Depuis quelques années, nous vivons un phénomène difficilement explicable : les pénaltys sont de plus en plus loupés. Lors des huitièmes de finale de Ligue des Champions, cinq tirs de réparation ont été sifflés et quatre ont été ratés. Joaquin Correa, Pierre-Eymerick Aubameyang, Radamel Falcao et Alexis Sanchez ont eu le malheur de buter sur des gardiens de plus en plus experts en la matière. Alors, comment réussir son pénalty ?
Tirer un pénalty devient une torture lorsque l’enjeu est important. Le football évolue année après année ; les nouvelles technologies et les analyses poussées ont contribué à cette avancée. De nos jours, les staffs regardent tout, jusqu’à la manière dont saute le mur adversaire sur les coups francs dangereux. Les pénaltys sont analysés par les entraîneurs pour faciliter la tâche autant des tireurs attitrés que des gardiens de but. On ne veut rien laisser au hasard, on recherche la réussite maximale… Il existe plusieurs raisons à l’évolution du coup de pied de réparation, en particulier dans l’approche des gardiens de but.
– Le rôle de l’entraîneur des gardiens :
Quand on pense au rôle de l’entraîneur des gardiens, on repense au travail de Christophe Lollichon sur Petr Cech en 2012 lors de la victoire en Ligue des Champions. Pour rappel, Chelsea affronte le FC Barcelone en demi-finale. Après un pénalty concédé par les Blues, Léo Messi se retrouve face au gardien tchèque. Ca peut paraître surprenant mais la confiance est plutôt du côté de l’ancien portier du Stade Rennais malgré le résultat et le contexte du match. En effet, l’Argentin a marqué 0 buts face à Chelsea en 8 matchs (dont 6 avec Cech titulaire) et la pression est sur le numéro 10. Dans les matchs à enjeu, les droitiers ont tendance à choisir le coté droit du gardien et le gauche pour les gaucher. C’est une manière pour eux de tirer fort et hors de portée du gardien, là où un plat du pied permettrait plus facilement au gardien de le sortir. Face à la montagne Petr Cech, Messi décide de croiser comme la plupart des gauchers le font lors des matchs couperet, mais l’Argentin n’est pas sûr de lui. Face à l’envergure du gardien, il cherche à tout prix à la mettre hors de portée et vise la lucarne. Il trouve finalement la barre.
Bis repetita en finale face au Bayern. Robben cherche à la mettre à la droite de Cech : arrêt du portier. Durant la séance de pénaltys, Ivica Olic va faire la même erreur que son coéquipier néerlandais en cherchant à croiser fort à ras de terre. Durant ce match, sur quatre tireurs gauchers, trois ont échoué dans cette exercice. Ce n’est pas pour dire que les gauchers sont de mauvais tireurs, mais il est plus facile à lire la façon dont va tirer un gaucher pour un gardien. Le bodylanguage est souvent le révélateur.
Au delà de cette histoire de langage corporel, le travail de Christophe Lollichon a permis à Cech d’être prêt. Son travail en amont a aidé son poulain à être intraitable sur les pénaltys. Un long chemin durant lequel il a fait participer Hilario et Russ Turnbull, deuxième et troisième gardiens du club. Le fait d’avoir concerné tout les gardiens a permis d’avoir un échange constructif basé sur tout les pénaltys tirés depuis 2007 par le Bayern.
Le but est d’être le moins surpris possible durant l’exercice. Ce travail en sous-marin a permis aussi aux joueurs d’appréhender la séance avec une confiance au top en voyant leur gardien plus qu’au point. Il est indispensable pour un entraîneur de gardien de visualiser tout les pénaltys tirés par l’équipe que l’on va affronter. Ces petits détails permettent de savoir que les tireurs ont souvent tendance à se crisper lorsqu’ils affrontent un gardien qui marche sur l’eau. Dans ce genre de situation, c’est le facteur psychologique qui prend le dessus, et là c’est le drame.
