[Coupe du Monde] La Roja enfin de retour ?

2008, 2010, 2012. Une période pas si lointaine du football qui voyait la planète entière danser au rythme du « tiki taka » et d’une génération dorée pour l’Espagne. La plus grande sélection de l’histoire pour beaucoup (première équipe à remporter 3 titres consécutifs), un jeu stéréotypé et ennuyant pour d’autres. La Roja ne laissait en tout cas personne indifférent.

Si les Xavi, Xabi Alonso, Fernando Torres ou Iker Casillas ont disparu de la circulation, l’Espagne version Lopetegui surfe sur la vague de ses prédécesseurs : du jeu, du talent, et encore plus d’efficacité.

A 1 mois du début de la Coupe du Monde, elle n’a jamais semblé aussi sûre de ses forces.

Le boss : Julen Lopetegui

Éliminée en 1/8èmes de finale de l’Euro 2016 par l’Italie, la Roja avait grand besoin de changement. Enfermé dans un jeu de possession devenu stérile, Del Bosque décide de passer le relais suite à un second échec consécutif (inutile de revenir sur la Coupe du monde 2014…). L’occasion pour la fédération espagnole d’envisager plusieurs pistes intéressantes pour prendre sa succession, parmi lesquelles : Rafael Benitez, Joaquin Caparos, Ernesto Valverde et… Julen Lopetegui.

Alors que l’on s’attendait à ce que le choix du sélectionneur anime l’été 2016 de l’autre côté des Pyrénées, la volonté de confier les reines de la Roja à Lopetegui s’est finalement faite aussi naturellement que rapidement. Nous sommes le 21 juillet 2016, tout juste un mois après l’élimination de la Roja à l’Euro.

Un entraîneur au caractère fort qui n’a pas hésité à en venir aux mains (ou presque) avec Jorge Jesus lors de son passage à Porto. Un passage d’ailleurs très mitigé sur le banc des champions d’Europe 2004 qui n’a sûrement pas plaidé en sa faveur au moment de candidater au poste de sélectionneur.

Ne nous y trompons pas, si Lopetegui a été choisi c’est avant tout pour sa connaissance et sa science du football espagnol. Une panoplie qui lui a permis d’envoyer consécutivement les -19ans et les espoirs espagnols sur le toit de l’Europe et du monde (champion d’Europe -19ans 2012 et champion du Monde espoir en 2013).

Deux titres en catégories jeunes et une première expérience en club plus tard, voilà Lopetegui sur le banc d’une des sélections les plus attendues en juin 2018. Un vestiaire rempli de stars dans lequel l’ancien portier basque retrouve des têtes connues comme Koke, Thiago Alcantara ou encore Isco qu’il a eu l’occasion de coacher lors de ses différents succès en jeune.

Crédit : Marca

Bientôt 2ans après sa prise de fonction, Julen Lopetegui fait en tout cas l’unanimité en Espagne. Avec 18 rencontres jouées depuis sa prise de fonction en août 2016, il présente un bilan exceptionnel de 13 victoires pour 5 nuls, le tout en ayant inscrit 59 buts et en n’en prenant que 12. Invaincue, très joueuse et surtout très prolifique, l’Espagne de Lopetegui a su se renouveler tout en gardant son identité.

Privilégiant des joueurs créateurs et déstabilisateurs comme Isco ou encore Asensio, le coach espagnol a rapidement mis de côté des « intouchables » de Del Bosque comme Cesc Fabregas ou Pedro, jugés trop ralentisseurs. En moins de deux ans, Lopetegui a su apporter de la verticalité, de la profondeur, et surtout des idées à une Roja qui était devenue trop prévisible pour ses adversaires. L’introduction de joueurs percutants comme Deulofeu (en délicatesse cette saison) , Lucas Vazquez voire Alvaro Odriozola (dans un rôle plus défensif toutefois) vont en ce sens, de même que la volonté de donner sa chance à tout le monde. Avec Lopetegui, ce sont pas moins de 12 joueurs qui ont fêté leur première sélection sous le maillot de la Roja : Saul Niguez (Atletico), Iago Aspas (Celta Vigo), Ander Herrera (Manchester United), Illarramendi (Real Sociedad), Odriozola (Real Sociedad), Viera (ex Las Palmas), Kepa (Athletic Bilbao), Luis Alberto (Lazio Rome), Suso (Milan AC), Rodri (Villareal), Parejo (Valence), Marcos Alonso (Chelsea).

L’avant dernière liste de la Roja avant la Coupe du monde. A noter la présence de Marcos Alonso, Parejo et Rodri pour la toute première fois. / Sefutbol .

