Aussi discret qu’omniprésent, d’abord boycotté par sa direction, élément fondateur de la transition entre l’ère Louis-Dreyfus et le Champions Project, relégué au second plan avec l’arrivée d’Andoni Zubizarreta mais confirmé à son poste avant d’être renvoyé, Jean-Philippe Durand est un personnage extrêmement controversé de l’histoire phocéenne car, bien que relativement connu de tous, son rôle est demeuré extrêmement obscur. Tentons ensemble d’éclaircir l’évolution de sa tâche à l’OM.
Au hasard d’un débat interne à la rédaction d’UltimoDiez quant au vrai niveau d’André Franck Zambo Anguissa, nous nous écharpâmes sur l’identité des responsables de son arrivée à l’OM. Soudain, à la manière d’un serpent de mer, le nom de celui qui a longtemps agité les consciences des plus grands connaisseurs de l’Olympique de Marseille revint sur la table : Jean Philippe Durand, responsable du recrutement. À la manière d’un José Anigo en son temps, il suscite de vives réactions mais, à la différence de son ami atteint d’alopécie, il possède de nombreux soutiens, à la fois dans le milieu mais aussi chez les supporters olympiens.
À la suite de sa retraite de bon joueur de Ligue 1 (26 sélections en Equipe de France) en 1997, le natif de Lyon intègre le staff de l’OM. Celui qui, déjà en tant que joueur, cultive la discrétion et l’élégance hors des prés, se voit déléguer des tâches dans un premier temps éloignées des terrains. C’est une récompense pour Durand qui est l’un des rares resté au club dans sa période la plus trouble de l’ère moderne, à savoir le post affaire VA- OM et la présence du club en Ligue 2 pendant 2 saisons consécutives.
Jean-Philippe est tout d’abord responsable de la communication du club. Ce qui peut sembler être un paradoxe compte tenu du caractère du personnage, qui a plutôt tendance à fuir les caméras, ressemble pourtant à une bonne idée au premier abord : c’est une période complexe pour le club qui frôle la banqueroute, se voit racheté pour une misère par Robert Louis-Dreyfus qui récupère la présidence du club, succédant à Jean-Claude Gaudin, et voit Rolland Courbis nommé entraîneur. Durand ne joue qu’un rôle mineur dans cette époque. Il n’est pas mis en avant par le club et ne prodigue que des conseils.
Les crises que connaîtra le club à la fin des années 90 permettront de constater que Durand n’est pas préparé à une tâche d’une si grande ampleur et voient Robert Louis-Dreyfus modifier drastiquement le fonctionnement du club.
L’ex-milieu de terrain est démis de ses fonctions mais n’est pas pour autant écarté du club. Il se voit ensuite recasé dans le service marketing du club, notamment vis-à-vis de la chaîne de télévision de l’Olympique de Marseille, OM TV. Bref, il se rend utile là où l’on a besoin de lui (ou simplement où on l’impose, selon certaines mauvaises langues) sans prétention particulière de la part de celui qui est devenu professionnel sur le tard (à 22 ans, sans jamais avoir connu de centre de formation).
Jean Philippe Durand intègrera la structure technique du club en 2002. Il est même entraîneur-adjoint d’Alain Perrin, aux côtés notamment d’un certain José Anigo puis, finalement, rejoint ce qui est resté, jusqu’au bout, son secteur de travail : le recrutement.
Ici, le bat blesse. Jean Philippe Durand suscite les passions. Cet article du phocéen est très intéressant en la matière. En effet, il est extrêmement difficile de décerner le vrai rôle du responsable du recrutement olympien. Si le recruteur – étrangement anonyme – interviewé par nos confrères est dithyrambique quant à M. Durand, il n’est pas possible de distinguer ce qui relève des blocages internes à la direction olympienne et ce qui relève de l’incompétence de l’ex milieu de terrain.
Car les prétendus blocages se maintiennent malgré les changements de direction, de Philippe Bouchet à Vincent Labrune en passant par Pape Diouf et Jean Claude Dassier. Il est ainsi extrêmement complexe – voire impossible – de savoir avec précision quel joueur est arrivé au club grâce à l’apport du natif de Lyon. Les découvertes de la dernière décennie, comme Charles Kaboré, Taye Taiwo ou encore Mathieu Valbuena ont tous vu José Anigo réclamer la paternité de leur arrivée au club. Difficile de distinguer le vrai du faux sous cette période qui a, il ne faut pas l’oublier, vu passer un nombre d’erreurs de casting assez incroyable. Combien de Salomon Olembé pour un Mathieu Valbuena? Quelle a été l’importance du réseau d’agents autour du club? Pour la période Vincent Labrune, n’était-ce pas Doyen Sports et les McKay qui faisaient la pluie et le beau temps à l’OM?