-Le facteur psychologique
Parler de drame pour un pénalty raté peut être considéré comme disproportionné mais quand on voit à quel point les matchs se jouent sur des détails de nos jours, ça peut se comprendre. Un joueur reflète bien l’importance de la psychologie dans les pénaltys, c’est Antoine Griezmann. Le Français est considéré comme le meilleur joueur de l’Atletico Madrid depuis un bon moment. Il est logiquement le tireur attitré de cette équipe. Même si le capitaine Gabi est un très bon tireur, Grizzy en tant que buteur se doit de prendre cette responsabilité. Si les joueurs avec le brassard possèdent un taux de conversion de 80.5% en général et ont un avantage psychologique sur les gardiens, c’est un peu plus compliqué pour les « franchise-player ». Le numéro 7 de l’Atlético possède quelques casseroles à son actif avec un taux de conversation misérable de 33.3%
Malgré des pénaltys transformés face au FC Barcelone en quarts de finale de Ligue des Champions et face à l’Allemagne en demi-finale de l’Euro, le natif de Mâcon semble avoir un certain blocage lorsqu’il y a une qualification ou une victoire au bout. Un raté face au Real Madrid à Vicente Calderon, puis un autre en finale contre ces mêmes Madrilènes, ont eu raison de lui. Le fan de D-Rose n’a pas le côté clutch de son joueur préféré. On peut rajouter un raté en demi-finale de la LdC face à Neuer puis face à Diego Alves à Mestalla à son palmarès. Alors qu’on a loué son courage pour avoir tiré le premier lors des tirs au but face au Real Madrid, les supporters Colchoneros lui ont gentiment reproché son côté trop lisse. Il y avait derrière ces ratés une vérité, une peur de l’échec et de décevoir tellement forte qu’elle submerge les joueurs. On parle du dernier derby à Vicente Calderon et d’une seconde finale de Ligue des Champions en 2 ans.
Les stars ont toujours eu rapport particulier avec les pénaltys. Beaucoup se sont écroulés lorsqu’il s’agissait de mettre les plus décisifs. Les nouvelles stars du football mondial ont besoin de pénaltys références pour se détacher de la peur de l’échec.
C’est ce qui est en train de se passer pour Neymar. L’attaquant du FCB compte déjà 9 pénaltys loupés à 25 ans et semble suivre sur le même parcours que son idole Messi qui en avait loupé 7 au même âge. Mais depuis son pénalty vainqueur lors des Jeux Olympiques 2016 à Rio, Neymar semble être libéré d’un poids considérable. Malgré un échec face à City et Willy Caballero (dont on reparlera), le Brésilien a retrouvé une confiance perdue. Changeant mille et une fois de course d’élan, il s’est enfin fixé dans ce domaine.
A partir du moment où un joueur est sûr de sa force dans l’exercice, il ne lui arrive que très peu d’échecs. L’aspect collectif est aussi important que l’aspect psychologique. La saison dernière, la MSN avait loupé 10 pénaltys à elle seule. Le tir de réparation était devenu une vraie torture pour les 3 acolytes d’attaque.
Le Stade Rennais a vécu la même chose sauf que cette mauvaise passe a touché 7 joueurs. Sur 11 pénaltys provoqués, seulement 5 ont été transformés. Losers jusqu’au bout. Pareil pour l’Atletico Madrid qui réussi l’exploit de rater un pénalty à l’aller, au retour de la demi-finale de LdC, puis en finale pour ensuite perdre aux tirs au buts en 2016 (Deux Griezmann, un Torres et Juanfran). La confiance joue un rôle majeur : si les 2-3 meilleurs joueurs loupent, le doute s’installe dans toute l’équipe. Le problème est qu’il n’existe aucun remède face au doute. Et les gardiens sont de plus en plus des spécialistes dans l’exercice, réduisant encore plus la confiance des tireurs.
– Des gardiens spécialistes :
Avant gardien spécialiste rimait rarement avec gardien fiable. Il était souvent catalogué comme n’étant pas assez sûr pour jouer au niveau au-dessus. Charles Itandje, Michael Landreau en Ligue 1, Jens Lehmann étaient parmi les rares à avoir fait carrière avec un talent certain pour les pénaltys. Aujourd’hui, nous avons des gardiens du calibre de Samir Handanovic, Diego Alves, Willy Caballero, Gigi Buffon ou Gianluigi Donnarumma qui sont des spécialistes tout en étant des valeur sûres.
