Valeri Lobanovski : l’homme qui fit les grandes heures du Dynamo Kiev

Il y a eu Cruyff l’entraîneur, Guardiola, Mourinho et tous ceux que l’on connaît de nos jours. Mais bien avant, un homme un peu moins connu que les noms cités a marqué le football de son empreinte : Valeri Lobanovski. le Soviétique puis Ukrainien (après l’effondrement de l’URSS) a apporté quelque chose. Il a non seulement réalisé de grandes prouesses mais a aussi placé Kiev sur la carte européenne du football. Portrait d’un des hommes les plus importants de l’histoire soviétique.

 

Une carrière de joueur plus ou moins consistante

Valeri Lobanovski naît en 1939 à Kiev dans l’ancienne URSS. Il débute en professionnel à 18 ans au Dynamo Kiev en tant qu’ailier gauche. Il avait l’habileté de marquer directement sur corner. Son palmarès en tant que joueur n’est pas énorme, mais il a déjà réalisé une prouesse. Depuis sa création en 1936, le championnat d’URSS est dominé par les clubs moscovites, notamment le Spartak et le Dynamo dans les années 1950. En 1961, le Dynamo Kiev est champion d’URSS et le premier club hors Russie à le devenir. Il faut quand même souligner que le club terminait souvent deuxième plusieurs saisons. Après sept saisons passées à Kiev, Lobanovski rejoint un club d’Odessa : le Tchernomorets, puis il termine sa carrière au Shakhtar en 1968 à 29 ans. Il compte seulement deux sélections en URSS et totalise tout de même un peu plus de 200 matchs en club.

 

Sélection Soviétique et club : le Dynamo c’est Lobanovski, Lobanovski c’est le Dynamo

Le jeune soviétique commence à entraîner dès 1969. Son premier club est le Dnipro Dinpropetrovsk qu’il prend en seconde division soviétique. À la fin de la saison 1970-1971, l’équipe monte en première division après l’avoir remportée. Il s’en va en fin de saison 1972-1973, laissant le Dnipro à la huitième position du classement.

Sa première expérience terminée, il retrouve le club de ses débuts en tant que joueur : le Dynamo Kiev. Celui-ci a déjà cinq titres de champion d’URSS. depuis son premier en 1961, le club a remporté le championnat en 1966, 1967, 1968 et 1971. Quand Lobanovski arrive, voilà deux ans que Kiev n’a pas rapporté un trophée, butant à la seconde place du classement. Première saison, titre de champion d’URSS. Qui dit gagnant du championnat dit C1. Le système de qualification est cependant différent car le championnat d’URSS se déroule sur l’année civile et non entre septembre d’une année et mai de l’année suivante. Par exemple, le Dynamo finit champion de l’année 1971, il est donc qualifié pour l’édition 1972-1973 de la C1. En 1974, le club de Kiev s’offre le doublé coupe-championnat. Il va en Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe édition 1974-1975. Les hommes de Loba touchent au but et remportent la C2 contre Ferencváros sur le score de 3-0. Voilà donc le premier titre européen remporté par un club soviétique. Le Dynamo Moscou avait réussi à se hisser jusqu’en finale de cette compétition en 1972 mais avait perdu face aux Glasgow Rangers. 1975 est un grand cru pour le football soviétique et pour le Dynamo Kiev car Oleg Blokhine, attaquant vedette et meilleur buteur de l’histoire du club, gagne le ballon d’or. Tout n’est cependant pas terminé. L’année dorée continue avec la victoire en Supercoupe de l’UEFA face au vainqueur de la C1 : le grand Bayern des Müller, Beckenbauer ou encore Maier. Le Dynamo remporte les deux matchs à Munich puis à Kiev, 1-0 puis 2-0. Et tout se finit en apothéose avec encore une fois un sacre de champion d’URSS édition 1975, le Dynamo ira donc en C1 pour la saison 1975-1976 que l’on connaît bien.

La fameuse édition 1975-1976 de la Coupe des clubs champions européens. Sur toutes les fois où le Dynamo Kiev a participé à la C1, il n’a jamais passé les huitièmes excepté une fois où ils font leur meilleur résultat : un quart de finale en 1972-1973 (éliminés par le Real Madrid). Revenons-en à 1976. Les hommes de Mister Valeri atteignent une seconde fois les quarts face aux Verts de Saint-Étienne. Ils remportent le match aller 2-0 à Simferopol. Le match retour est un grand classique du football français. Les Stéphanois remontent deux buts et les prolongations s’imposent. Qui c’est les plus forts ? Évidemment c’est les Verts. Ils marquent un troisième but et iront jusqu’en finale à Glasgow. Énorme déception pour les Soviétiques en Europe une fois de plus. La saison suivante lors de l’édition 1976-1977, Lobanovski réalise un coup de génie et passe à la vitesse supérieure. Encore au rendez-vous en quart de finale, son Dynamo élimine le triple tenant du titre : le Bayern Munich. Ayant perdu 1-0 au match aller, ils remportent le retour 2-0. Ils chuteront en demi-finale face au Borussia Mönchengladbach.