Avec le départ de Vincent Labrune et l’arrivée du légendaire duo Gunter Jacob – Giovanni Ciccolunghi, il retrouve des galons. Étonnamment, cette période de grand flou pour le club est pourtant celle qui permet le plus facilement de déceler les apports de Jean Philippe Durand.
En effet, il est à l’initiative de la signature de 3 joueurs à l’été 2016, l’échec – relatif, parce que le joueur est surtout arrivé à la mauvaise période – Tomas Hubocan, le sympa et bon joueur Hiroki Sakai et le très prometteur depuis son prêt à Troyes Saïf-Eddine Khaoui.
Trois joueurs corrects pour 2 millions d’euros au total – 500 000 euros pour Khaoui et 1 million 500 000 euros pour Hubocan – et un Hiroki Sakai qui fait office de titulaire indiscutable depuis son arrivée au club, lui qui était libre de tout contrat. Tel est le bilan du dernier mercato de l’ère Louis-Dreyfus à Marseille pour Durand. Assez intéressant, donc, compte tenu des moyens extrêmement limités donc disposait alors le club.
Les autres signatures du club à ce moment là sont celles d’Henri Bédimo (un échec cuisant, le joueur alternant entre blessures et performances risibles), Batéfimbi Gomis (arrivé en prêt), William Vainqueur (prêt), Florian Thauvin (toujours un prêt), Zinédine Machach (blablabla prêt blablabla), Iseka Leya (Michel! Un prêt pour la 4!) Clinton Njie (devinez sous quelle forme il est arrivé!) et Rod Fanni (ah, lui a signé libre).
Aujourd’hui, sur 11 recrues de l’été 2016, les 3 issues directement de Durand sont toujours sous contrat au club (Hubocan poussé vers la sortie, il est vrai), tandis que pour les autres, Njie et Thauvin sont toujours officiellement là, Fanni et Bédimo s’accrochant eux (pour l’instant) à leur contrat.
Avec l’arrivée de Franck McCourt et Jacques-Henri Eyraud à l’OM, les cartes ont été redistribuées. Le CDI de José Anigo a été résilié, Gunter Jacob remercié malgré sa volonté de s’inscrire dans le projet de redressement drastique du club, Rudi Garcia remplace Franck Passi, Andoni Zubizarreta est nommé directeur sportif. Et pourtant. Et pourtant, Jean Philippe Durand est resté au club malgré la première vague de licenciements qui a terrorisé les salariés.
Ce gage de valeur qu’est son maintien à l’OM est même renforcé par de régulières déclarations d’Andoni et de Rudi Garcia qui encensent son travail, le même Rudi Garcia ayant pourtant sérieusement critiqué le travail de Gunter Jacob au club, accusé d’avoir empilé les défenseurs centraux selon le coach olympien. Les sources concordent pour affirmer que le premier mercato de l’ère McCourt a vu Jean-Philippe Durand être sérieusement impliqué dans les transferts de Patrice Evra, Morgan Sanson, Dimitri Payet et Grégory Sertic. Pourtant, c’est à Zubi qu’on attribue ceux-ci, hormis le cas Payet qui semble avoir été majoritairement guidé par Jacques-Henri Eyraud en personne.
Pourtant aussi, Zubizarreta s’est entouré de deux anciens collaborateurs au FC Barcelone dès le mois de février 2017, à savoir Narcis Julia et surtout Albert Valentin. Les premiers signes d’une déchéance pour Durand ? Zubi jure que non et affirme que ces arrivées ne sont là que pour soulager Durand de certains aspects de sa tâche. Il sera donc, selon l’ancien portier basque lui même, supervisé par Valentin.
Depuis lors, le flou règnait à nouveau sur celui qui est à la tête d’un poste absolument majeur dans tout club sportif, à savoir la direction de la cellule de recrutement. La cellule semblait se constituer progressivement.
À l’été 2017, le couperet tombe : il est convoqué à un entretien préalable à un licenciement, le point final de son histoire phocéenne tumultueuse mais sans cesse passée dans l’ombre. Pour l’heure, sa reconversion est simple puisqu’il disposait déjà d’un restaurant à La Valentine très reconnu.
En conclusion, il est donc absolument impossible de déterminer avec précision l’étendue des compétences de Durand. Il est également compliqué de relever quel joueur a été recruté par ses soins et quel joueur est arrivé par d’autres voies. Distinguer entre le carnet d’adresses, les coups de fil des agents, les désirs des coach et le vrai travail de scouting de Durand est une tâche tout bonnement non réalisable.
Il n’empêche pourtant que celui qui a été en charge du recrutement de l’Olympique de Marseille pendant plus de dix ans a suscité bien des passions. Comme à son époque de milieu de terrain, il n’a jamais sombré dans l’étalage et méritait bien un dernier coup de projecteur pour son action au club phocéen. Pour ce qui est de savoir ce que valait vraiment son action à Marseille, l’honorable lecteur est seul maître de son avis sur la question.
Crédits photos : AFP PHOTO / STEVE ANWAR