À 27 ans, Margot Dumont officie chaque semaine sur les bords de terrains de Ligue 1, de Ligue 2 et de Ligue Europa en tant que journaliste pour beIN Sports. Elle connaît le football sur le bout des doigts pour en jouer et en regarder depuis ses premiers pas. Elle s’apprête à couvrir la sélection allemande lors de la Coupe du monde 2018 qui sera à suivre en intégralité sur beIN Sports. Nous avons eu la chance de nous entretenir avec elle, juste avant son départ pour la Russie.
Tu t’es imposée dans un milieu où on a longtemps considéré qu’il était réservé aux hommes. Est-ce que, pour toi, voir des femmes à l’écran participe au regain d’intérêt du football féminin ?
Je trouve ça très bien d’avoir une parité dans les médias, au-delà de la mode qu’il peut y avoir en ce moment. C’est important, car certains corps de métiers ne peuvent pas être réservés exclusivement aux hommes ou aux femmes. C’est bien qu’il y ait de plus en plus de femmes dans notre milieu. Je vois cela d’un œil très positif car cela démocratise le sport féminin et participe à la féminisation du métier.
Entre ton métier de journaliste, ta carrière de footballeuse (au FF Issy en D2), comment arrives-tu à gérer tout ça, en plus de ta vie personnelle ?
C’est une organisation, c’est sûr. Pour moi, mon travail n’est pas une contrainte, de même pour le football. Dès lors que tu exerces une passion, je pense que c’est beaucoup plus facile à vivre. Je gère comme je peux et j’ai un mari qui est conciliant.
Tu manges foot, tu vis foot, tu respires foot en fait. Tu n’as pas peur de te lasser ?
Absolument pas. Cela fait 27 ans que je joue au foot, il n’y a pas de raison que je me lasse et pour l’instant, je ne pense pas que ce soit le cas un jour.
Tu interviens dans « Le décrassage de Luis » tous les lundis. Est-ce que tu te verrais jouer un rôle plus important dans une émission, en tant que présentatrice par exemple ?
Pourquoi pas, cela peut être intéressant. Si une opportunité se présente, moi je suis prête à la saisir. J’aimerais bien animer une émission autour de la Ligue 1 par exemple. Mais pour le moment, le rôle que j’ai au sein de la chaîne me correspond tout à fait.
Quels sont tes objectifs ?
Mon objectif est de devenir incontournable sur la couverture des matchs de Ligue 1 comme a pu le devenir Laurent Paganelli sur Canal +.
C’est un exemple pour toi ?
Oui, pour moi c’est un exemple en terme de longévité dans le milieu. Je respecte beaucoup son travail. Je le trouve très bien dans son rôle. C’est une personne que j’apprécie beaucoup dans la vie privée. Paga’, il a son style, on a beau le critiquer mais il est comme il est. C’est un modèle.
Le plus difficile en tant que journaliste de bord de terrain est parfois de trouver les bonnes questions pour éviter d’avoir un banal « l’important c’est les 3 points » comme réponse. Comment fais-tu pour éviter ce genre de situation ? Est-ce qu’il arrive que tu ne saches pas quoi poser comme question ?
Je fonctionne beaucoup à l’instinct et au feeling. La clé c’est de savoir « Qu’est-ce que je veux que mon interlocuteur me dise ? » ou du moins d’avoir une idée de ce que l’interlocuteur va répondre. À partir du moment où tu sais ça, cela t’aide à bien formuler la question pour qu’il te réponde ce que tu souhaites entendre ou en tout cas, que ça prenne la direction que tu voulais. C’est basé sur ce que je vois, sur ce que j’entends, sur l’environnement, sur ce qu’il se passe sur le terrain… La deuxième clé c’est de poser une question ouverte. L’interlocuteur ne doit pas pouvoir répondre par « oui » ou par « non ». Si tu lui balances « Alors vous avez fait une bonne première période ? », tu prends beaucoup de risques. Alors que si tu lui dis, par exemple « Vous avez fait une bonne première période, puis il y a eu des moments compliqués. Comment vous l’expliquez ? », ça passe tout de suite mieux. Il faut toujours des interrogations avec des « Comment », des « Pourquoi », etc.
Est-ce qu’il y a une différence entre la journaliste de bord de terrain que tu es et un journaliste qui intervient dans une conférence de presse, dans le sens où tu mets en valeur le joueur que tu interview alors que l’autre va plutôt chercher à le pousser dans ses derniers retranchements ?
Non, je dirais que c’est même pire. Quand je suis confronté aux joueurs je les cueille à chaud, car l’arbitre vient de siffler la mi-temps ou la fin du match. Quand ils arrivent, c’est leur première réaction alors qu’en conférence de presse, ils ont un peu plus de recul. Il n’y a pas de grande différence. Que ce soit un joueur que je connais bien, que j’apprécie ou pas, je pose mes questions par rapport à ce qu’il vient de se passer. Je vais prendre l’exemple de Jérémy Sorbon, le défenseur de Guingamp. Il avait fait une erreur sur un but que son équipe avait encaissé. Du coup je l’ai titillé par rapport à ça, je ne me suis pas gêné alors que pourtant, je m’entends bien avec lui. C’est mon rôle de journaliste. L’approche est juste différente entre le bord de terrain et la conférence de presse.
