[Coupe du Monde] Corée du Sud : quand le grand d’Asie veut devenir un grand tout court

Pour la dixième fois de son histoire, la Corée du Sud va prendre part à une Coupe du Monde. C’est le pays d’Asie le plus souvent qualifié, loin devant le Japon et ses six participations. Jeune nation, indépendante depuis 1948 et seulement un an après la fin de la guerre de Corée, elle dispute son premier mondial en 1954, en Suisse. C’est seulement la deuxième participation d’une nation asiatique à une Coupe du Monde (après les Indes orientales néerlandaises). Pour son tout premier match, les « Guerriers Taeguk » se font atomiser 9 à 0 par le grand favori du tournoi : la Hongrie de Ferenc Puskás. La Corée du Sud entre donc dans l’histoire de son continent, mais également de la compétition en encaissant le plus grand écart de buts lors d’un match de Coupe du Monde.

Elle parvient à se qualifier à nouveau pour la Coupe du Monde 1986, au Mexique. Sauf en 2002 et 2010, elle ne dépassera jamais le premier tour. Habituée de la compétition, la plus grande nation footballistique d’Asie est sur une impressionnante série de 9 participations consécutives à une phase finale de Mondial. C’est mieux que la France, l’Angleterre et les Pays-Bas. Seul le Brésil, l’Argentine, l’Allemagne et l’Espagne peuvent se vanter de faire mieux.

Cette année, les Coréens viendront en Russie avec sans aucun doute la meilleure équipe de leur histoire. Ils devront affronter l’Allemagne, la Suède et le Mexique. Leurs chances d’accrocher une seconde place sont bel et bien réelles !

L’exploit historique de 2002

En 2002, la Corée du Sud accueille la Coupe du monde sur son sol. Les Guerriers Taeguk, menés par leur attaquant vedette Ahn Jung-hwan, débutent la compétition de la meilleure des façons. Ils marquent deux buts à la Pologne, le tout en pratiquant un football technique et offensif. Ils obtiennent un nul face aux Etats-Unis et arrachent la qualification face au Portugal.

Pour son tout premier huitième de finale, la Corée affronte l’Italie au cours d’un match controversé. Nul doute que l’arbitre colombien de la rencontre ait joué un rôle prépondérant dans la qualification des locaux. D’abord, il ne siffle pas un pénalty évident pour une faute sur Totti dans la surface, et l’exclut pour simulation. Dans la foulée, il refuse un but à Tommasi pour un hors-jeu imaginaire. En fin de prolongations, c’est Ahn, alors attaquant de Pérouse en Italie, qui envoie le ballon dans les filets de Buffon. Pour la petite histoire, le contrat de l’attaquant coréen sera rompu dès le lendemain par son club.

Opposés à l’Espagne en quarts de finale, les Coréens viennent à bout de la bande à Raúl après la séance de tirs au but. Deux autres buts avaient été refusés préalablement en faveur de la Roja. Le pays du matin calme devient ainsi la première nation asiatique à atteindre le dernier carré d’une Coupe du monde. Le rêve prend tout de même fin face à l’Allemagne, après un but de Michael Ballack. Lors de la petite finale, les Coréens encaissent le but le plus rapide de l’histoire du Mondial par l’inévitable Hakan Sükür après 10,8 secondes de jeu. Ils s’inclinent 3 à 2 et terminent la compétition au pied du podium.

Les coréens après leur victoire face à l’Espagne, via VICE Sports

La Corée à la conquête de l’Europe

Qu’est-ce que la sélection coréenne a de plus aujourd’hui qu’elle n’avait pas en 2002 ? De l’expérience européenne. Depuis cette Coupe du monde, nombreux sont les clubs à faire confiance aux nouvelles générations de joueurs coréens.

