Alors que le PSG s’apprête à célébrer cet été ses 10 ans sous pavillon qatari, l’ancien titi, Tripy Makonda, revient sur la dernière saison d’une autre ère. 2010-2011, l’arrière gauche se remémore les épopées nationales et européennes. Immersion dans un Paris Saint-Germain désormais old school.
Ultimo Diez – Avant toute chose, qu’est-ce que tu deviens ?
Tripy Makonda – Tout va bien pour moi, je joue au Luxembourg en première division (NDLR : FC RM Hamm Benfica). Je vais terminer ma deuxième année de contrat. En parallèle, je suis consultant Ligue des champions pour France Bleu Paris. J’interviens également sur différents formats pour la branche média du PSG.
Il y a dix ans, tu finissais ton aventure au Paris-Saint Germain avec le dernier PSG version Colony Capital. Dix ans déjà… qu’est-ce que t’évoques cette période ?
De très bons souvenirs pour la plupart. J’adorais le groupe. Il y a avait un mélange de joueurs old school, des gars qui avaient gagné la Ligue des champions ou avaient plus de 500 matches dans les jambes. Des Giuly, Makélélé ou encore Greg Coupet et Bodmer. On avait aussi quelques talents de Ligue 1 comme Nenê. Et puis une belle bande de titis parmi lesquels Sakho, Sankharé, Kebano, Bahebeck, pour ne citer qu’eux. L’effectif était bien équilibré : les anciens donnaient des conseils aux plus jeunes, et les jeunes se mettaient au diapason.
«Il y a 10 ans, c’était un titi sur dix qu’on venait observer»
Tu faisais toi-même partie de ces «titis». Selon toi, est-ce que ce statut si particulier au PSG a évolué ?
Il a forcément changé comme le club a changé de dimension. Même si à l’époque, il y avait une génération dorée, il ne faut pas l’oublier. Sur les générations 87 à 90, Paris a sorti Youssouf Mulumbu, Loris Arnaud, Clément Chantôme, Younousse Sankharé, Mamadou Sakho, David N’Gog… C’est une génération qui avait gagné le championnat de France U18 à l’époque. Guy Lacombe savait qu’il avait un bon réservoir et il a fait confiance à presque tous les joueurs qui ont disputé la finale.
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On était entre 8 et 10 à aller régulièrement chez les pro. On se rend pas compte, mais c’était énorme pour ce PSG-là d’intégrer autant de monde. Par rapport à cette époque, la différence principale c’est tout simplement le standing du Paris Saint-Germain. Aujourd’hui, celui sur qui on met l’étiquette de titi suscite immédiatement l’intérêt de grands clubs européens. Même à 14 ans. Nkunku, Diaby, Kouassy, Zagadou ont bénéficié de ce changement de dimension pour signer de beaux contrats. Il y a 10 ans, c’était un titi sur dix que l’on venait observer. Et puis les clubs intéressés, c’étaient Nantes, Reims et Amiens.
Est-ce qu’on doit lire entre les lignes que tu as été titi dix ans trop tôt ?
(Il rit) Sincèrement, je n’ai jamais vu les choses comme ça. Et puis à l’époque le Benfica était quand même chaud sur moi. Je suis content que les titis aient cette reconnaissance aujourd’hui. Il y a une certaine logique.
Entrons dans le vif du sujet et cette saison 2010-11. D’un point de vue personnel, tu prends part à 19 matches presque à chaque fois comme remplaçant. Quel est ton bilan de cette saison que vous terminez à la 4e place de L1 ?
On va dire que j’aspirais à plus de temps de jeu, c’est-à-dire à être davantage considéré dans la rotation. J’aurais aimé qu’on m’investisse davantage dans le projet. J’ai aussi ma part de responsabilité : certaines fois je n’ai pas répondu présent, d’autres fois, je méritais ma place et on ne me faisait pas confiance. Avec Kombouaré, on avait une relation «je t’aime, moi non plus» qui était compliquée à vivre. J’estimais pouvoir jouer.
«On se mettait à 10 dans une chambre et on faisait des scénarios»
On était loin des prétentions actuelles en matière de Coupe d’Europe, pourtant cette année-là le PSG fait plus que se défendre en C3. Vous sortez premiers d’une poule avec Séville et Dortmund. Quelle est ta lecture de ce parcours de C3 ?
On fait un super parcours cette saison-là, et pour moi c’était particulier parce que je jouais plus souvent en C3. À 19 ans, ça fait quelque chose de pouvoir représenter sa ville à Dortmund, à Séville et à Lisbonne : des villes mythiques quand on parle de foot. Et puis en huitièmes, je suis titulaire contre Benfica (NDLR : élimination du PSG, 2-1, 1-1). Je suis parti en mode : «Ok, je suis dans le groupe pour faire le nombre. C’est une belle récompense.» Arrivé sur place, surprise… je suis aligné et je joue dans l’une des plus grosses ambiances d’Europe. Juste inoubliable.
À propos de l’arrivée des propriétaires qataris, la rumeur a été rendue officielle à l’été 2011. Il y a donc presque 10 ans jour pour jour. Comment la nouvelle a été communiquée aux joueurs ?