Des choix forts qui vont permettre à certains d’entre eux (on pense notamment à Iago Aspas, Kepa, Saul et Odriozola) de voir la Russie cet été, au détriment de joueurs plus confirmés comme Fabregas, Pedro, Sergi Roberto ou encore Iker Casillas/Sergio Rico dans les cages.

Verticalité, risque, caractère : ce sont les 3 gros changements apportés par Julen Lopetegui à la Roja depuis plus d’un an. A moins de 30 jours des débuts de son équipe face au Portugal, le coach basque n’a toujours pas fait le moindre faux pas. Espérons pour lui et l’Espagne qu’il n’arrive pas au plus mauvais des moments.

Le joueur à suivre : Isco

Parce qu’il est le joueur qui symbolise la Roja 2017/2018. Parce qu’il est le chouchou du coach Lopetegui. Et manifestement, parce qu’il est le meilleur joueur de la Roja depuis bientôt un an.

Crédit : Getty Images

Lui, c’est Francisco Romàn Alarcon Suarez (à vos souhaits!), bien plus connu sous le nom d’Isco.

Jamais indiscutable depuis l’arrivée de Zizou sur le banc merengue, le numéro 22 du Real éclabousse les matchs de la Roja de son talent, de sa justesse, et surtout de son charisme. Un cocktail littéralement explosif qui a tapé dans l’œil de Julen Lopetegui dès sa prise de fonction fin juillet 2016. Depuis, le coach basque de la sélection espagnole n’hésite pas à sélectionner et titulariser Isco, en dépit d’un manque de temps de jeu récurent en club, si l’on s’en fie au talent du garçon. Une confiance entre un coach et l’un de ses joueurs stars qui trouve sa plus belle illustration lors d’un Espagne-Italie, le 2 septembre dernier.

Titulaire sur la gauche de l’attaque, Isco réalise tout simplement le plus beau match de sa carrière. Un doublé face à Buffon (score final 3-0), des petits ponts (Tchao Verrati), et cette impression de marcher sur l’eau.

 

Tantôt dribbleur, tantôt passeur, tantôt buteur, il est l’homme imprévisible par excellence. Un profil tellement rare dans le football moderne, qui plus est au sein d’une sélection en manque de créativité depuis 4 ans. Ailier gauche sur le papier, Isco est du genre à se trimbaler dans l’axe ou à droite quand bon lui semble. Cette capacité à dézoner qui donne encore aujourd’hui des cauchemars aux défenses italiennes et argentines.

Auteur d’un triplé face à l’Albiceleste en mars dernier, le natif de Malaga en a d’ailleurs profité pour interpeller longuement son entraîneur en club, un certain Zinédine Zidane :

« Quand un joueur n’a pas le rôle qu’il voudrait dans son équipe, ni la continuité souhaitée, les matchs en sélection redonnent vie. (…) Au Real, je n’ai pas la confiance dont un joueur a besoin, mais peut-être que je ne l’ai pas méritée face aux excellents joueurs qui sont là. Je veux démontrer à l’entraîneur qu’il peut compter sur moi »

Aussi habile en zone mixte que balle au pied, le message semble en tout cas être passé auprès de notre Zizou national. Depuis ces déclarations, Isco retrouve du temps de jeu et la confiance tant espérée du coach français.

Papa poule d’un petit Francisco Jr, Isco est, à 26ans, dans la plus belle forme de sa vie. Si l’Espagne veut prétendre à régner de nouveau sur la planète football, cela passera forcément par un bon Isco.

L’inconnu : le numéro 9

Souvenez-vous, il y a quelques semaines, on vous dressait le portrait des potentiels avant-centres de l’Espagne à la Coupe du Monde. Les jours, les matchs, les buts passant, 2 attaquants semblent aujourd’hui avoir tiré leur épingle du jeu, et pas les plus connus.

En premier lieu : Rodrigo Moreno. Le cousin de Thiago Alcantara continue de transpercer les filets en Liga et porte à 16 son nombre de réalisations en championnat. Il s’est également distingué en marquant contre l’Allemagne lors du dernier rassemblement de la Roja.

En second lieu : Iago Aspas. Comme le bon vin, il se bonifie avec le temps. A l’aube de ses 31ans, le joueur de Vigo n’a jamais semblé aussi fort. Ni très rapide, ni très puissant, l’ex de Liverpool profite de son formidable sens du but pour comptabiliser 20 réalisations en Liga. Comme Rodrigo, il a su se servir du dernier rassemblement pour marquer des points, mais cette-fois face à l’Argentine : 1 but et 1 passe décisive en sortie de banc.