Le pionnier de cet exode se nomme Cha Du-ri. Il n’est autre que le fils de Cha Bum-geun, le légendaire attaquant coréen ayant brillé avec Frankfurt et Leverkusen dans les années 80. Il gagne par ailleurs une Coupe de l’UEFA avec chacune des deux équipes. Au bon souvenir du paternel, son fils est recruté par Leverkusen en août 2002. Il passe également deux saisons à Frankfurt et dans de nombreux autres clubs allemands. Il découvrira ensuite l’Écosse avec le Celtic, avant de retourner en Allemagne puis de rentrer au pays.

L’exemple le plus marquant est forcément celui de Park Ji-sung. Arrivé au PSV Eindhoven en 2003, il vit ses plus belles heures dans le Manchester United de Sir Alex Ferguson. Il passe en tout sept années à Manchester, remporte à quatre reprises la Premier League et soulève une Ligue des Champions en 2008. Mais il n’est évidemment pas le seul. Lorsque Park arrive à Eindhoven, il débarque avec son compatriote Lee Young-pyo. Le latéral gauche joue plus de cent matchs aux Pays-Bas avant de découvrir lui aussi l’Angleterre. Il rejoint Tottenham en 2005, et Dortmund trois ans plus tard.

En 2008, on découvre le jeune attaquant Park Chu-young du côté de l’AS Monaco. Il fait le bonheur du club pendant 3 saisons, et inscrit au total 26 buts avec le club de la Principauté. Il connaît ensuite une longue descente aux enfers après s’être engagé avec Arsenal.

Meilleur ailier de K-League (le championnat coréen) en 2008, Lee Chung-yong se révèle en 2009 en Europe du côté de Bolton. Il inscrit 20 buts en 6 saisons et signe ensuite à Crystal Palace. L’autre révélation coréenne de l’année, c’est Ki Sung-yueng du Celtic. Arrivé de Séoul, il s’impose rapidement en Écosse avant de rejoindre le Pays de Galles et la Premier League avec Swansea. Il est aujourd’hui une valeur sûre du championnat, un pilier en sélection et est supervisé par Everton.

Les talents les plus récents sont arrivés après le Mondial 2010 en Afrique du Sud. Il fera probablement parti de la liste des 23 sélectionnés par Shin Tae-yong : le latéral gauche Park Joo-ho. Il fait ses premiers pas européens avec le FC Bâle en 2011, où il remporte deux championnats. Il part découvrir la Bundesliga avec Mayence, et signe au Borussia Dortmund en 2015. Même cas de figure par Ja-cheol Koo, actuellement à Augsbourg, passé par Wolfsburg et Mayence.

Cette année, du côté de Salzbourg s’est révélé le jeune attaquant Hwang Hee-chan. Tout juste âgé de 22 ans, la pépite coréenne a inscrit 13 buts cette saison et délivré 4 passes décisives. Considéré comme l’une des plus grandes promesses du continent asiatique, les scouts de Tottenham étaient en Autriche lors de la demi-finale face à l’OM pour l’observer et voient en lui une future star. Doté d’une sacrée pointe de vitesse en plus d’être un dribbleur explosif, il a tout pour faire parler de lui dans les années à venir. Il devrait s’inscrire dans le onze des Guerriers Taeguk pour cette Coupe du monde.

L’autre coup de cœur de la saison, c’est Kwon Chang-hoon. Arrivé en France comme un parfait inconnu, il a su grâce à ses efforts et son jeu, gagner l’affection et le respect de toute la Ligue 1. Avec ses 10 buts, celui qui a pour idoles Park et Messi est un grand artisan des résultats, et du maintien de Dijon. Percutant et technique, il était titulaire lors du dernier match de la Corée du Sud. Blessé au tendon d’Achille lors de la dernière journée de Ligue 1 contre Angers, il ne sera finalement pas du voyage en Russie.

Chang-hoon Kwon, pari réussi pour Dijon! via @Ligue1Conforama

Un nouveau sélectionneur, des résultats moyens mais un Leader !

