La Roja cherche sang neuf

Après une Coupe du Monde 2014 totalement ratée et un Euro 2016 décevant, la Roja fonce vers la Russie avec des ambitions plein la tête. Julen Lopetegui intronisé sélectionneur national en juillet 2016, c’est tout un pays qui se met aujourd’hui à rêver d’un nouveau titre mondial, huit ans après la victoire finale en Afrique du Sud.

Avec un gardien de classe mondiale, une efficacité défensive retrouvée et un milieu de terrain gorgé de talent, les champions du monde 2010 font partie des grands favoris à la succession de l’Allemagne le 15 juillet prochain. Mais alors que tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, un débat est relancé depuis quelques semaines de l’autre côté des Pyrénées : qui pour occuper le poste d’avant-centre en juin prochain ? Entre joueurs décevants, vieillissants, mais aussi révélations, il est l’heure de faire un tour d’horizon des possibilités espagnoles dans un secteur de jeu qui leur a souvent fait défaut récemment.

Alvaro Morata, le choix de la raison

Un avant-centre puissant, efficace et intéressant au moment de combiner avec ses coéquipiers. Avec Alvaro Morata, l’Espagne a trouvé la perle rare au poste de numéro neuf. Enfin, c’est ce qu’on pensait.

Transféré à Chelsea l’été dernier contre un peu plus de 80 millions d’euros, l’international espagnol réalise un début de saison très encourageant avec les Blues. Avec six réalisations lors de ses six premiers matchs de Premier League, l’attaquant d’1m89 truste la Une des magazines britanniques entre août et fin septembre.

 

Crédit : Goal.com

 

Mais ça, c’était avant. Depuis quelques longues semaines, Chelsea semble malade. Défaites à répétition en championnat, Antonio Conte sans idées, et c’est tout le collectif de Chelsea qui semble plonger dans le doute.

Pour les observateurs, un joueur cristallise cette mauvaise période : Alvaro Morata. Le madrilène que l’on voyait comme le digne successeur de Diego Costa en début de saison suscite désormais l’interrogation outre-Manche. Plus que des interrogations, il suscite même de l’incompréhension si l’on s’attarde sur ses dernières performances sous le maillot londonien. Incapable de faire la moindre différence dans ses appels, de jouer juste avec ses partenaires, et surtout d’enquiller les buts. Tout l’inverse du Morata version août-septembre.

 

 

Mais alors comment un tel changement est-il possible ? En première ligne : sa blessure au dos, selon Antonio Conte :

« Nous avons du mal à trouver la solution aux problèmes de dos de Morata. Si vous me demandez s’il sera absent un jour, un mois ou le reste de la saison, je ne le sais pas, alors je suis un peu inquiet. »

Titulaire à Old Trafford il y a trois semaines, l’Espagnol n’a joué qu’une minute face à City la semaine suivante. Signe d’une légitimité qui commence sérieusement à s’épuiser pour lui à Chelsea. Signe aussi que le joueur de 25 ans vit l’une des périodes les plus compliquées de sa carrière, au plus mauvais moment.

Avec un Euro 2016 plutôt réussi et six buts marqués lors des éliminatoires pour la Coupe du monde, Morata continue toutefois de garder du crédit aux yeux de Lopetegui. Mais jusqu’à quand ?

Le faux numéro 9 : une valeur sûre

Quand on n’a pas d’attaquant, on joue… sans attaquant. C’est un peu le constat fait par Vicente Del Bosque juste avant l’Euro 2012. Un Euro finalement remporté grâce, entre autres, à une tactique osée : jouer sans avant-centre. Avec un David Villa (patience, on en parle juste en-dessous) pas remis à temps pour la compétition, c’est Cesc Fabregas qui fait office de point d’appui à l’avant. L’occasion pour La Roja d’asseoir un peu plus sa possession et son jeu de « tiki-taka », au détriment d’un jeu plus risqué et spectaculaire.

Sans bouleverser totalement sa manière de jouer, l’Espagne a aujourd’hui bien évoluée depuis l’arrivée de Lopetegui à sa tête. Privilégiant Alvaro Morata au poste de numéro 9, le successeur de Del Bosque n’en reste pas moins un homme qui aime prendre des risques.

Nous sommes le 2 septembre 2017 et l’Espagne joue un match capitale au Santiago Bernabeu, face à l’Italie. Alors que tout le monde (y compris Giampiero Ventura, alors sélectionneur italien) s’attend à voir Morata épauler Isco et David Silva à l’avant, c’est finalement Marco Asensio qui lui est préféré. Un choix très fort qui propulse ainsi Silva en pointe, laissant le côté droit de l’attaque au natif de Majorque. Et à choix forts, conséquentes fortes : l’Espagne écrase l’Italie 3-0 et livre sa plus belle performance collective depuis plus de trois ans.

Les raisons de cette réussite ? Le recours au faux neuf oui, mais surtout la mobilité du système proposé par Lopetegui. Si David Silva occupait la pointe sur la feuille de match, la réalité était pourtant toute autre.