2 attaquants pour une place de titulaire, c’est l’équation que devra résoudre Julen Lopetegui d’ici au 15 juin. Un casse tête auquel vient se joindre la candidature de Diego Costa, avec un profil totalement différent, mais aussi Alvaro Morata, titulaire à l’Euro 2016. Non convoqué lors des amicaux du mois de mars, l’ancien du Real a toutefois les faveurs de Julen Lopetegui : « Morata a de très grandes chances d’aller au Mondial, et il le sait » confirme l’entraîneur basque le 20 mars dernier au micro de la Cadena Cope. Initialement prévue le 18 mai, la liste du sélectionneur espagnol a finalement été décalé au 21 mai. Une opportunité unique pour Morata de briller ce samedi face à Manchester United, et pourquoi pas rabattre les cartes. En cas de contre-performance, l’avant-centre de Chelsea ne devrait pas faire le voyage en Russie.

Notre pronostic : Rodrigo.

Le plus grand adversaire : son maillot blanc

Ah le blanc, cette couleur synonyme de pureté, d’innocence, de perfection… Blablabla ! Pour l’Espagne, le blanc, c’est surtout synonyme de malédiction et de véritable poisse.

Si vous vous remémorez les différents coups d’éclat de la Roja depuis 2008, vous n’y trouverez aucune trace de blanc. Constat simplet au premier abord, mais qui se vérifie depuis plus de 50ans. L’Espagne n’a JAMAIS gagné le moindre titre avec un maillot blanc en tenue extérieure. Pas même en 1964, date du premier sacre espagnol. Et quand on sait qu’Adidas nous a concocté un joli maillot extérieur blanc pour 2018… Loin d’une quelconque théorie du complot, nous allons essayer de vous montrer pourquoi une victoire finale de la Roja s’annonce… très compliquée.

En 2008, l’Espagne s’avance vers la Suisse et l’Autriche avec l’étiquette d’un outsider après son Euro 2004 totalement manqué (éliminé en poule par la Grèce et le Portugal) mais surtout après sa Coupe du Monde 2006 gâché en Allemagne (éliminée par la France/Franc Ribéry en 1/8èmes de finales). Deux compétitions où l’Espagne avait d’ailleurs pour maillot extérieur… un maillot blanc. Oups.

Crédit : Marca

Bref, revenons à 2008. Si le maillot à domicile se veut simple, quoique plus classe, le maillot extérieur se veut plus original, avec une dominante dorée. Signe du destin ou pas, la Roja remporte l’Euro et arrive avec la position de grande favorite en Afrique du Sud 2 ans plus tard.

On pari que vous n’arriverez pas à reconnaître le numéro 17 qui s’apprête à recevoir deux gros câlins de Xabi Alonso et Fabregas ! Crédit : Getty Images

2010, une année qui voit le retour d’un maillot extérieur bleu foncé, comme en 1964. Toujours pas de trace d’un maillot blanc, on se dit que l’Espagne peut légitimement aller au bout. Et devinez- quoi ? Bingo ! L’Espagne remporte le titre mondial en s’imposant face aux Pays-Bas en prolongation. Comme un symbole, la sélection alors emmenée par Vicente Del Bosque jouait la finale en tant qu’équipe extérieure, et donc… avec le maillot bleu.

Crédit : Getty Images

Avouez que vous commencez à y croire à notre petite théorie du maillot blanc tout poisseux ? Si ce n’est pas le cas, on espère (on vous promet) que les prochaines lignes finiront par vous convaincre.

2008/2010, période d’ultra domination espagnole donc, des maillots rouges, des maillots bleus, des maillots dorés… Todo bien. Todo perfecto. En pleine bourre, l’Espagne réalise même l’exploit de remporter un troisième titre consécutif en 2012, du côté de Kiev. Bien qu’un peu flashy, le maillot extérieur bleu ciel aura accompagné les derniers succès de la bande à Xavi et Casillas. Un maillot original qui vient conclure les 4 plus belles années du football espagnol, avec 3 trophées remportés sur 3 possibles. 4 années passées à arborer un maillot extérieur bleu ou doré, mais surtout pas blanc.

Et puis arrive 2014, aiie.

Dans un élan de confiance, Adidas et l’Espagne se disent qu’ils peuvent, ensemble, main dans la main, vaincre le sort et gagner en blanc. Erreur, grosse erreur. Nous sommes le 13 juin 2014, il est 17h45 (heure locale) à l’Arena Fonte Nova (Salvador). L’Espagne entre en lice face aux Pays-Bas, dans un remake de la finale de 2010. En ligne de mire, une seule et unique volonté : conserver son titre de champion du monde. 90 minutes plus tard, La Roja se retrouve genou à terre, obligée de plier face à Roben and co’. Score finale 5-1. La défaite la plus lourde (de conséquences) dans l’histoire de la sélection espagnole. Mais alors devinez de quelle couleur pouvait bien être le maillot porté par la bande à Sergio Ramos ce soir là ?