A la tête de la sélection depuis peu, le bilan de Shin Tae-yong est relativement négatif. Il succède à l’Allemand Uli Stielike, ex international passé par le Real Madrid à la fin des années 70. La goutte d’eau qui fait déborder le vase est la défaite face au Qatar lors des éliminatoires.

Malgré des débuts assez encourageants pour Shin à la tête de la sélection, le début d’année 2018 est contrasté. Avec deux défaites, un nul et une victoire, la dynamique est loin d’être positive pour la bande de Son. Lors des JO de 2016 à Rio, il était pourtant parvenu à atteindre les huitièmes de finale en terminant premier de sa poule devant l’Allemagne et ses jeunes stars. L’aventure avait pris fin face au Honduras.

Ce que l’on constate, c’est que pour le moment, Shin Tae-yong n’a pas encore su trouver d’équilibre dans son équipe. De tous les dispositifs qu’il a pu mettre en place depuis sa prise de fonction en juillet 2017, aucun ne prédomine sur un autre. Il a d’abord arboré un traditionnel 4-2-3-1 avant d’opter pour un 3-4-3 mais les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Les victoires coïncident avec la mise en place d’un 4-4-2 à plat, avec deux milieux récupérateurs. Malgré une tentative de 5-4-1 lors du dernier match face à la Pologne, qui s’était par ailleurs soldé par une défaite, il est probable que le 4-4-2 soit le dispositif adopté pour le Mondial.

Le 14 mai dernier, Shin Tae-yong convoque une liste de 28 joueurs. Parmi les sélectionnés, on retrouve une surprise : Lee Seung-woo. Le jeune ailier gauche de 20 ans célèbre par ailleurs sa toute première sélection avec l’équipe A. Longtemps considéré comme un prodige, celui que l’on surnomme le « Messi coréen » a fait ses gammes à La Masia et évolue aujourd’hui au Hellas Vérone.

Le sélectionneur a également appelé pas moins de douze défenseurs car c’est le gros point faible de l’équipe. Les défenseurs coréens manquent cruellement d’expérience au (très) haut niveau !

« Il y a une raison pour laquelle j’ai appelé autant de défenseurs. Actuellement, il m’est très difficile de composer la ligne arrière. Je voudrais faire des choses, mais je ne peux pas » déclarait ainsi le coach Shin.

Au milieu de terrain, on peut s’attendre à retrouver Ki Sung-yueng et un Park Joo-ho repositionné à la récupération. L’excellent Lee Jae-sung devrait occuper l’aile gauche. Milieu offensif de formation, il est souvent utilisé sur ce côté en sélection et brille par son jeu de passes et sa vision. Il est le joueur qui dicte le rythme, capable d’accélérer le jeu lors des contre-attaques ou de le calmer.

Pour ce qui est de son attaque, la Corée pourra s’appuyer sur son grand espoir Hwang Hee-chan et sur sa star Son Heung-min. Celui qui quittait son pays à l’âge de 16 ans pour rejoindre Hambourg est désormais le leader suprême (sans mauvais jeu de mot) de cette équipe. Son signe au Bayer Leverkusen et se met si vite en valeur que Franz Beckenbauer le compare déjà à Bum-geun Cha.

Après deux années passées au club, il rejoint Tottenham, devenant ainsi le joueur asiatique le plus cher de l’histoire. Sa première saison avec les Spurs lui permet de s’adapter à sa nouvelle vie, son nouveau statut et de prendre définitivement ses repères. Il hausse très nettement son niveau lors des deux saisons suivantes et devient peu à peu une référence à son poste. Surnommé « Sonaldo » en référence à Cristiano, il a en commun avec le portugais sa rapidité, sa faculté à éliminer en un contre un et une redoutable frappe de balle.

Son aura la lourde tâche de mener son équipe vers les huitièmes de finale… Et pourquoi pas de permettre à tout un pays de rêver, comme en 2002.

 

Photo : Jung Yeon-je / AFP

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