En dépit d’une brillante carrière longue de 20 ans, Gianluigi Buffon n’a jamais remporté la Ligue des champions. Dans un documentaire intitulé «Buffon, champion sans Champions », diffusé ce soir à 20h45 dans Transversales, RMC Sport revient sur les échecs répétés de l’ancien gardien de la Juventus, désormais au PSG. Entretien avec Adriano Recchia, auteur du documentaire.
Comment est-ce que l’idée de ce documentaire a émergé ?
L’idée a émergé assez tôt dans la saison. L’une des premières questions qui a été posée en conférence de presse à Buffon, quand il a été présenté au PSG, c’était : est-ce qu’il est venu là pour remporter la Ligue des champions ? Et il a répondu : « J’ai commencé bien avant le PSG à essayer d’atteindre cet objectif, et mon but sera d’aider le PSG à progresser pour atteindre des objectifs encore supérieurs ». Il pensait évidemment à la Ligue des champions. Et là, l’idée du documentaire a commencé à émerger.
On s’est refait son parcours saison par saison et on s’est rendu compte que c’était l’un des joueurs qui avait le plus joué en Ligue des champions, mais qui avait aussi connu le plus de déconvenues. Ensuite, on s’est demandé qui pourrait, dans son entourage, nous parler des différentes périodes de sa vie en Ligue des champions. Et on en est arrivé à ce documentaire.
Le documentaire dure 35 minutes. Est-ce que ça n’a pas été trop difficile de résumer la carrière de Buffon en Ligue des champions en si peu de temps ?
(Il détache les syllabes) C’est su-per-dur. Mais vraiment, c’était affreux ! Il y a des matches que j’ai dû malheureusement mettre de côté, ou moins traiter que les autres. Buffon, c’est 118 matches en Ligue des champions. C’est énorme. Par exemple, le PSG a joué son 100e match contre Naples. Buffon a joué plus de matches en Ligue des champions qu’un club. Ça s’étale sur 20 ans. Il a eu tellement de vies en 20 ans… Mais ce sont des formats auxquels on doit se tenir. Il y a certains matches sur lesquels on s’est dit qu’il fallait mettre l’accent, et d’autres sur lesquels on n’a malheureusement pas pu aller jusqu’au bout.
Tu as recueilli les témoignages de nombreuses personnes qui ont côtoyé Buffon comme Seedorf, Zebina, Lemina… y-a-t-il un témoignage qui t’a marqué plus que les autres ?
(Il réfléchit) Il y en a un qui est particulièrement marquant, et pourtant ce n’est pas le plus clinquant : c’est l’agent de Buffon, Silvano Martina. Il ne parle quasiment jamais, et c’est sans doute la personne la plus proche de Buffon car il le connaît depuis 20 ans. Il s’intéressait à lui avant même qu’il arrive à Parme (ndlr : en 1991, Buffon avait 13 ans). C’est celui qui nous a donné les anecdotes les plus « intimes » concernant Buffon. Il nous a révélé des choses qu’on ne savait pas, comme sur sa décision concernant la Serie B. La Juventus étant reléguée, Buffon ne pourrait plus jouer la Ligue des champions.
Buffon a-t-il une obsession de gagner la Ligue des champions ?
C’est le mot qui revient, mais Buffon ne parle pas purement d’obsession. On a posé la question à son agent, il nous a répondu que non car « obsession », c’est trop fort. C’est plutôt une frustration de ne jamais l’avoir gagnée par rapport à la carrière qu’il a eue et aux trois finales qu’il a disputé. Il rentre dans un cercle très très fermé de joueurs qui ont perdu trois finales de Ligue des champions.
Tu as l’impression qu’il en garde un goût amer en pensant à sa carrière ?
C’est quasiment sûr. C’est surtout en fin de carrière, entre 36 et 40 ans. Il voyait les finales et les performances s’accumuler, et tout ça lui passait sous le nez à cause de l’ogre Barça, de l’ogre Real, de l’arbitrage la saison dernière. On sentait que plus son âge avançait, plus les défaites étaient amères. Il devait forcément se dire : « C’est ma dernière, il faut absolument que je la gagne.» Et encore une fois, il se passe quelque chose et il ne la gagne pas. Et c’est pour ça qu’on en vient à ce point de rupture, quand il se fait expulser face au Real la saison dernière. Il pète complètement un plomb jusqu’en zone mixte et en conférence de presse, il tient des propos un peu irrespectueux qu’il n’avait jamais tenus. On ne connaissait pas ça de lui. C’est un résumé de la frustration qu’il peut avoir par rapport à la Ligue des champions.
Sa signature au PSG, ça va dans le sens de cette frustration ?
C’est l’ultime défi. Je pense qu’il s’est dit qu’il avait une dernière carte à jouer. Je n’ai pas réussi à savoir si l’arrivée de Ronaldo à la Juventus pouvait le faire regretter. Mais le problème, c’est que, dans son « obsession » de gagner la Ligue des champions, il n’y avait que le PSG qui lui permettait d’espérer. La Juve ne lui proposait qu’un contrat dans le staff. Là, il a une dernière chance de la gagner. (Il s’interrompt et réfléchit) C’est peut-être une obsession dans sa tête en fait.
S’il n’y avait qu’une seule image à garder de Buffon en Ligue des champions, laquelle serait-ce ?
En 118 matches… on va dire que l’image qui résume le mieux sa carrière, et c’est terrible car c’est une sorte de champion déchu en Ligue des champions, c’est la toute dernière avec la Juventus, le carton rouge. C’est l’incarnation de sa carrière en Ligue des champions. Il est mené 3-0 à l’aller, à domicile, et la Juve parvient à mener 3-0 au Bernabeu, au retour. C’est sans doute l’un des plus gros exploits de l’histoire de la Juve en Ligue des champions. Et là, il y a cet événement à la fin : penalty et carton rouge. Et cette image où il pète un plomb contre l’arbitre résume sa carrière.
Tu envisages de travailler sur d’autres documentaires du genre dans un futur proche ?
Il y en aura énormément. Je commence déjà à travailler sur un documentaire qui concernera le SuperClasico, la finale de la Copa Libertadores entre Boca et River. Je ne sais pas si on arrive bien à le mesurer, mais c’est un événement historique, ça ne s’est jamais vu. Il y a une ville qui s’arrête de respirer pendant trois semaines, c’est complètement dingue. On tourne des trucs à Buenos Aires actuellement. Et il y a pleins d’autres documentaires qui suivront. Le rendez-vous est tous les mercredis, donc on en produit tout le temps.
Si Buffon gagne la Ligue des champions avec Paris, tu refais le documentaire ?
(rires) On va être obligé car il sera obsolète ! Et là, il faudra aller du côté de Turin pour leur demander ce qu’ils en pensent. S’ils voient Buffon soulever la Ligue des champions avec le PSG, je pense qu’ils vont s’en mordre les doigts. Ce serait incroyable. Mais ce serait aussi une drôle d’histoire si la Juve la gagnait. Est-ce que tu imagines la Juve gagner la Ligue des champions cette saison, alors que Buffon a essayé pendant 20 saisons et a perdu trois finales ? Ce serait peut-être encore plus dramatique.
Un grand merci à Adriano pour le temps accordé. Pour le reste, on vous invite à vous brancher ce soir, 20h45, sur RMC Sport pour visionner le documentaire.
Crédits photos : Alberto PIZZOLI / AFP