 

 

Profitant de la grande polyvalence d’Isco et d’Asensio, le Citizen pouvait se permettre de dézoner et de se balader sur tout le front de l’attaque, quand les deux madrilènes se partageaient tour à tour l’axe. Un faux 9 qui n’est jamais le même donc, la clé du large succès de l’Espagne ce soir là.

Une alternative qui pourrait bien faire réfléchir le sélectionneur espagnol avant d’aligner son onze pour la rencontre face au Portugal le 15 juin prochain.

David Villa, le fantasme

Comme un symbole, ce 3-0 face à l’Italie est aussi l’occasion de revoir en action le meilleur attaquant de l’histoire de la sélection espagnole, quatre ans après l’avoir vu quitter le Brésil et la Coupe du Monde en pleurs.

 

Crédit : Marca

 

Bluffé par ses performances en MLS, Lopetegui décide de sélectionner David Villa et le laisse même profiter d’une formidable ovation à son entrée en jeu en fin de rencontre.

Mais ne nous voilons pas la face : les chances de voir « El Guaje » vêtir son numéro 7 fétiche à la Coupe du Monde sont très limitées. Victime d’une élongation à l’entraînement, Villa a dû quitter précipitamment ses coéquipiers le lendemain du choc face à l’Italie. Une malchance qui l’empêchera de participer au festival espagnol trois jours plus tard face au Liechtenstein (8-0) et de se montrer aux yeux du sélectionneur. A 36ans, c’était peut-être sa dernière chance. Malheureusement.

Reste qu’on a le droit de rêver. Reste qu’on a aussi le droit de se remémorer son magnifique but face au Chili en 2010. Nostalgie, quand tu nous tiens…

 

 

Diego Costa, à l’orgueil

Jouer une coupe du monde en ayant commencé sa saison en janvier. C’est le pari un peu fou que s’est lancé Diego Costa en signant à l’Atlético Madrid l’été dernier. Poussé vers la sortie par Antonio Conte à Chelsea, l’attaquant de 29 ans a décidé de revenir à ses premiers amours, quitte à devoir attendre six mois avant de jouer (l’Atlético étant privé de recrutement jusqu’en 2018). Un choix étonnant au premier abord, mais qui pourrait bien s’annoncer payant.

 

Crédit : EFE

13 rencontres plus tard, le numéro 18 compile déjà six buts et quatre passes décisives, faisant de lui l’un des hommes providentiels du retour en forme de l’Atlético depuis janvier. A tel point que l’imaginer dans la liste pour les matchs amicaux face à l’Allemagne et l’Argentine (liste dévoilée demain) paraît tout à fait plausible.

Petit bémol, l’avant-centre au sang chaud (attention, euphémisme) n’a jamais su trouver sa place dans une équipe d’Espagne très joueuse. C’est notamment lui qui était titulaire lors du fiasco de La Roja au Brésil en 2014. C’est aussi lui qui exaspère une partie du pays par son comportement très limite et par ses lacunes au moment de combiner aux abords de la surface.

Un joueur dont les qualités principales sont la puissance et la hargne peut-il vraiment se fondre dans un collectif ultra technique ? Si la réponse est positive, Diego Costa ne nous l’a en tout cas pas encore montré. Il lui reste trois mois pour changer la donne. Ou peut-être pas.

Rodrigo x Aspas : la gauche en puissance

Ils font tous les deux parties des petites retouches apportées par Julen Lopetegui depuis sa prise de fonction en juillet 2016. Performants avec Valence et Vigo, Rodrigo et Iago Aspas incarnent le renouveau offensif de La Roja version 2017/2018.

 

Crédit : El Desmarque

 

Gauchers, attaquants, les deux joueurs possèdent des profils pourtant assez différents l’un de l’autre. Des différences qui convergent toutefois au moment d’analyser leurs carrières respectives : jamais ils n’ont pu performer dans un top club européen, et n’ont donc pas de vraies références hors championnat. Un problème pour certains sélectionneurs, mais pas pour Lopetegui.

Iago Aspas en est justement le meilleur exemple. Jamais convoqué sous l’ère Del Bosque, l’attaquant de 30 ans enchaîne les sélections depuis novembre 2016 (il n’a loupé aucun rassemblement depuis cette date). Avec trois buts et deux passes décisives en sept sélections, il est l’un des Espagnols les plus prolifiques depuis deux ans. Très technique, souvent bien placé et à l’aise dans les petits espaces, le Galicien est le joueur espagnol par excellence. Le genre de joueur qui pourrait se régaler des ballons déposés par Iniesta and co’ en Russie.

Pour Rodrigo, la donne est un peu différente. Avec huit petites minutes jouées sous Del Bosque, l’hispano-brésilien revient de loin. Après un passage remarqué mais finalement irrégulier à Benfica entre 2010 et 2015, il est victime d’une rupture partielle du ligament croisé, seulement quatre mois après son arrivée à Valence. Après une nouvelle saison 2016-2017 galère du côté de Mestalla (le club finit 12ème de Liga), l’heure de la renaissance a visiblement sonnée pour le natif de Rio. Avec 15 buts et sept passes décisives en 34 matchs, il réalise en tout cas la saison la plus aboutie de sa carrière.

