Souvent pris en exemple dans le monde entier, l’arbitrage anglais n’est pourtant pas exempt de toutes critiques au royaume du football. Les entraîneurs de Premier League n’hésitent plus à souligner ses failles. Alors, opération de communication ou réelle crise de l’arbitrage outre-Manche ?
La grogne des coachs
Neil Warnock n’a pas mâché ses mots. L’entraîneur de Cardiff n’a pas digéré le but hors-jeu de César Azpilicueta pour Chelsea, qui a coûté la défaite à son équipe (1-2 à domicile). « C’est la meilleure ligue du monde, mais avec les pires arbitres, a-t-il lâché après match. Ils ne peuvent pas faire des erreurs à ce niveau, on ne mérite pas des arbitres comme cela. Il n’y a pas d’excuse, c’est criminel. » L’ancien de Crystal Palace n’a pas hésité à le signaler, à sa manière, aux principaux concernés.
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La diatribe de Warnock contre l’arbitrage n’est pas isolée dans le monde du football anglais. Ces dernières années, Arsène Wenger était même parti en croisade contre la PGMOL (Professional Game Match Officials Limited, l’instance de formation des arbitres anglais) et la FA (la fédération anglaise de football). « Je pense qu’il y a un vrai problème dans l’arbitrage en Angleterre, expliquait-il fin 2016 au micro de SFR Sport. Ils sont un peu dans leur zone de confort. Il est temps que la PGMOL se réveille et stimule de nouveau ses arbitres pour vraiment travailler, parce que selon moi, ils ne travaillent pas assez. » Rajoutez à la liste Jurgen Klopp, qui accusait en février l’arbitre de Liverpool-West Ham (1-1) d’avoir « équilibré » ses décisions, ou Pep Guardiola, qui avait mis la pression sur Anthony Taylor avant le derby mancunien en novembre dernier.
La Premier League pas convaincue par la VAR
Bien souvent, les entraîneurs utilisent l’arbitre comme fusible pour protéger leurs joueurs ou leurs choix tactiques. Mais le mal semble plus profond en Angleterre, si bien que tout le pays attend avec impatience l’arrivée de la VAR en septembre prochain. La Premier League est le dernier des cinq grands championnats à instaurer la vidéo. En effet, les vingt clubs de l’élite ont refusé en avril 2018 l’entrée en vigueur de la VAR. Raisons invoquées ? Le délai trop long entre consultation et décision, le manque de transparence et le flou sur les situations concernées.
Mais implicitement, le football anglais voue aussi une confiance aveugle en ses arbitres, dont l’autorité et les décisions sont rarement remises en cause sur le terrain – et dans les médias. Real-Juventus, quart de finale retour de Ligue des Champions 2018. Michael Oliver siffle un penalty pour le moins contestable pour le Real. Cristiano Ronaldo marque, le Real se qualifie et la polémique enfle dans l’Europe entière. Sauf en Angleterre, où la presse défend son compatriote. « Buffon peut se plaindre autant qu’il veut, l’arbitre Oliver a pris deux fois la bonne décision (rouge et penalty, ndlr) », pouvait-on lire dans le Telegraph.
L’image des arbitres « au plus bas niveau »
Mais si certains médias se voilent les yeux, le bilan est pourtant clair. Aucun arbitre anglais n’a été convié à la Coupe du Monde l’été dernier, une première depuis 1938 (!). Même monsieur Oliver n’est pas là, promu trop tardivement au rang élite pour prétendre au billet russe. Sur NBC Sports, le néo-retraité Mark Clattenburg (arbitre de plusieurs finales de Ligue des Champions et Euros) évoquait sa « tristesse suite à la non-sélection d’un arbitre anglais. Martin (Atkinson) est trop vieux. Michael Oliver et Anthony Taylor incarnent l’avenir, mais ils ont besoin d’expérience ».
Car les deux arbitres ont déjà connu leur lot de réprimandes. Martin Taylor a par exemple été critiqué après le dernier North London Derby entre Tottenham et Arsenal (1-1) à cause de plusieurs décisions litigieuses qui ont changé le cours du match.
Keith Hackett, ancien arbitre international et directeur de la PGMOL dans les années 2000, dresse un bilan sévère. Dans ses chroniques au Telegraph, il dénonce souvent « le standard en baisse » des arbitres anglais. « Les performances auxquelles nous assistons actuellement sont inacceptables, expliquait-il en novembre 2017. L’image de l’arbitrage anglais est à son plus bas niveau. »
Un arbitre de 53 ans !
Et il suffit d’un simple tour sur les réseaux sociaux pour confirmer cette impression. Prenons l’exemple de Mike Dean. Reconnu comme un vrai distributeur de carton jaune, adepte du no-look yellow card (donner un carton jaune sans regarder le joueur sanctionné), il aime aussi râler lorsque les avantages qu’il attribue ne sont pas conclus d’un but. Plus que ses erreurs d’arbitrage, ses attitudes, comme ses « célébrations » sur plusieurs buts de Tottenham, exaspèrent. Les fans d’Arsenal avaient même lancé une pétition pour l’empêcher d’arbitrer les matchs de leur équipe, en récoltant plus de 100 000 signatures !
Le football anglais a besoin d’une remise en cause des instances arbitrales, et plus simplement, d’un changement de génération. Sur les 18 referees qui ont officié en Premier League cette année, huit d’entre eux ont plus de 45 ans ! Le plus vieux s’appelle Roger East, et va fêter cette année ses 54 ans… Pour comparer, aucun arbitre de Ligue 1 n’a plus de 45 ans.
Un problème qui ne date pas d’hier ?
La qualité des tests de sélection physique n’est pourtant pas à remettre en question, avec des sprints et des exercices de fréquence cardiaque. Mais l’usure du haut niveau ne se mesure pas réellement par des tests physiques. Trois arbitres de Premier League ont débuté il y a plus de quinze ans. Le jeu et ses acteurs ont depuis évolué. La surmédiatisation du football et les changements de règles ont au mieux changé, au pire compliqué le métier. Des entraîneurs parfois agressifs mettent à défaut la pédagogie habituelle de l’arbitre anglais, comme Mauricio Pochettino face à Mike Dean.
Pour l'arbitre Mike Dean, « Pochettino s'est montré très irresponsable et agressif » après Tottenham-Burnley https://t.co/x0PPBF2m3b pic.twitter.com/PonmyxjDLo
— L'ÉQUIPE (@lequipe) March 12, 2019
Finalement, la réputation des arbitres anglais n’est-elle pas usurpée, ou du moins exagérée ? Dans le passé, de nombreux exemples viennent écorner la légende des grands referees. Petit retour dans le temps : le 24 octobre 2004, à Old Trafford, l’incroyable série d’invincibilité des Gunners en Premier League (49 matchs) s’arrête. Les événements dépassent Mike Reily. L’arbitre ne siffle pas des énormes fautes. Mais il sanctionne un penalty discutable sur Rooney – que Van Nisterlooy transformera. Score final, 2-0. Wenger incendie Reily en conférence de presse et l’accuse d’avoir « décidé du match ». Après match, le célèbre « Pizza-gate » rentrera dans l’histoire.
En 2010, c’est Chelsea qui bénéficiait d’un hors-jeu non-signalé de Drogba pour battre United. Ce match fut décisif dans la course au titre.
Ces scandales nous rappellent qu’anglais ou non, les arbitres font tous des erreurs humaines. En Angleterre, les supporters et les entraîneurs attendent la VAR de pied ferme. Mais nul ne doute que comme en France ou dans le reste de l’Europe, la vidéo ne sera pas la formule magique pour résoudre tous les problèmes. Messieurs les Anglais, vous voilà prévenus !
Photo crédits : Adrian DENNIS / AFP