7 victoires en 18 matchs. Une animation offensive à court d’idées (deuxième plus mauvaise attaque des éliminatoires AmSud avec 19 buts). Un 11 type aux allures de mercato raté. Une qualification arrachée lors de la dernière journée des éliminatoires. C’est avec ce triste bilan que les coéquipiers de Lionel Messi s’approchent peu à peu de la Russie, bientôt quatre ans après avoir réalisé un parcours (presque) parfait au Brésil.
Alors, quelle équipe pour aider la Pulga à éviter un quatrième échec d’affilé en sélection cet été ?
Sans identité. C’est par ces deux mots que l’on pourrait résumer la campagne d’éliminatoires de l’Argentine, qualifiée in extremis pour le mondial au prix d’une 3ème place finalement très (très très) flatteuse.
Après des débuts de qualification ratés (défaites à domicile face à l’Equateur et au Paraguay, et une punition 3-0 chez l’ennemi Brésilien), la Fédération Argentine (AFA) prends les choses en main au mois d’avril et vire Edgardo Bauza, alors entraîneur de la sélection depuis le départ de Tata Martino.
Sampaoli pour sauver le bateau
Bauza viré, voilà toute l’Argentine qui se met à rêver d’un gros nom pour reprendre la sélection. Maradona ? Non, Jorge Sampaoli !
Cauchemar des Argentins (et du pauvre Messi) en finale de Copa America en 2015 avec le Chili, le fils spirituel de Marcelo Bielsa rêvait déjà depuis quelques années de pouvoir prendre les commandes de l’Albiceleste.
Au prix d’une belle négociation avec le FC Séville dont Sampaoli était encore salarié (et donc sous contrat) pour au moins une saison supplémentaire, Claudio Tapia (président de l’AFA) signe le coach de 57 ans jusqu’en 2022. Versant 1,5 millions d’euros de dédommagement au club Andalou, au passage.
Un nouveau dispositif … qui pose problème
Sampaoli adepte d’un système à 3 défenseurs (celui qui lui a permis de faire gagner le Chili) souhaite naturellement exporter cette organisation pour son retour en Argentine.
C’est ce qui ressort de la première liste donnée par le sélectionneur en juin dernier (seulement 4 défenseurs convoqués contre 6 ou 7 avec les sélectionneurs précédents).
Difficile de lui donner tort quand on voit les candidats au poste de latéral dans une (éventuelle) défense à 4, système défendu par Bauza, prédécesseur de Sampaoli.
Zabaleta ou Mercado à droite ; Rojo, Insùa ou Tagliafico à gauche. Hormis le premier qui malheureusement commence à subir le poids des années, aucun des 4 autres défenseurs n’offre les garanties nécessaires pour évoluer au plus haut niveau sur le côté de la défense.
Lorsque l’on évolue dans un 3-4-3 ou dans un 3-5-2, systèmes fétiches de Sampaoli, il faut des milieux récupérateurs qui récupèrent des ballons (logique non ?) mais aussi qui puissent orienter le jeu et casser des lignes avec leurs passes ; des joueurs de côtés avec « de la bouteille », c’est à dire avare d’efforts et bons dans les 1 contre 1 offensifs et défensifs.
A travers ces 4 petites lignes, nous venons de cibler le (très) gros point faible de cette Argentine.
Mais où (et qui) sont les latéraux ?
L’idée de jouer dans de tels systèmes est tout à fait louable, mais faut-il encore avoir les joueurs pour. Di Maria arrière latéral droit, c’est non. Acuna arrière latéral gauche, c’est non également. Un milieu Biglia-Banega ? Bof. Ajoutez à cela Benedetto titulaire en numéro 9 et vous obtenez des prestations proches de la canicule sur le thermomètre de l’ennui (aussi bien techniquement que tactiquement).
C’est pourtant ce que s’entête à essayer et à perfectionner Jorge Sampaoli. Quand Di Maria ne joue pas arrière latéral droit, il bascule à gauche. Même constat pour Acuna, mais aussi pour Salvio, qui s’essaient tour à tour à ces postes bien trop exigeants pour eux. Difficile pour autant de pointer du doigt Sampaoli, qui à défaut de posséder des vrais joueurs de couloir en défense, essaye d’en créer des nouveaux. Bien malin est celui qui pourra nous dire quels seront les titulaires à ces postes en juin prochain.
Qui pour épauler Biglia ?
Problème de profils sur les cotés donc, et problème de complémentarité au milieu. Kranevitter, Biglia, Enzo Perez, Gago, Paredes, Banega, Pizzaro et dernièrement Lo Celso. Voilà les joueurs « favoris » de Sampaoli pour se disputer une des trois (voir deux) places de titulaires au milieu en vue de la Coupe du monde.
Sur le papier, Biglia a tout du taulier qu’il faut pour équilibrer le jeu de l’Argentine au milieu, malgré des performances très contrastées en sélection.
