Depuis deux ans qu’il tient les rênes de l’équipe parisienne, Unai Emery n’a jamais effleuré, ni même approché, l’objectif qui lui avait été fixé par QSI à la signature : atteindre les demi-finales de la Ligue des Champions. Pour le natif de Fontarrabie, les chances de prolongation de contrat sont à peu près aussi minces que celles des Herbiers de gagner la coupe de France. Mais on peut aussi se demander pourquoi il ne serait pas idiot de lui proposer un nouveau bail.
Parce qu’en deux ans, le PSG a progressé
Normal, direz-vous. En investissant 417 millions d’euros au mercato d’été et en faisant venir le troisième meilleur joueur de la planète, tout le monde aurait fait mieux. Sauf que. Avoir les meilleurs joueurs est une chose, mais en extraire la sève pour faire évoluer l’identité de jeu de son équipe en est une autre. Et dans ce registre, Unai Emery a plutôt bien réussi ce qu’il a entrepris. Dans un système qui n’est peut être pas celui qu’il avait imaginé en arrivant dans la Capitale, mais il a réussi. Le 4-3-3 de possession de Laurent Blanc est devenu, sous les ordres du technicien basque, un 4-3-3 qui, s’il aime toujours avoir le ballon, utilise bien mieux la verticalité. La contre-attaque est devenu un levier supplémentaire à activer quand la configuration du match et de l’adversaire le permet (cf. l’aller contre le Bayern, en LDC, gagné 3-0 ou le large succès à Rennes en CDF, 6-1). A partir de la récupération, le PSG est aujourd’hui plus à l’aise pour, en deux, trois passes, se retrouver devant le but. Et ça, c’est une marque d’évolution.
Du côté des individualités, on observe que les trois pointes du trident offensif ont globalement tenu leur rang. Edinson Cavani n’a jamais été aussi prolifique ; Neymar a semblé épanoui sur le terrain avant qu’il ne se blesse ; Mbappé est peut-être un peu moins éclatant que lors de sa première saison avec Monaco, mais tout à fait correct par rapport à ce que l’on attendait de lui. Derrière ces trois hommes, Adrien Rabiot est toujours aussi délicieux à voir jouer ; les jeunes Kimpembe, Marquinhos ont montré que l’on pouvait compter sur eux et Thomas Meunier s’est révélé être un bonne alternative à Dani Alves. Enfin, même chez les étiquetés « remplaçants », que dire de la deuxième partie de saison de Di Maria, dont le moral semblait bien atteint pendant l’hiver. Tout ça, Unai Emery n’y est pas étranger. Comme il n’est pas étranger au choix de mettre Lo Celso en six face au Réal, évidemment. Mais en faisant la balance du pour et du contre…
Parce que cette saison est sûrement la plus aboutie de l’ère qatarie
QUOI ?! MAIS QU’EST-CE QUE TU RACONTES ? Ils n’ont même pas atteint les quarts de la Ligue des Champions, etc. Effectivement. Mais a-t-on déjà vu une saison parisienne aussi spectaculaire, aussi agréable pour les yeux ? Passé le goût amer d’une nouvelle élimination dans la compétition chérie, ce PSG millésime 2017-2018 a régalé. Et rarement déçu, aussi. La preuve par les stats : Deux 7-1 (et pas contre des peintres, l’AS Monaco et le Celtic), deux 6-2, un 8-0… Quant au nombre de défaites TCC, il se compte sur les doigts d’une main : cinq. Doit-on rajouter que le club de la Capitale est dans les temps pour battre son record de points en championnat (96), qu’il possède la meilleure attaque d’Europe avec 103 buts et le meilleur pourcentage de passes réussies (89.6%, source WhoScored) ?
Si le PSG a déçu contre le Real, le reste de sa saison comporte très peu de fausses notes. Dans l’état d’esprit aussi, la combativité, difficile de reprocher quoi que ce soit aux joueurs d’Unai Emery. Dans des jours sans ou dans des scénarios mal embarqués, comme ça a pu être le cas en octobre, à Marseille, ou plus récemment, à Saint-Etienne, le onze rouge et bleu s’est accroché pour ne pas perdre. Les egos personnels n’ont jamais semblé prendre l’ascendant sur l’intérêt collectif (et ce n’est pas une banale histoire de choix de tireur de pénalty qui démontrera le contraire). Pour une fois, et c’est à remarquer, aucun joueur n’a fait parler en mal de lui pour un défaut de comportement. Bon ok, Serge Aurier est parti. Mais le PSG n’a-t-il jamais été aussi « sage » que cette année ?
Parce que le club a besoin de stabilité
Il y a un constat évident à faire pour le PSG version QSI : les entraîneurs passent mais, en Ligue des Champions, le club stagne. Alors on peut continuer à faire valser les coachs ou simplement se poser la question « Et si on allait plus loin avec lui ? Et si, pour une fois, on ne déconstruisait pas tout d’un coup de baguette pour re-recommencer un projet avec sensiblement les mêmes joueurs, sensiblement le même système et, finalement, la même cote de 50-50 avant d’affronter un top 4 européen ? » C’est peut-être ça, la plus grosse preuve de naïveté du Paris Saint-Germain et de ses dirigeants.
Vous pouvez changer dix fois d’entraîneur, essayer toutes les méthodes de travail du monde et, même, mettre tout l’argent du monde dans un mercato. Au moment d’entrer sur la pelouse du Camp Nou, du Bernabéu ou de l’Allianz Arena, en huitièmes, quarts ou demies de la reine des compétitions, vous n’avez plus aucune certitude. Parce qu’en deux fois 90 minutes, avec des effectifs dont les qualités respectives sont si proches au très haut niveau, il peut absolument tout se passer. Le Paris Saint-Germain l’a appris à ses dépens. Sans le prestige du blason et du palmarès, le club de Nasser part même avec un petit handicap, à chaque fois. Ce handicap qui fait qu’une décision arbitrale ne va pas tourner en sa faveur, que le match ne va pas définitivement basculer de son côté au moment où il le devrait.
Et avec ça, ni Emery, ni aucun entraîneur n’a le pouvoir de lutter. Regardons le bilan de Pep Guardiola, considéré comme le meilleur technicien au monde, après deux saisons à City. En termes de résultats purs, le coach des Skyblues a d’abord raté le coche pour le titre national, avant de mettre tout le monde d’accord pour son deuxième exercice. Comme Unai Emery. En Ligue des Champions, son équipe s’est arrêtée successivement en huitièmes et quarts de finale, contre l’AS Monaco et Liverpool. Là aussi, rien d’exceptionnel par rapport à son homologue sur le banc parisien. Pour autant, Guardiola sera-t-il remercié à la fin de la saison ? Probablement pas. Parce qu’il est engagé jusqu’en 2019 déjà, et parce qu’il jouit d’une toute autre aura qu’Emery. Quand bien même, la comparaison est intéressante.
D’ici le 30 juin, date la fin de son contrat, Unai Emery a encore six matchs à vivre avec le PSG. A l’issue de ces six matchs, son équipe aura peut-être inscrit 20, 25 buts de plus ; Thiago Silva and co auront bouffé des heures de vidéo pour adopter le meilleur dispositif tactique face aux Herbiers. Une chose est sûre, Unai Emery aura fait son travail jusqu’au bout, parce qu’il est obsédé par la progression de son équipe, parce qu’il vit pour ça. Comme il l’a déclaré aux collègues de So Foot, « Gagner, c’est un voyage ». Si le voyage peut paraître long, il le sera encore plus en s’arrêtant en chemin.
Crédit photo: CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP