Le football, symbole du temps qui passe

Pour les suiveurs les plus assidus du ballon rond depuis une dizaine d’années ou plus, il est probable que ce nom leur dise quelque chose : Eduardo dos Reis Carvalho, plus connu sous le nom d’Eduardo. Autrefois gardien de l’équipe nationale portugaise et de Chelsea entre autres, ce joueur de second plan, comme il en existe finalement des milliers dans la sphère footballistique, s’est récemment retiré du monde professionnel à 37 ans. L’idée n’est évidemment ici pas de faire le biopic du bonhomme – quoi que cela pourrait être intéressant – mais de montrer en quoi cet épiphénomène qui se produit tous les jours est symptomatique d’un phénomène inéluctable. On ne parle pas de mort, n’en déplaise à un ancien entraîneur lyonnais dont il paraît que la prononciation du nom apporte sept ans de malheur, mais celui du temps qui passe.

Dit comme ça, l’évidence en vient à sonner comme un pléonasme mais en s’en rendant compte, on remarque que la relation que chacun entretient avec le football est totalement bouleversée par le temps. D’abord, et il semble que ce soit une vérité générale, on consomme de moins en moins de ballon avec l’âge. L’utilisation du verbe « consommer » plutôt que « regarder » est importante ici, puisqu’il apparaît qu’à hauteur d’une dizaine de matchs par semaine, dont les trois-quarts éparpillés sur le samedi et le dimanche, on peut parler de consommation et non plus seulement de visionnage. Le football est tellement devenu routinier qu’on vient à s’intéresser à tout ce qui est proposé ou presque. Loin de blâmer cette situation, notons tout de même que c’est sans doute cette « hyper-footballisation » – pour pousser le néologisme – des médias (et donc des esprits) qui en pousse certain.e.s à ressentir une forme d’indigestion. 

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Le foot devient d’un coup inintéressant, peu importe que les clubs auxquels on est attachés soient marqués par des enjeux importants ou pas. Alors, quand cela se produit, les tentatives de recherche de raisons fusent : la nostalgie d’une époque marquée par nos idoles de jeunesse désormais révolue (on vous rassure tout de suite, Eduardo ne sera pas ici assimilé à une idole), la baisse – ressentie – de la qualité de jeu, les enjeux économiques croissants au détriment du terrain, … c’est ainsi que, sans crier gare, nous voilà devenus des « vieux cons ». Vieux cons, certes, mais au moins bienheureux spectateurs de l’âge d’or du football. Un âge d’or que tout le monde croit avoir connu : les plus anciens des Pelé, Maradona, Cruyff, Eusébio, Platini et consorts, Zidane, Ronaldo, Figo, Van Basten et autres pour les générations suivantes, jusqu’à la rivalité Messi-Cristiano aujourd’hui. Certains d’entre eux foulent encore les terrains mais ne manquent pas d’être rattrapés par l’inexorable passage du temps.

Mais, et si cette distanciation du football devenait une bénédiction ? D’abord, et pour des raisons  purement terre-à-terre, regarder beaucoup de football devient plus difficile lorsque la vie active prend le pas sur l’insouciance. Aussi, on se rend rapidement compte que nos amours de jeunesse ne sont pas si parfaits et que leur idéalisation nous a fait défaut – et c’est là encore une vérité générale qui ne prévaut pas que pour le pied-ballon. On découvre que remporter des titres, monter en division supérieure ou recruter des joueurs de qualité, c’est enthousiasmant à court terme, mais que le long terme est largement négligé dans le sport le plus suivi au monde, et on se détache ainsi encore un peu plus de ces amours. Les émotions disparaissent peu à peu, les grands sauts dans le salon de l’appartement familial des parents disparaissent et laissent place à des sourires à peine satisfaits.

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Mais, quoi qu’on en dise, ces sourires restent des sourires. Et, lorsqu’on a baigné depuis tout jeune dans ce formidable sport qu’est le football, qu’on en a vu et revu pendant des week-ends entiers, qu’on a tapé le ballon pendant des fins de journée entières, il est impossible d’oublier complètement. Alors oui, parfois, on peut se réjouir d’une défaite en espérant qu’elle cause un électrochoc et fasse changer la direction. Toutefois, cette réjouissance n’existe que parce qu’on se soucie encore de cette équipe et, dans une forme de masochisme, on souhaite qu’elle se fasse mal pour apprendre et s’améliorer. Finalement, si cela a lieu, c’est simplement parce qu’on l’aime, ce club, et, aussi, qu’on l’aime ce football. Comme tout premier amour, il nous est impossible de l’oublier.

Photo: Iconsport.fr

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4-4-2 losange et presunto comme exutoires.