L’amitié est-elle compatible avec la profession selon toi ?
Bien sûr, il n’y aucun souci là-dessus. L’important est de mettre une certaine distance afin de rester professionnelle et avoir un certain recul pour l’analyse. Une fois que le match est terminé et que j’ai rendu mon micro, je fais ce que je veux. Si je veux aller boire un verre avec un ami, j’y vais. Il faut simplement s’imposer des limites de manière à bien gérer le côté pro et l’amical.
Tu as déjà couvert la sélection allemande lors de l’Euro 2016, qu’est-ce que t’a apporté cette expérience ?
Cette expérience a été très enrichissante professionnellement. Cela m’a permis de découvrir comment se déroulait de l’intérieur une grande compétition internationale. J’ai eu beaucoup d’heures d’antennes ce qui m’a permis de maîtriser plus facilement les directs. Relationnellement aussi, j’ai passé un mois avec l’équipe d’Allemagne, des journalistes allemands, la Fédération… C’est un tout mais c’est vrai que cela m’a permis de franchir un cap, m’a donné confiance et m’a donné encore plus envie d’évoluer dans le métier.
Tu as récemment interviewé Thomas Tuchel, le nouvel entraîneur du PSG, qu’as-tu pensé de cet homme ?
J’ai eu une très bonne impression. Le contact est très bien passé dès notre premier regard, puis ensuite entre nos échanges pendant et hors antenne. C’est quelqu’un de très sympathique, à l’écoute et drôle malgré ce que l’on peut croire car ce n’est peut-être pas ce qu’il dégage. Alors est-ce que c’est parce que je suis une femme ? Peut-être, mais ça s’est plutôt bien passé. Je suis très contente qu’il soit là.
Sportivement, penses-tu qu’il peut faire passer un cap au PSG ?
Je pense que Thomas Tuchel peut apporter quelque chose au club, qu’il n’avait pas eu jusque-là. C’est une personne rigoureuse autant sur sa manière de diriger, que sur le plan tactique. Il faut voir si ça marche parce que c’est une mentalité anglo-saxonne qui est très éloignéd de la mentalité française. En tout cas, je pense qu’il peut créer la surprise. Maintenant, il faut que les joueurs l’écoutent et adhèrent à son discours. Si c’est le cas, il pourra faire de bonnes choses.
Ton pronostic pour la Coupe du Monde ? Est-ce que tu penses que l’Allemagne peut aller chercher un nouveau titre ?
L’Allemagne en est tout à fait capable. C’est une équipe qui répond toujours présente dans les grands rendez-vous. Après je ne sais pas trop si elle ira en finale car cela dépendra du tableau et de la forme du moment. Ce qui est sûr, c’est que les Allemands seront très solides.
La non sélection de Leroy Sané a fait beaucoup débat, as-tu un avis ?
En sélection, il n’a jamais été capable d’apporter ce qu’il aurait dû. Il n’est pas à son niveau ou en tout cas, il est décevant. Il est aussi nonchalant ce qui n’est pas très apprécié par le sélectionneur, Joachim Löw. Il n’avait pas participé à une Coupe des confédérations sous prétexte qu’il se faisait opérer du nez. Il aurait pu la repousser, ce que le staff n’a pas aimé. Puis, il faut aussi regarder l’effectif à son poste avec des joueurs étincelant comme Marco Reus et Julian Draxler. La concurrence est énorme. Je ne suis pas trop surprise au final.
Quelles sont les principales différences entre le foot allemand et le foot français selon toi ?
C’est une question de mentalité de jeu. Disons qu’en France, on a toujours cette mentalité défensive de « ne pas prendre de but ». Pour discuter avec pas mal d’entraîneurs au quotidien, c’est la philosophie qui revient souvent avant une rencontre. Il y a toujours cette crainte en France de prendre des buts. Et inversement avec le football allemand. Quand on regarde la différence de but, toutes les équipes prennent beaucoup de buts et en marque énormément en retour. Même le Bayern Munich. Pour en avoir parlé avec des joueurs français partis là-bas, ils prennent énormément de plaisir car c’est un jeu beaucoup plus ouvert que chez nous.
En tant que franco-allemande, s’il y avait une finale France – Allemagne, tu serais pour qui ?
Je serais plutôt pour l’Allemagne car c’est vraiment la nation qui m’a fait vibrer bien avant la France. Et pour suivre cette équipe en tant que journaliste, c’est vrai que l’Allemagne est formidable. Mais bon après cela se joue à très peu. Si la France gagne, je serais très contente aussi.
S’il y avait une surprise dans cette Coupe du monde, ça serait qui pour toi ?
Il pourrait y avoir une petite surprise du côté du Pérou. L’équipe reste sur une impressionnante série de matchs sans défaite et marque beaucoup de buts. Il y aura Paolo Guerrero qui jouera (alors qu’il avait été suspendu pour dopage, ndlr). Je les sens bien donc je mettrais une petite pièce sur le Pérou pour aller en huitièmes, voire en quarts.
Un grand merci à Margot pour sa disponibilité. Toute l’équipe lui souhaite une bonne continuation et un bon mondial.
Crédits photos : Panoramic / beIN Sports