avec une lecture du jeu digne d’un milieu de terrain. En développant leurs automatismes, les deux défenseurs se complètent désormais parfaitement, et permettent à Lopetegui d’assoir son système. Et ce dès la première relance.
Son équilibre tient aussi dans son trident du milieu. Fernando, Joan Jordan et Rakitic sont les hommes du XI titulaire de Lopetegui. Et à voir les performances des deux premiers, on comprend assez vite pourquoi. Fernando en pointe basse sait parfaitement alterner entre séquences de relance et séquences offensives. Où il n’hésite pas à remonter balle au pied pour libérer des espaces et servir ses partenaires devant. Le poste de numéro 8 est (bien) occupé par Joan Jordan qui est sans doute l’un des meilleurs milieux de cette Liga. Jouant toujours face au jeu et en levant la tête il est à l’origine de presque chaque action offensive de son équipe.
Le seul point noir de ce milieu reste Rakitic, qui n’arrive pas à trouver son rôle en tant que relayeur et n’amène rien à la créativité du milieu. Et c’est pour ce 3e spot que Lopetegui tâtonne encore. La neutralité du Croate lui amène ce fameux équilibre, mais il coûte parfois très cher à l’équipe en perdant des ballons importants. Et sur certains matchs, il n’est pas suffisamment au niveau pour avoir un quelconque impact. Gudelj le remplace souvent en cours de jeu pour renforcer l’impact physique du milieu, même si la créativité du Serbe n’est pas non plus gage de qualité.
Un déséquilibre parfois nécessaire
Et c’est là que Lopetegui est contraint de basculer du côté obscur de la force pour laisser place à un déséquilibre temporaire, mais souvent nécessaire pour remporter un match. Loin d’être dogmatique, l’ancien sélectionneur de la Roja a certes, un plan de jeu rigoureux. Avec un jeu toujours tourné vers l’avant, qui va vite d’un but à l’autre, des passes en une touche de balle. Mais quand les joueurs qui forment son XI ne sont pas capables de se défaire du pressing adverse (comme contre Dortmund en Ligue des champions), il sait aussi faire des changements. Parfois un peu tard, mais il connaît les qualités de chacun de ses joueurs et sait comment rectifier le tir. Lorsque son jeu est trop terne, il fait rentrer du sang neuf pour amener le déséquilibre tout en respectant le plan de jeu mais en ayant plus de libertés.
En défense, c’est souvent Jules Koundé qui crée ce déséquilibre. Très à l’aise avec le ballon, on l’a pu voir dernièrement remonter tout le terrain balle au pied jusqu’à venir marquer comme s’il portait le numéro 10. Il joue aussi souvent comme défenseur droit voir latéral, permettant à Jesus Navas de s’employer davantage en attaque. L’ancien défenseur des Girondins, malgré les sueurs froides qu’il doit parfois donner à son coach, a toute la confiance de celui-ci et est en train de réinventer le poste de défenseur central. En revanche on l’a aussi vu plus en difficulté contre Dortmund, lorsqu’il était constamment pressé.
C’est au milieu que la question de déséquilibre se pose le plus et savoir qui pourrait prendre la place de Rakitic. Même si en Liga l’ancien du Barça semble indéboulonnable, Lopetegui n’exclue sans doute pas de le remplacer, notamment en Ligue des champions. Le pressing de Dortmund au match aller avait mis le milieu sévillan au plus mal, incapable de distiller ses habituelles passes qui cassent les lignes pour créer du danger. L’entraîneur andalou avait donc fait rentrer Oliver Torres et Oscar Rodriguez à la 70e, deux jeunes milieux qui ont apporté l’impact dont avait besoin l’entrejeu.
En très peu de temps Oliver Torres avait déjà plus apporté que Rakitic, en se permettant notamment de se projeter davantage vers l’avant ou en mordant la ligne balle au pied. Oscar Rodriguez s’est lui révélé utile pour percer le pressing allemand, en jouant encore plus haut et dans les espaces laissés par Dortmund. En fin de match alors que Dortmund menait 3-1, il permet à son équipe de revenir au score et presque d’égaliser. Sur coup-franc il trouve une première fois les montants, l’effet d’optique nous faisant même croire qu’elle était rentrée. La seconde est la bonne : à 30 mètres du but allemand, il distille un super coup-franc que Luuk de Jong reprendra plat du pied au second poteau. Les Sévillans ont perdu, mais Oscar Rodriguez a bien failli leur permettre de prendre un point.
Le déséquilibre peut donc être le bienvenu, même pour Lopetegui. Dans ces situations, ils offrent des possibilités bien différentes, que le championnat espagnol n’impose pas forcément. Puisqu’aucune équipe ne tient un pressing durant 90 minutes, comme a pu le faire Dortmund.
Au match suivant contre Osasuna, Oliver Torres a pris la place de Rakitic dans le XI. Oscar Rodriguez, lui, devra encore patienter. Mais il pourrait se faire une place pour ses coups de pied arrêtés parfaitement maîtrisés, l’effectif sévillan n’ayant pas de référence à ce rôle…
Des offensifs au jeu rodé
La puissance du schéma imposé par Lopetegui prend tout son sens dans l’attaque. Avec un plan de jeu strict, les 3 offensifs savent quel est leur rôle et sont facilement interchangeables. Ayant débuté la saison avec Ocampos et Luuk de Jong titulaires indiscutables, les deux n’ont aujourd’hui plus leur place dans le XI : l’Argentin est blessé et le Néerlandais benché. Selon les matchs, et contraint par la blessure de Suso, Lopetegui tentait différentes options. Depuis, il a trouvé la clé et peut compter sur 6 attaquants polyvalents, qui lui garantissent une attaque constamment efficace.
Le trident est aujourd’hui composé de Papu Gomez, récemment arrivé de l’Atalanta et qui avait marqué une bombazo dès son premier match. L’Argentin commence à se faire au rôle d’ailier gauche qui lui est réservé en l’absence d’Ocampos. Même s’il doit être plus exigeant sur les replis défensifs pour pleinement satisfaire son entraîneur. Le numéro 9 est l’intarissable En-Nesyri qui marche sur l’eau depuis fin 2020, comme son ailier droit Suso. Mais le plus impressionnant dans cette attaque, reste la facilité à être remplacée.
Face à Osasuna lundi dernier, Lopetegui repose Papu et En-Nesyri après le match contre Dortmund. Munir el-Haddadi et Luuk de Jong démarrent comme titulaires, sans ne rien changer au perpétuel équilibre. Les deux se trouveront d’ailleurs mutuellement pour inscrire le but du 2-0. Le Séville FC (4e) semble bien parti pour se faire une place sur le podium, alors qu’ils ne sont qu’à 4 points du Real Madrid (2e) avec un match en moins. Les Andalous disposent d’un effectif au complet, d’un plan de jeu parfaitement compris par les joueurs et d’attaquants en pleine forme. Beaucoup d’éléments qui manquent dans les équipes pour l’instant sur le podium de Liga…
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