Entre des stades de 110 000 spectateurs bondés, Andrea Pirlo ou David Villa comme têtes d’affiche du New York City FC ou encore des partenariats avec ESPN ; la MLS (Major League Soccer) n’a cessé de grandir depuis sa création en 1993, il y a à peine plus de 20 ans. Retour sur un développement à vitesse grand V et sur l’avenir de ce championnat aujourd’hui à peine plus fort que notre douce Ligue 2 nationale.
MLS, mode d’emploi
Originellement, la première division du pays de l’oncle Sam était la North American Soccer League (NASL), qui n’a existé que de 1969 à 1984. Dans une économie sportive alors largement bâtie sur le basket, le football américain et le baseball, la NASL a fait faillite mais c’est une sorte de faillite pour la bonne cause. En effet, l’arrivée de légendes du ballon rond tels que Pelé, Eusebio, Johan Cruyff, Beckenbauer ou encore George Best sont la cause de la hausse exorbitante des droits télé. Ces arrivées n’ont évidemment pas laissé le monde du football insensible et envoie déjà un signal fort : leur capacité financière permet d’attirer des grands joueurs. En 1993, le championnat américain reprend du service et prend le nom qu’il porte aujourd’hui. Mais c’est en 1996 que le premier championnat a lieu avec vingt équipes divisées en deux conférences de dix équipes. Les Américains n’étaient initialement pas très motivés par la remise en place d’un championnat professionnel de football mais la Coupe du Monde de 1994 créé un véritable engouement autour du foot, d’où l’organisation du premier championnat deux ans plus tard.
En 2007, le championnat prend une nouvelle dimension avec une continentalisation marquée par l’arrivée du Toronto FC dans la conférence Est. Quatre ans plus tard, c’est Vancouver qui, à son tour, rejoint la MLS et la conférence Ouest. Dernier club d’Amérique du Nord a rejoindre la ligue : le Montréal Impact en 2012.
La saison prochaine, ce sont les franchises de David Beckham et Magic Johnson, respectivement Miami et le Los Angeles Football Club qui devraient intégrer le championnat américain. Les 23ème et 24ème franchises et donc une répartition de douze franchises par conférence. Il faut savoir que les différents clubs paient un droit d’accession à la ligue pour ne pas descendre en division inférieure.
Tout comme les autres sports américains, qui dit conférence, dit play-offs. Mais contrairement aux autres sports américains, les règles sont un peu plus complexes. C’est un tournoi qui débute en huitièmes de finale qui a lieu lors du premier tour, les deux premiers de chaque conférence étant automatiquement qualifiés au second tour. Les troisièmes, quatrièmes, cinquièmes et sixièmes s’affrontent lors d’un seul match par conférence (le troisième joue le sixième et le quatrième affronte le cinquième). Pendant le deuxième tour, sur le même principe, les mieux classés lors de la saison régulière affrontent les moins bien classées dans une confrontation aller-retour. Le troisième tour est une finale de conférence aller-retour pour enfin accéder à la grande finale.
Au niveau des transferts, ce sont majoritairement des grands joueurs en fin de carrière qui rejoignent les équipes de MLS même si certaines exceptions comme Giovinco ou Giovanni dos Santos viennent confirmer l’attractivité du championnat américain. Mais contrairement aux championnats européens, les contrats aux États-Unis sont très particuliers. En effet, ce ne sont pas les clubs mais la MLS qui est propriétaire des joueurs. Ainsi, elle accorde à chaque club une certaine masse salariale à redistribuer. Cela permet une régulation des salaires des joueurs entre 48 500 et 387 500$ (43 200 à 345 130€) annuels. Cependant, depuis 2007, les clubs sont autorisés à rémunérer trois joueurs au-delà de ce seuil.
Un développement exponentiel
Depuis la création de la NASL et malgré sa dissolution, le championnat américain n’a cessé de croître. Déjà grâce à quelque chose de basique : l’affluence dans les stades. En 1978 avec la NASL, les stades comptent 7 825 spectateurs en moyenne. En 2016, elle est de 21 692 spectateurs. Soit une hausse de 177% de nombre de supporters dans les stades en moins de quarante ans alors que la population américaine a, elle, augmenté de 45%. Vient alors la question de la cause de cette hausse qui ne semble pas avoir de freins.
