Cruel Summer pour Manchester United

« Le président de mon club sait ce que je veux. Il ne reste plus que quelques jours, donc j’attends de voir ». Une simple phrase peut paramétrer toute une saison. José Mourinho le sait mieux que tout le monde, une intersaison réussie concorde très certainement avec une saison réussie. Manchester United doit bonifier son excellente fin de saison dernière et pour cela, l’équipe doit se renforcer. Les arrivées rapides de Diogo Dalot et Fred envisageaient un mercato parfaitement mené par le club mais c’est tout le contraire qui est entrain de se passer. À quelques heures de la fermeture du marché anglais, Manchester United est dans le flou le plus complet, au point où l’on se demande si le Portugais tiendra toute la saison.

I don’t like by José Mourinho

« J’aimerais avoir deux joueurs supplémentaires, mais je n’en aurai pas deux ».
Résignation, nom féminin. Fait d’accepter sans protester ; tendance à se soumettre. José Mourinho vit ce qui ressemble à l’un des mercatos les plus compliqués de sa carrière. Un été interminable où le coach portugais navigue entre désarroi, frustration et déception. Pourtant, le mercato mancunien semblait être simple à gérer. Un joueur par ligne, un latéral et un joueur de couloir, la donne semblait être claire. Et pourtant, Manchester United n’a signé qu’un espoir en tant qu’arrière droit : Diogo Dalot. Mais aussi Fred, milieu à tout faire du Chakhtar. Toujours pas d’Alderweireld, ni de Perisić, ni d’Arnautović et encore moins de Kovacić ou Kroos. Le club s’est vu être sage sur le marché malgré l’instance de son coach.

La conséquence de ce mercato attentiste a entraîné le départ du directeur du recrutement, Javier Ribalta. L’ancien pensionnaire de la Juventus a plié bagage après avoir contribué à l’arrivée des deux seules recrues estivales. L’Espagnol a rallié la Russie et le Zénith plutôt que de continuer du coté de Manchester. Le point de désaccord entre lui et le club (surtout Mourinho) est sur la question du défenseur central. Alors que Ribalta avait plutôt proposé au club et à Mourinho de se pencher sur le cas de Kalidou Koulibaly, José María Giménez ou Jérôme Boateng entre autres, le Portugais n’a que trois noms en tête : Toby Alderweireld, Yerry Mina et Harry Maguire.

L’obsession du Mou pour ces trois défenseurs dépasse l’entendement. Les 73 millions d’euros offerts par les Red Devils pour Maguire ressemblent à un moyen de calmer les ardeurs du Portugais. Finalement, c’est le Belge de Tottenham qui semble tenir la corde pour venir du côté d’Old Trafford pour environ 67 millions d’euros. Une offre colossale quand on sait que l’ancien de l’Ajax est en fin de contrat l’été prochain. Avec l’arrivée d’Alderweireld, Mourinho aurait enfin le défenseur tant espéré pour renforcer son socle défensif, véritable chantier depuis son arrivée. Mais une interrogation émerge du plus en plus chez les supporters. Quel rôle à le board dans ce mercato attentiste ? Depuis que l’ancien manager de Chelsea est du côté de Carrington, Ed Woodward a toujours fait en sorte de donner satisfaction à son entraîneur. Au point de surpayer un Alexis Sánchez à 6 mois de la fin de son contrat ou de casser sa tirelire pour payer Paul Pogba et Romelu Lukaku. Mais aujourd’hui, la direction se voit plus réticente face aux exigences du Portugais. Une réflexion logique lorsqu’on se met dans la peau de Woodward et du reste du board. José Mourinho n’arrive pas à maximiser le potentiel de toutes ses recrues. Pogba, Bailly, Lukaku, Matić, Lindelöf, Mkhitaryan, Alexis, Ibrahimović, tous ont signé durant le mandat du Special One. Environ 344 millions d’euros investis en quatre mercatos mais aucun n’a passé de cap depuis qu’il a rejoint Manchester. Voire pire, certains ont perdu du temps dans leur progression, on pense notamment à Pogba, Bailly et surtout Mkhitaryan et d’autres ont complètement disparu des radars comme Lindelöf. Logiquement, le board est plus réticent avant de répondre aux demandes de Mourinho. Après deux saisons au club, le natif de Setúbal est dans le creux de la vague. Probablement l’année de trop pour lui ?