Si le portier de la Juventus fait figure d’exception, n’ayant profité que tardivement de l’importance du visionnage des tireurs adverses, il arbore un très joli ratio avec 16 pénaltys sauvés pour 44 tentatives, un beau bilan quand on sait qu’il n’était pas forcément un grand spécialiste des « rigori ».
Ses collègues possèdent un ratio encore plus impressionnant. Au delà de l’aspect travail que nécessite un tel arrêt, les 4 mousquetaires ont un vrai don pour les pénaltys. Les chiffres concernant Handanovic et Diego Alves sont hallucinants. Le portier de l’Inter tourne à 38% de sauvetage avec 35 arrêts pour 92 tentatives, le Brésilien lui tourne à 48% avec un 22 arrêts sur 46 tentatives. Brutal. En plus d’avoir des chiffres excellents, les deux ont réussi à stopper des vrais spécialistes en la matière. Eto’o, Cavani, Kaka, Adrian Mutu pour le Slovène, Ronaldo (deux fois), Kanouté (deux fois), Messi, Griezmann ou Gabi pour le gardien de Valence. Rien que ça. Willy Caballero ne démérite pas avec ses 34% et son 8/23. Le gardien argentin inspire le doute chez l’attaquant comme on a pu voir le voir en Champions avec ses arrêts face à Radamel Falcao et Neymar.
Face à des gardiens de plus en plus forts et préparés à l’exercice, il n’existe que très peu de solution pour les tromper. Les temps d’arrêts en font partie et de nombreux joueurs ont réussi pendant une longue période à marquer grâce à ça. Mario Balotelli en est devenu la référence. L’international italien est un vrai spécialiste en la matière. L’attaquant du GYM tourne à 78% de conversion mais a montré des signes de faiblesse face à des gardiens qui avaient parfaitement analysé sa manière tirer. Face à Pepe Reina et Mattia Perin, statiques jusqu’au dernier moment sur leur ligne, le célèbre numéro 45 avait raté les deux premiers pénaltys de sa carrière.
Une autre solution a vu le jour, c’est celle d’attendre le déplacement du gardien en le fixant tout en ne montrant aucune indication à son vis à vis. Des petits pas, un bodylanguage qui ne laisse rien transparaître et les yeux fixés sur le gardien.
Thomas Muller en est sûrement le plus grand expert au plus haut niveau. Avec un taux s’élevant à 79%, il connaît peu d’équivalent dans le monde et sa manière atypique de tirer fait mal. Mais l’Allemand a connu un échec considérable dans sa carrière, face à l’Atletico Madrid. Avec un Jan Oblak parfaitement préparé, le numéro 25 décide de changer sa manière de tirer pour surprendre le Slovène. Grosse erreur de sa part puisqu’il va butter sur le gardien.
Dans les matchs à enjeu, cette prise d’élan est plus que risquée. Plusieurs facteurs rentrent en compte et peuvent nuire au tireur. La décision tardive pour choisir un côté à cause du poker menteur avec le gardien, et le fait tirer exclusivement avec le plat du pied rendent la frappe moins puissante. La preuve parfaite est ce penalty raté de Falcao face à Manchester City, qui a cumulé tout les maux des tireurs de penaltys modernes.
Le laps de temps entre le moment où il pose le ballon, le coup de sifflet et sa frappe est beaucoup trop long pour espérer surprendre le gardien. Durant cette attente, Caballero a le temps pour se concentrer. La course d’élan a tué la tentative de Falcao. L’ancien portier de Malaga s’attendait au temps d’arrêt et ne bouge pas. L’échec était quasi-assuré malgré le dernier coup de poker du Colombien qui a essaye de tirer à la gauche du gardien. Les limites des pénaltys « modernes » sont toutes résumées dans cet échec cuisant. Les joueurs doivent revenir à des fondamentaux pour espérer retourner la tendance durant les matchs à enjeux, ou bien être plus créatifs.
La suite bientôt !
Crédits photos : Leon Kuegeler / Anadolu Agency