Il aurait pu finir en prison ou en bas des tours à vendre de la drogue, mais c’est bien sur les pelouses italiennes qu’Armando Izzo excelle. L’histoire de ce défenseur de 28 ans est une leçon de persévérance et de détermination. Retour sur le parcours du défenseur du Torino, loin d’être un long fleuve tranquille.
Le ballon rond pour s’en sortir
Tristement célèbre, la Scampia a inspiré de nombreuses œuvres : des clips de PNL à SCH, en passant par la série Gomorra. Quartier populaire situé au nord de Naples, il est le théâtre depuis plus de 40 ans d’une violence quotidienne nourrit par le trafic de groupe. La Scampia a été sous contrôle pendant de longues années de la Camorra. Si aujourd’hui cette mafia a moins d’influence, ce sont les Baby Boss qui ont reprit la main. Les meurtres sont fréquents et l’insécurité en fait l’une des zones les plus dangereuses d’Europe.
C’est dans ce quartier qu’Armando Izzo va grandir. Il voit le jour le 4 mars 1992 dans une famille pauvre comme il en existe des milliers au sein de ces vele (voiles en italien, surnom donné aux célèbres bâtiments). Ainé d’une fratrie de quatre frères, Izzo tombe rapidement amoureux du ballon rond. Entre les seringues et les déchets ménagers, il joue au football sur les terrains vagues du nord de Naples. Son père Vincenzo, tricoteur sur les marchés, lui ramène régulièrement des ballons en rentrant du travail. «Je ne le laissais même pas rentrer à la maison. On mettait mon père dans les buts et on faisait deux équipes avec mes amis», se souvient Izzo.
À LIRE AUSSI – Spezia la valeureuse
Alors que le jeune Armando n’a que 10 ans, Vincenzo Izzo décède des suites d’une leucémie (à 29 ans). Un drame pour la famille qui tombe encore plus dans la précarité. Armando Izzo est encore très jeune, mais devient l’homme de la maison. Il fait du mieux possible pour subvenir aux besoins du ménage et enchaîne les petits boulots, toujours dans la légalité. Lui-même explique la difficulté de ne pas tomber dans les mains de la Camorra : «Lorsque tu grandis à Scampia, le seul mot est survie (…) Nous aurions pu finir entre les mains de la Camorra, qui recherche toujours de la main d’oeuvre.»
En parallèle, le football a toujours une place dans sa vie. Armando Izzo débute dans son club de quartier : l’ARCI Scampia. C’est à 14 ans que tout s’accélère. Le Napoli le repère et l’intègre au centre de formation. Une nouvelle vie commence pour Izzo, le début d’un rêve. Pourtant, le jeune Napolitain se montre réticent. Il veut arrêter et retourner aider sa mère. Mais cette dernière encourage son ainé à continuer. En parallèle, Giuseppe Santero, alors responsable des jeunes du club, lui apporte son aide : «Cela n’a pas été facile. Grâce à Giuseppe Santero, j’ai pu obtenir un remboursement des frais (Ndlr : le transport, les chaussures).»
Armando Izzo franchit les étapes chez les jeunes de son club de cœur. Comme tout travail mérite récompense, il obtient même la chance de s’entrainer avec le groupe professionnel. Une expérience enrichissante pour le jeune défenseur qui se remémore une histoire amusante : «Je deviens alors le capitaine de la Primavera. Walter Mazzarri (Ndlr : alors entraîneur de l’équipe première) m’a convoqué pour m’entraîner avec les professionnels. Quand il a vu que je courais avec des chaussures trois fois trop grandes pour moi, il a donné un peu d’argent au masseur pour que je puisse aller m’en acheter au centre commercial.»