Cruel Winter 2018 ?

« Did you realize, that you were a champion in their eyes ». Bien malin celui qui pouvait prédire une telle chute pour Kanye West après avoir sorti une telle punchline en septembre 2007. Une chute vertigineuse qui ressemble un peu à celle de José Mourinho. Après avoir touché le graal en 2010 avec My Beautiful Dark Twisted Fantasy et le triplé avec l’Inter, les deux grands protagonistes des années 2000 ont vu leurs carrières se détériorer. Le constat est évidemment plus dur pour Mourinho. Alors qu’il faisait l’unanimité du coté de MU, sa crédibilité à pris un gros coup. Au point où même ses propres joueurs n’ont plus l’air déterminé à se battre pour lui. Le cas Martial a créé la discorde dans la communauté Red Devils. L’international français a raté quelques jours de la préparation estivale. La cause ? La naissance de son premier enfant. Face à un tel événement, l’ancien monégasque a logiquement voulu rester auprès de sa femme qui a été victime de complications lors de l’accouchement. Mais face au retard de son joueur, le coach portugais l’a piqué en conférence de presse « Son bébé est né, un beau bébé, en bonne santé grâce à Dieu. Mais il devrait être de retour et il n’est pas là… ». Une réaction qui contraste avec celle de Jürgen Klopp qui préfère que son Nathaniel Clyne reste avec son nouveau né autant de temps qu’il souhaite.

Le cas d’Anthony Martial a exaspéré le Mou mais aussi le board. Le Portugais a longtemps entendu qu’il laisserait volontiers l’ancien attaquant monégasque partir. Une idée que la direction ne semblait pas partager jusqu’à cette histoire de paternité et de départ sans prévenir du camp de stage. Le board a beau laisser carte blanche à Mourinho, la relation entre les deux partis s’est tendue ces dernières semaines. Une autre situation interroge, la progression des joueurs de l’Academy et celles de certains du groupe professionnel. Marcus Rashford, Anthony Martial, Paul Pogba, Eric Baillly ou Victor Lindelöf donnent l’impression de stagner depuis quelques mois, José Mourinho n’arrivant pas à faire passer un cap à tout ces joueurs qui étaient considérés il y a encore quelques mois comme des cracks en puissance. Le cas des joueurs formés par l’Academy devient suspect. Considérée comme l’une des meilleures du pays, elle continue à former des très bons jeunes mais peu se font une place au sein de l’effectif mancunien. Si McTominay fait figure d’exception, Axel Tuanzabe, Andreas et Joel Pereira ou Timothy Fosu-Mensah enchaînent les prêts sans pour autant avoir leur chance à MU. Alors que Louis van Gaal donnait un peu plus de crédit (par défaut certes), José Mourinho pense différemment. Pour l’entraîneur portugais, « Les jeunes joueurs doivent jouer avec les équipes de jeunes. C’est là où est leur place. Les bons jeunes joueurs que nous avons sont trop jeunes. Nous n’avons pas de bons joueurs de 20/21 ans. »  Un message clair pour une génération de joueurs qui performent depuis quelques saisons en catégorie de jeunes.

Le club déroge depuis quelques saisons à son principe de faire confiance aux jeunes. Mais un point est à souligner : depuis l’arrivée de José Mourinho, le club a gagné des trophées. Un Community Shield, une League Cup et une Europa League parlent en faveur du technicien portugais. S’il ne fait plus l’unanimité au sein du vestiaire, ses titres apportent un argument en sa faveur. Le board lui fait évidemment confiance mais jusqu’a quand ? Mourinho va t-il tenir jusqu’au prochain Boxing Day? C’est la question que tout le monde se pose.

Crédit Photo : Robyn Beck / AFP.

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« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois.»