Très actif, Rodrigo est un joueur de profondeur qui adore prendre de vitesse les défenses adverses. Une caractéristique qui le distingue d’ailleurs de tous les autres attaquants espagnols. Son duo avec Simone Zaza est l’un des plus prolifiques du championnat d’Espagne et permet à Valence d’espérer prétendre à une qualification en Ligue des Champions en fin de saison. En sélection, Rodrigo a pris part aux deux derniers rassemblements de La Roja et s’est même offert un but face à l’Albanie en octobre dernier. Sauf surprise, il sera présent dans liste de Lopetegui demain midi.

Gerard Moreno x Mariano : surprise, surprise ?

Et puisque tout le monde adore les surprises, deux joueurs postulent actuellement très fort à la chasse au 23ème ticket, le fameux ticket que personne n’attend et qui peut s’avérer décisif.

Gerard Moreno est actuellement l’attaquant à la mode en Espagne. Apprécié par tous les spécialistes du championnat espagnol depuis de nombreuses saisons, il n’a jamais été aussi proche de vivre sa première convocation en sélection nationale. A 25ans, l’âge d’or pour un footballeur.

 

Crédit : Marca

 

Il faut dire que l’ancien joueur de Villareal a tout pour plaire : puissant, combatif, très précieux dans un collectif, Moreno est ce que l’on appelle un numéro 9 complet. Avec 15 buts en 34 rencontres, il maintient presque à lui seul l’Espanyol Barcelone hors de la zone de relégation. Il a d’ailleurs le privilège d’être le seul attaquant espagnol à avoir marqué à la fois contre le Barça et le Real Madrid cette saison. Le 27 février dernier, c’est lui qui assome la bande à Zizou avec une réalisation en toute fin de rencontre. Lopetegui a dû apprécier. S’il ne figure pas dans la liste pour la Russie, il mérite en tout cas d’être testé pour les deux amicaux à venir.

L’autre joueur à la mode, mais cette-fois ci en France, c’est Mariano Diaz. Après avoir visité en long et en large le banc du Real la saison dernière, le Dominicain est l’une des plus grosses gâchettes de notre championnat de Ligue 1. Un pur buteur qui ne loupe pas l’occasion de gonfler ses chiffres, quitte à énerver ses coéquipiers et supporters. Avec 18 buts marqués sous le maillot de l’Olympique Lyonnais, l’attaquant de 24ans espère en tout cas avoir sa chance avec La Roja, comme il le confie dans les colonnes de l’Equipe en décembre dernier :

« Pour être appelé, il faut que je continue à travailler encore plus, à marquer des buts et tenter de progresser dans tous les domaines. J’espère que la porte est ouverte et pourquoi pas être sélectionné un jour »

Reste à savoir si Lopetegui prendra le risque de sélectionner un joueur qui n’a, à priori, pas les qualités pour sublimer une équipe d’Espagne qui s’appuie énormément sur son collectif pour marquer des buts. International dominicain à une reprise (en 2013), Diaz est en tout cas sélectionnable avec l’Espagne, le match République Dominicaine-Haïti auquel il a pris part étant amical.

Crédit : Getty Images

 

A trois mois du coup d’envoi de la Coupe du Monde en Russie, le poste d’avant-centre constitue la plus grosse inconnue d’une Espagne en pleine reconquête.

Après avoir dominé la planète football pendant plus de quatre ans, La Roja fait partie des grandes favorites au sacre mondial le 14 juillet prochain. Si tout semble réuni pour qu’elle puisse accomplir cette mission, l’absence d’un buteur d’envergure dans ses rangs pourrait lui coûter cher au moment de jouer des équipes plus regroupées.

Motif d’espoir : Julen Lopetegui emmènera quoiqu’il arrive plusieurs attaquants dans ses bagages. Si Alvaro Morata et Iago Aspas semblent partir avec de l’avance, il n’est pas à exclure que le sélectionneur décide de tester d’autres attaquants dans les matchs amicaux à venir. Débarrassé d’un rôle trop prévisible, le faux numéro 9 pourrait également revenir à la mode si l’on se fie aux nombreux tests effectués par le sélectionneur durant les qualifications.

Du côté de l’Histoire, l’absence d’un numéro 9 indiscutable ne semble pas toujours peser au moment de vouloir décrocher le Graal. La France en 1998 ou plus récemment l’Allemagne en 2014 en sont l’illustration, à l’échelle internationale. Le Portugal en 2016 a lui su trouver un système adapté pour combler son absence de pur avant-centre et remporter l’Euro.

Lopetegui a quoiqu’il arrive devant lui plus de 80 jours pour trouver la bonne formule. D’ici là, nul doute que les performances de chacun des candidats seront passées au crible chaque week-end, pour le plus grand plaisir des médias espagnols. Rendez-vous demain pour connaître les premiers nominés ! (Liste aux alentours de 12h).

Crédit photo: JORGE GUERRERO / AFP

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Journaliste en herbe, et pas prêt de tondre la pelouse!