Roulement de tambour…

Réponse :

Crédit : L’Equipe

Voilà voilà. Si vous êtes un minimum superstitieux, vous ne voyez plus aucune chance pour la Roja de soulever la Coupe du monde le 15 juillet prochain. Si vous êtes plus optimiste, vous pouvez vous réconforter en vous disant que le maillot blanc de 2018 comporte quelques nuances de gris/argenté, et que donc la tenue est moins poissarde que par le passé.

Crédit : Adidas

Plus sérieusement, l’Espagne possède l’effectif et la dynamique pour dépasser quelconque type de malédiction. Elle avait d’ailleurs remporté la Coupe du Monde en 2010 après avoir perdu son premier match de poule, face à la Suisse. Une première dans l’histoire.

Reste qu’on ne comprend pas forcément cette volonté de faire perdurer un maillot blanc, véritable chat noir de la Roja depuis plusieurs décennies.

El oooonce

 

Le 11 qui pourrait être aligné face au Portugal le 15 juin prochain. Une équipe sans grand bouleversement mais avec 2 incertitudes : le poste d’avant-centre ainsi que, éventuellement, de 3ème milieu.

Si nous avons déjà débattu sur les candidats au poste de numéro 9, le milieu de terrain qui accompagnera les indiscutables Busquets et Iniesta fait également débat. Alors que Thiago Alcantara part avec un profil plus adapté à la conservation du ballon et aux passes clés, la préférence de Lopetegui va pour Koke. Ses atouts ? La course, beaucoup de course. Koke est un joueur infatigable qui travaille beaucoup avec et sans ballon. Un parfait mixe entre Iniesta et Busquets, et donc un profil totalement différent par rapport aux deux catalans. Sauf coup de moins bien, c’est bien le Rojiblanco qui sera titulaire le 15 juin prochain.

Dans le reste de l’équipe, on retrouve du grand classique en défense. Longtemps décrié, le duo Ramos-Piqué semble aujourd’hui revenir à son niveau de 2012. Si on enlève le match nul 3-3 en Russie, avec une équipe largement remaniée, la Roja n’a encaissée que 3 buts depuis juin 2017. Une défense d’ailleurs 100% Real-Barça avec Carvajal et Jordi Alba, indiscutables sur les côtés. Une arrière garde chargée d’épauler David De Gea, l’un des  meilleurs gardien en Europe actuellement.

Au milieu, la meilleure sentinelle du monde (de l’histoire?) Sergio Busquets retrouvera Andrés Iniesta, qui disputera probablement sa dernière compétition sous la tunique rouge. A 34 ans, celui qui a offert le titre mondial en 2010 voudra conclure en beauté une saison finalement assez compliquée en club (élimination précoce en Ligue des champions + performances en dents de scie). Et puisqu’il quitte le Barça, qu’il quitte l’Europe, et que les dieux du football lui doivent un ballon d’or… Vamos Andrés.

Devant, le pied gauche de David Silva et la magie d’Isco seront essentiels à une Roja redevenue ultra efficace devant les cages adverses (30 buts inscrits sur les 8 dernières rencontres). Le sélectionneur aura également, et pour la première fois depuis bien longtemps, de nombreuses possibilités pour tromper l’adversaire, entre prises d’espaces (Aspas/Rodrigo), fixation (Diego Costa), et possession (faux 9).

Iago Aspas et Rodrigo Moreno, les deux meilleurs buteurs espagnols de Liga / Mundo Deportivo

Le 14 juin prochain, l’Espagne rentrera en lice face au Portugal, du côté de Sotchi. Un adversaire qui lui réussi bien dans l’histoire récente des confrontations entre les deux équipes, avec deux victoires espagnoles coup sur coup, en 2010 en Afrique du Sud puis à l’Euro 2012. Mais la Roja a depuis bien évolué. Exit Del Bosque, bonjour Lopetegui. Au revoir la possession stérile et place à davantage de créativité, de risque. Cette Espagne qui s’est longtemps appuyée sur un seul et même modèle pourra cette fois compter sur Isco et Asensio pour dynamiter son avant-garde. Avec un onze titulaire aussi bien ficelé que modulable, difficile aujourd’hui pour les adversaires de lire clairement les plans d’une équipe aux multiples solutions.

Si brillante depuis 2ans, en qualifications comme en amical, l’Espagne devra encore élever son niveau de jeu pour prétendre remporter une deuxième couronne le 15 juillet prochain. Elle devra également trouver du répondant au moment d’affronter des équipes regroupées, plus athlétiques et évoluant en contre.

A un mois du début de la compétition, les adversaires de la Roja sont multiples, à commencer par elle même.

Pour compléter cet article, retrouvez notre présentation de l’équipe espagnole dans le 6ème numéro de Road To Russia :

Photo credits : Patrik STOLLARZ / AFP

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Journaliste en herbe, et pas prêt de tondre la pelouse!