Tout d’abord, revenons sur le système en lui-même. Il dépasse le cadre seul du football européen. Avec le système de conférences, de play-offs, il s’inscrit dans une véritable logique d’américanisation du football. Tout faire plus grand. A l’image du Michigan Stadium à Ann Harbor dont la capacité est de 109 801 places pour une population de 113 394 habitants. Toujours dans cette optique, la MLS est diffusée sur les grandes chaines de sport américaines à l’image de ESPN, Sky ou encore Fox ce qui montre que le football aux États-Unis attire, notamment en raison des joueurs tout droit venus du Vieux Continent. Et plus que de l’exotisme, c’est un réel niveau de jeu que les Européens emportent dans leurs bagages.
Les joueurs, venons-y. La MLS version 21ème siècle et sa progression sur le terrain débute approximativement en 2010 avec l’arrivée de Thierry Henry aux New York Red Bulls. Loin d’être chauvin, il est le premier grand joueur européen à être transféré sur la rive gauche de l’Atlantique. Dès sa première année, il est élu meilleur joueur du club et envoie un message au monde du foot : ‘’Venez, là-bas c’est facile d’être le meilleur’’. En effet, nombre de clubs vont alors devenir presque dépendants de leur coqueluche européenne. Ainsi, Robbie Keane aux Los Angeles Galaxy ou Sebastian Giovinco au Toronto FC sont ou étaient nécessaires à leur club pour permettre des bons résultats à celui-ci. Dans chaque franchise, on peut de cette manière déterminer un joueur clé essentiel à son équipe.
Les joueurs viennent en MLS car ils sont chouchoutés. Le terme paraît enfantin au premier abord mais c’est presque la réalité. Comme évoqué précédemment, seuls trois joueurs peuvent bénéficier d’un salaire dépassant les 387 50 $ annuels réglementaires. Donc si un joueur accède à ce revenu, cela signifie que c’est un des trois privilégiés de son club. Selon la doctrine américaine, plus une personne gagne d’argent, plus elle est respectable. Le foot ne déroge pas à la règle et depuis 2010, trois joueurs par effectif ont droit à une reconnaissance sociale plus importante. L’Etat américain en lui-même, au-delà des clubs, dispose d’infrastructures et d’un cadre de vie idylliques. Oui, la banlieue d’Orlando est plus agréable que la Scampia à Naples ou le quartier londonien de Brixton. Prenons l’exemple de Laurent Ciman qui rejoint le Montréal Impact en 2015 pour offrir un meilleur cadre de vie à sa fille souffrant d’autisme. Évidemment c’est un cas spécifique mais les faits sont là : la MLS et son développement matériel surpassent largement nos championnats européens. Enfin, les stars attirent les stars comme la rumeur Cristiano Ronaldo aux New York Red Bulls après l’achat d’un appartement en plein cœur de la Grosse Pomme.
La MLS est une affaire qui marche. Une donnée est révélatrice de cela : le prix des droits TV. Pour la période 2015-2022, les droits de la MLS sont de 720 millions de dollars (environ 644 millions d’euros), ceux de la Ligue 1 (726,5 millions d’euros) sont, certes supérieurs à ceux du soccer mais il ne faut pas oublier que le championnat est d’un niveau plutôt faible. A titre d’indicateur, ceux de la Ligue 2, un peu plus inférieure en termes de niveau de jeu, sont de 22 millions d’euros. La différence est donc non négligeable et avec cette comparaison, les droits télévisuels de la MLS semblent exorbitants.
En 20 ans, la Major League Soccer a progressé de manière exceptionnellement puissante et il est pour l’instant impossible d’entrevoir ce qui pourrait entraver cela.
Et après ?
La 1ère division américaine paraît lancée et les clubs ne cesseront évidemment pas de recruter des anciens joueurs des grands championnats européens qui permettront l’accroissement de la renommée du club et par la même, du championnat. L’arrivée de certains entraînera une hausse des droits TV, les clubs continueront de recruter et ainsi de suite dans un cercle vertueux sans fin.
Seule limite à ce développement, la fameuse loi qui porte sur la masse salariale qui contraint les clubs à ne laisser un très haut salaire qu’à trois joueurs. Empêchant ainsi le recrutement de nombreuses stars désirant un salaire exceptionnel comme au Real Madrid, au Bayern Munich, etc dans lesquels l’effectif quasiment complet est rémunéré plus de 300 000€ par an. Néanmoins, des pourparlers sont annuellement entamés pour l’abrogation de cette règle. Le blocage vient des lobbyistes du basket, du baseball et du football américain apeurés de ne plus être les sports phares aux États-Unis.
Sans oublier l’arrivée de Romain Alessandrini sur le territoire américain qui est, lui aussi, une entrave plus que probable au développement du foot américain.
Crédits photos : Nick Laham/Getty Images for New York Red Bulls/AFP