Ça a été une sacrée surprise. Je m’en rappelle très bien. On était en stage au Portugal à Albufeira. L’ambiance était sympa, il faisait beau. On s’entraînait bien. Un stage classique quoi. Et puis un jour, à l’improviste, on nous donne un rendez-vous dans la salle de réunion de l’hôtel. Tout le monde était intrigué. Ça faisait des hypothèses à droite à gauche. Et puis on voit débarquer Leonardo en costard cravate. Personne comprenait. En deux trois minutes, il nous a annoncé le projet, le changement de propriétaire et puis il a disparu.
Qu’est-ce que le groupe a pensé à ce moment-là ?
C’était la surprise. Même si je pense que certains le savaient déjà avant l’annonce. Ça été plus dur à appréhender pour les jeunes parce qu’on ne savait pas vraiment à quoi s’attendre. «Est-ce qu’on était vraiment menacé ou est-ce que c’était juste un petit changement à la tête du club ?», on s’est tous posé des questions. Je me rappelle de discussions où on se mettait à 10 dans une chambre et on faisait des scénarios.
Vu ta saison 2010-11 contrastée, tu avais malgré tout espoir de rester au club ?
À ce moment-là, honnêtement, j’avais déjà en tête de partir parce que je savais que Kombouaré ne comptait pas sur moi. J’ai discuté avec Leonardo qui a été très clair, et puis mon départ à Brest s’est concrétisé.
En tant que joueur, ça doit être particulier d’avoir assisté à cette première réunion puis de voir 10 ans plus tard ce qu’est devenu le Paris Saint-Germain de Neymar et Mbappé…
C’est clair. C’est assez fou de pouvoir connecter ces deux réalités. Mais quand on y pense, le projet QSI a toujours été très cohérent. Que ce soit les débuts avec les signatures de grosses pointures comme Thiago Silva, Ibra et Beckham. Puis, le gros coup marketing Neymar quelques saisons plus tard. Il y a eu beaucoup d’argent investi mais aujourd’hui, Paris Saint-Germain, ce n’est plus seulement du foot, c’est une marque qui a une sacrée cote. Regardez l’opération avec Jordan ! On peut ne pas approuver dans le fond ce changement de propriété, mais si on fait le bilan des investissements sur et en dehors des terrains, le boulot de QSI a été d’une qualité remarquable.
«Les noms ne font pas seulement la passion»
Aujourd’hui la communication du club fait régulièrement appel à toi. D’une manière générale, le club semble faire beaucoup plus attention à valoriser son passé. Qu’en penses-tu ?
C’est un constat très juste. Je pense que dans un premier temps la direction voulait frapper fort et donner de la légitimité au projet en cours. Il fallait que ce soit le présent qui fasse briller le club, c’est-à-dire des résultats rapides et des transferts prestigieux. Désormais, c’est acquis que le Paris Saint-Germain est un cador européen. En revanche, la légitimité de l’institution passe aussi par son histoire européenne. Certes les dynamiques des époques précédentes étaient différentes. Là où aujourd’hui tu as 5 ou 6 stars mondiales, tu avais un Weah, un Rai ou un Ronaldinho. Les nouveaux propriétaires ont compris que ces noms apportent eux aussi de la légitimité à une histoire qui a commencé avant leur arrivée.
https://twitter.com/PSG_inside/status/1368967749137932289
Et vis-à-vis des supporters ?
QSI a compris que l’histoire du PSG s’est aussi écrite avec les supporters historiques. Et les supporters ne s’enflamment pas qu’avec Neymar, Mbappé et les autres. Les noms ne font pas seulement la passion.
Parisien pur jus, supporter devant l’éternel, ancien joueur pro… en fait, tu es le titi idéal, non ?
Non, enfin… peut-être (il hésite). C’est vrai que j’ai un parcours qui ressemble à la belle histoire qu’on voit dans les journaux. J’ai grandi à quelques mètres du Parc. Je suis entré au club à 12 ans et j’en suis ressorti professionnel. Aujourd’hui, je suis supporter et je ne m’en cache absolument pas sur les réseaux sociaux. J’ai une histoire avec le Paris Saint-Germain.
Pour conclure, si on devait faire un pont entre ton PSG et celui d’aujourd’hui. Quels sont les éléments qui sont restés d’une époque à l’autre ?
Les tontons (il éclate de rire). «Didine» (NDLR : l’intendant du club), je le vois encore parfois quand je regarde les matches. Plus sérieusement, je pense que Paris a toujours réussi à créer le sentiment d’appartenance. Sur les deux générations, il y a eu des joueurs qui ont fait de Paris une histoire pour la vie, à tel point que certains étrangers peuvent presque avoir le statut de titi. Quand tu vois des Marquinhos, des Verratti qui ont presque tout connu depuis l’arrivée des Qataris. Ce sont de très belles histoires.
Crédit photo : Iconsport
Merci à Tripy Makonda pour sa disponibilité.
🎙 Propos recueillis par Colomban Jaosidy