Reste à lui trouver un profil complémentaire, une sorte de joueur « box to box » capable de récupérer des ballons mais aussi de casser des lignes balle au pied. Un Enzo Perez finalement. Sauf que le joueur de River n’a plus ses jambes de 2014 et pourrait manquer de jus cet été.
Banega trop irrégulier, Pizzaro est lui passé de chouchou du coach à non sélectionné pour les matchs amicaux de novembre. Si Biglia semble avoir les faveurs de Sampaoli au milieu de terrain donc, reste à lui trouver des soldats pour partir au front. Des joueurs comme Roberto Pereyra (ancien de la Juventus et aujourd’hui à Watford) ou Perroti (AS Roma) mériteraient rapidement d’avoir leur chance dans l’entre-jeu des vice champions du monde.
Une attaque pas du tout d’attaque
Et puis vient l’attaque, là où l’Argentine excelle. Enfin pourrait exceller. Enfin devrait exceller. Icardi, Aguero, Higuain, Dybala, Messi. Quelle nation peut aujourd’hui se targuer d’avoir un tel réservoir offensif ? Aucune, hormis peut-être le Brésil.
Alors comment expliquer les 19 petits buts inscrits en 18 matchs lors des éliminatoires de la Coupe du monde ? Exercice périlleux. Tout d’abord, il y a les choix du coach. A moins d’un retournement de situation (pas à exclure), Higuain ne verra pas la Russie. L’attaquant de la Juventus a épuisé son crédit en sélection et est pointé du doigt comme le principal fautif des échecs répétitifs de l’Argentine en finale.
Son remplaçant direct se nomme Benedetto. Mais l’attaquant de Boca peine à rendre la confiance placée en lui par Sampaoli. Paulo Dybala semble quant à lui être victime de son profil de jeu. Gaucher, à l’aise dans les petits espaces, aimant naviguer sur le front de l’attaque et orienter le jeu de son équipe. Cela ne vous rappelle personne ?
Lionel Messi est en effet l’homme à tout faire et constitue la seule certitude du onze Argentin à l’heure actuelle. Meneur, passeur, buteur, et parfois même récupérateur. Si un joueur argentin ne sait pas quoi faire avec la balle, il vise (tant bien que mal) Messi.
Le Barcelonais survole les débats mais manque clairement de soutien en sélection. Sans Iniesta pour combiner au milieu, sans Jordi Alba pour ouvrir le jeu sur un côté, sans Suarez pour terminer le boulot devant le but, Messi est bien trop seul.
Aucun joueur argentin n’est ne serait-ce que le sosie de l’un des 3 joueurs cités plus haut. Problématique.
Son entente sur et en dehors du terrain avec « El Kun » Aguero pourrait toutefois constituer une véritable menace pour n’importe quelle défense. Sauf que le duo n’a performé que trop rarement ces derniers temps pour dégager quelconque motif d’espoir
Un tirage compliqué
Et puis comme tout semble difficile pour cette Argentine là, il fallait bien que le tirage au sort des phases de poule de la Coupe du Monde y mette aussi du sien.
Effectué vendredi dernier, le hasard n’a pas bien fait les choses, contrairement à ce que revendique l’adage. Placée dans le premier pot (celui des têtes de séries), l’Argentine n’a pas été épargnée puisqu’elle retrouvera sur son chemin la Croatie, l’Islande, et le Nigéria.
Des Croates complets sur toutes les lignes et avec des joueurs stars (le trio Rakitic-Modric-Mandzukic), une Islande très difficile à manœuvrer, un Nigeria très athlétique contre lequel l’Argentine s’est récemment cassé les dents en amical (défaite 4-2). Voilà l’apéritif qui attend l’Albiceleste dès le samedi 16 juin (premier match face à l’Islande).
Et gare à la digestion : en cas de mauvais résultats, l’Argentine pourrait croiser nos Bleus en 1/8èmes de finale. Pire, elle pourrait prendre la porte dès le premier tour, ce qui, au vu de ses dernières performances, ne paraît pas si irréaliste que cela.
A 7 mois de la Coupe du monde, l’Argentine se cherche. Alors que certaines sélections répètent leurs gammes, peaufinent les derniers détails, font leurs ultimes essais, le problème semble plus profond pour l’Albiceleste. Au delà de la composition, ce sont surtout les intentions de jeu qui sont pointées du doigt. Absence de latéraux, problèmes de complémentarité au milieu, Messi-dépendance.
Reste qu’en 2014, l’équipe Argentine ne semblait pas bien plus forte que celle qui sera alignée en 2018. Avec un fond de jeu très médiocre, elle avait pourtant réussi à se hisser en finale. Reste qu’une qualification à l’arrache en Coupe du monde peut souder un vestiaire. Reste qu’un jour, une somme de talents peut finir par former un collectif. Reste que sur un exploit individuel, Messi peut entrer (encore un peu plus) dans l’histoire.
Photo credits : AFP PHOTO / Kirill KUDRYAVTSEV