Dans le football, la “transition” relève d’un fait concret qui est visuellement différent des autres phases de jeu (attaque placée, défense placée). Durant le visionnage de cette période, on remarque son efficacité et son importance par rapport à la puissance du pressing. Laissée à la libre appréciation des joueurs il y a quelques décennies, la transition est maintenant devenue un temps de combat.
Le football est coupé en deux
Le développement du pressing dans le football oblige à diviser le contenu du football en deux séquences. Comme dans la plupart des sports collectifs, on peut différencier deux phases : celle où l’équipe qui détient le ballon doit le mettre dans le but adverse en pénétrant dans la surface et celle où l’adversaire est dépossédé de l’objet et doit défendre son but. Souvent, ces deux périodes sont appelées « phase offensive » et « phase défensive » : c’est faux. Un exemple qui démontre que ces termes sont mal utilisés : lorsque l’attaquant de pointe enclenche le pressing de l’équipe, il attaque autant qu’il défend. C’est la même chose pour un joueur plus en retrait : lorsqu’un milieu récupérateur s’applique sur son placement alors que les joueurs offensifs sont en train de combiner, il défend autant qu’il attaque. De ce fait, il serait plus adéquat d’appeler ces différentes séquences : « phase sans ballon » et « phase avec ballon ».
Dans ce sport, soit on est en possession du ballon, soit on ne l’est pas. On peut définir du coup que la transition rentre en compte lorsque l’équipe se situe entre la phase de possession et la phase sans possession qui sont deux zones de confort temporelles. Du coup, en toute logique, il existe deux types de transitions. Lorsqu’une équipe perd le ballon, elle se situe en transition pour passer d’une phase de possession à une phase sans possession ; c’est donc une transition offensive-défensive. Durant cette transition pour la première équipe, l’autre équipe passe d’une phase sans possession à une phase de possession ; c’est donc une transition défensive-offensive. On peut donc se dire que le but des deux transitions est différent : pour la première équipe, on a pour but d’effectuer cette transition aussi rapidement que possible pour ne pas être dépassé en termes de temps et d’espace. Pour la seconde équipe, on essaie de chercher l’inverse.
C’est beaucoup de blablabla dans votre tête et vous êtes sûrement perdus. On va illustrer tout cela.
Durant cette séquence, on remarque que Dortmund passe d’une phase avec ballon à une phase sans ballon. Dès la perte de balle, les Borussens enclenchent automatiquement le pressing pour empêcher Schalke de se retrouver dans une situation de supériorité en termes de temps et d’espace.
Pour l’aspect « phase avec ballon », vous allez voir plus tard, l’exemple est marquant.
“La transition est lorsque l’on passe d’une période avec des éléments parfaits pour ne pas encaisser de but à une période avec des éléments parfaits pour marquer un but, et inversement.”
L’importance des transitions
Durant sa période fructueuse en trophées avec le FC Barcelone, Pep Guardiola disait que son équipe était friable lorsqu’elle n’avait plus le ballon ou lorsqu’elle se dirigeait vers cette phase. Le fait de vouloir constamment étirer les phases de possession était un moyen de limiter les phases sans la possession. Les passes dangereuses ne pouvaient être tentées (c’est toujours le cas) que lorsque que le bloc était situé près de la surface adverse et grâce à un placement haut, ce qui était une façon de repousser les transitions vers une phase sans ballon loin de sa surface. Cette idéologie d’être toujours placé haut permettait de combler les défaillances défensives du trio Piqué-Busquets-Puyol, qui risquait d’être battu en vitesse. En ce sens, le pressing ultra-rapide empêchait l’adversaire de réussir sa transition et le condamnait à balancer loin en espérant une prouesse de ses attaquants.
Guardiola est la tête d’affiche aujourd’hui d’un style philosophique de la phase avec ballon qui caractérise le football. On remarque facilement que les équipes qui se basent sur la phase de possession dans leur philosophie et leur style ont tendance à être appréciées, parce que l’idée de beau jeu résonne. Les autres sont souvent méprisées (à tort). Durant son passage au Real Madrid, Mourinho était régulièrement critiqué pour son choix de contre-attaquer le Barça malgré l’effectif à sa disposition là où on aurait pu voir une forme d’humilité et de réalisme à abandonner la possession après la manita, surtout venant d’un coach dont l’arrogance et l’ego sont souvent dénoncés.
La contre-attaque et ses aspects
Pendant que le football était vraiment basé sur les deux phases et que les entraîneurs s’appliquaient à les respecter, est arrivé Jurgen Klopp et son Borussia Dortmund, double champion d’Allemagne et vice-champion d’Europe. L’entraîneur allemand de Liverpool maintenant parie lui sur la transition vers la phase avec ballon, grâce à un pressing haut et intense (gegenpressing), pas sur la phase avec ballon elle-même. C’est durant cette transition que Dortmund arrivait à créer les différences sur ses adversaires, durant ces quelques secondes où on cherche le répit que l’Olympique de Marseille a perdu plusieurs fois lors de son déplacement au Westfalenstadion.
“Maintenant les entraîneurs aiment avoir la balle, jouer au football, faire des passes… c’est comme un orchestre. Mais le morceau est silencieux, hein ? [Il mime un joueur de violon] Moi j’aime le heavy metal.” Jurgen Klopp
La saison dernière, le club de la Ruhr était surement l’équipe la plus forte dans le domaine de la contre-attaque, grâce au comportement de ses joueurs sans ballon lors de la transition, tous engagés dans un mouvement hyper-vertical. Par son recrutement, d’ailleurs, le club continue son chemin vers un football de flèches. À la récupération du ballon, c’est une ligne horizontale de marsupiaux qui déboulent derrière Aubameyang, lancés par Weigl ou Bartra, jusqu’à ce que le gardien adverse voie sa surface plus fournie en Borussens qu’en coéquipiers, résultat d’une transition vers une phase avec ballon plus rapide que n’importe qui, et surtout plus rapide que celles vers une phase sans ballon des adversaires.
Le passage d’une zone de confort à l’autre – particulièrement du confort sans ballon au confort avec – est la spécialité de Dortmund, la spécificité sur laquelle repose son succès.
« Pas de place pour la paresse contre Dortmund lors des transitions défensives (ndlr : les transitions vers une phase sans ballon). » @counterpressing
Actuellement, le football atteint des niveaux d’exigence tactique que l’on n’avait pas vue auparavant. Des idéologies se confrontent chaque week-end et des jeunes entraîneurs arrivent à faire déjouer les plus anciens du circuit. Cette évolution se fait aujourd’hui dans le sens du spectacle et de l’esprit offensif du football alors qu’une minorité s’applique à contrecarrer ces attentes. Mais une chose est sûre, c’est que les phases de transitions relient tous les entraîneurs du monde et permettent de faire la différence entre une grande équipe gérée à la perfection et une mauvaise équipe.
Credits photo : goal.com