L’herbe est toujours plus verte ailleurs
Armando Izzo ne réussit pas à s’imposer au Napoli. L’enfant de la cité parthénopéenne ne disputera aucun match sous la tunique Azzurra. Il est contraint de partir dans les échelons inférieurs. À 19 printemps, Izzo est prêté à Triestina pendant six mois. Puis le jeune défenseur est transféré définitivement à l’AS Avellino où il évoluera deux ans et demi. Dans ce modeste club, l’enfant de la Scampia prend confiance et enchaîne les solides prestations. Le club de Campanie est même promu en Serie B à la fin de l’exercice 2012-2013.
C’est suffisant pour taper dans l’oeil du Genoa qui décide de le recruter. Armando Izzo touche enfin son rêve. Il joue en Serie A et devient un cadre de cette équipe. Si bien qu’il va connaître ses premières convocations avec la Nazionale. Au Genoa, Izzo jouera quatre saisons pour 101 matchs disputés. Lors de l’été 2018, il s’envole pour le Torino pour près de 10,7 millions d’euros. Dans le Piémont, Armando Izzo s’est imposé comme un cadre de l’équipe. Cette saison, le défenseur de 28 ans ne se montre pas toujours performant. Une méforme qui a conduit Marco Giampaolo à se passer de lui au début de saison. Depuis quelques semaines et la nomination de Davide Nicola, il retrouve ses sensations et redevient un cadre de cette équipe. Ses prestations contre Benevento et l’Atalanta viennent en témoigner.
Mafia & Calcio
Le 26 mai 2016, à moins d’un mois du début de l’Euro et après une grosse saison avec le Genoa, un scandale éclate. Armando Izzo est accusé d’avoir participé à une association de malfaiteurs. Umberto Accurso, une des grosses têtes de la Camorra, est arrêté par les autorités italiennes.
Parmi les centaines d’accusations à l’encontre d’Accurso, une concerne des matches truqués. Le mafieux napolitain va parler et donne le nom d’Armando Izzo comme intermédiaire dans cette affaire. Les deux matches remontent à 2014 respectivement Modena-Avellino (1-0) le 17 mai et Avellino-Reggina (3-0), le 25 mai. Le jeune défenseur italien évolue alors à Avellino, mais nie toutes implications dans cette affaire. De plus, Armando Izzo n’a pas participé à ces deux rencontres de Serie B. Le 12 avril 2017, le tribunal du sport condamne le joueur alors du Genoa à 50.000 € d’amende et une suspension de 18 mois. Il est reproché à l’international Italien de ne pas avoir dénoncé les magouilles de la Camorra. Le 19 mai 2017, la suspension est réduite à six mois.
Au début du mois, Armando Izzo a été entendu par le tribunal de Naples. Ce dernier en a profité pour donner un entretien à Il Matino. Serein et lucide, il donne alors sa version des faits. Izzo explique «avoir simulé une blessure pour ne pas participer à ces deux matches». Le défenseur du Torino revient aussi sur sa rencontre avec Umberto Accurso : «J’étais chez ma mère à Secondigliano. J’ai reçu un appel de Luca Pini, un coéquipier qui était aussi bijoutier. Il m’a dit de le rejoindre car il devait livrer des colliers à sa femme et ses enfants (…) il m’a alors amené au restaurant où se trouvaient les frères Accuso.» Très vite, Armando Izzo décline la proposition faite par les mafieux napolitains : «Ils m’ont dit de trouver un accord, mais je ne la sentais pas cette réunion. Après 30 minutes, j’ai pris un taxi et je suis parti.»
Une affaire qui est venue ternir son image. Enfant de la Scampia, Armando Izzo reste un exemple de réussite pour la jeunesse napolitaine et défavorisée. Loin d’être un génie, l’international Italien doit sa réussite au travail et à son père qu’il porte fièrement en tatouage : «Mon père est ma force qui me permet de ne pas abandonner. La faim m’a conduit là où j’en suis.» Le défenseur de 28 ans fait aujourd’hui la fierté de ses proches et de son quartier où il revient très souvent.
Crédit photo : Icon Sport