En 1978, Lobanovski termine vice champion d’URSS et remporte seulement la Coupe d’Union Soviétique. En 1981, il arrête d’entraîner le club et se consacre entièrement à la sélection soviétique pour la Coupe du monde 1982. Au premier tour, l’URSS du Mister se retrouve dans le groupe 6 avec le Brésil, l’Écosse et la Nouvelle-Zélande. Le Brésil termine logiquement premier et l’URSS termine à la seconde place avec une victoire contre les Néo-Zélandais, un match nul face à l’Écosse et une défaite quelque peu logique face aux Brésiliens. Les Soviétiques s’arrêtent au second tour de la compétition dans un second groupe composé de la Pologne et de la Belgique. Cette fois, la première place est la seule qualificative pour la demi-finale, les Polonais l’obtiennent.

Le Dynamo Kiev se porte mal sans son entraîneur iconique. Il a besoin de lui. Lobanovski revient à la charge en 1984. Le Dynamo n’est plus champion depuis l’année 1981, le club a seulement remporté une coupe d’URSS en 1982. Aussitôt revenu sur le banc de Kiev, le grand Valeri remporte le championnat en 1985 et une nouvelle coupe nationale qui les envoie en C2 pour l’édition 1985-1986. Le Dynamo Kiev est de nouveau champion d’Europe en 1986. Il remporte sa deuxième Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe face à l’Atletico Madrid à Gerland sur le même score d’il y a onze ans : 3-0. Et qui dit C2 avec Lobanovski dit Ballon d’Or. Lobanovski est une véritable machine. Après Blokhine en 1975, c’est au tour de l’attaquant Igor Belanov de remporter la récompense individuelle ultime.

De 1984 à 1990, le Mister reprend une nouvelle fois les rênes de la sélection soviétique tout en restant au Dynamo où il remporte encore le championnat en 1986 et 1990 avec une Coupe d’URSS également en 1990. Avec la sélection, les résultats sont cette fois beaucoup plus convaincants qu’en 1982. Lors de la Coupe du monde 1986, l’URSS est dans le groupe C avec la France, la Hongrie et le Canada. Un match nul face aux Français et deux victoires face aux Hongrois et Canadiens permet aux Soviétiques de prendre le chemin des huitièmes de finale contre la Belgique. Les Diables Rouges l’emportent 4-3 en prolongation. Vient ensuite l’Euro 1988. Dans le groupe 2 avec les Pays-Bas, l’Irlande et l’Angleterre, les hommes de Lobanovski terminent premiers avec un match nul face aux Irlandais et deux victoires contre les Néerlandais et les Anglais. Ils éliminent ensuite l’Italie en demi-finale et retrouvent les Pays-Bas de Rinus Michels en finale. Encore une fois, la marche est haute et l’URSS s’incline 2-0 face à des Gullit et Van Basten au sommet de leur forme. Dernière compétition, la Coupe du monde 1990. Un échec cuisant avec une dernière place au premier tour.

 

Les Émirats, retour au Dynamo puis Ukraine : la pluie, le beau temps et la fin

Valeri Lobanovski n’arrive plus. Il quitte une URSS sur le point d’éclater et part dans un premier temps aux Émirats Arabes Unis pour entraîner la sélection entre 1991 et 1994, puis le Koweït entre 1994 et 1996. Contrats juteux à la clé forcément, le voyage est court et les résultats manquent. L’expérience n’est pas bonne. Il rentre en Ukraine. Le Dynamo cette fois-ci se porte bien et marche sur le championnat ukrainien. Il a remporté toutes les éditions depuis 1992-1993. Lobanovski reprend les commandes en janvier 1997. Il a à sa disposition un duo d’attaque jeune et efficace. Le premier est Sergueï Rebrov, un nom que l’on connaît beaucoup moins que le second, un certain Andriy Chevtchenko. Sur le plan national, rien à dire, la domination est totale : quelques doublés coupe-championnat mais chaque année Kiev est champion d’Ukraine. Au niveau européen, le club ne brille plus comme il a brillé lors de son époque soviétique. Aussitôt en poste, le grand Valeri donne un dernier éclat à ses supporters en Ligue des champions.

Saison 1997-1998, les hommes de Lobanovski se retrouvent dans le groupe C de la compétition. Un groupe relevé car il est composé du FC Barcelone, du PSV Eindhoven et de Newcastle. Encore une fois les Ukrainiens impressionnent. Ils viennent donner une leçon au Camp Nou, écrasant les Catalans 4-0 après les avoir battus une première fois à Kiev 3-0. Ils s’imposent également à Eindhoven 3-1. Lobanovski réalise encore un coup de maître, plaçant son équipe à la première place du groupe avec trois victoires, deux nuls et une défaite. Mais la malédiction des quarts de finale est encore présente et le Dynamo cale contre la Juventus, qui perdra en finale contre le Real.

Et pourtant, ce n’est pas fini. Tel un Stakhanoviste, Valeri en veut encore et revient la saison suivante en 1998-1999. Groupe E : Dynamo Kiev, RC Lens, Arsenal et Panathinaïkós. Encore une fois, première place avec le même ratio que la saison passée. De nouveau en quart de finale, le « petit poucet » ukrainien se retrouve face au tenant du titre : le Real Madrid. Match aller, 1-1 au Bernabeu, tout ne semble pas perdu. Match retour à l’Olimpiski : Kiev exulte 2-0, le tenant du titre est éliminé. Les revoilà en demi-finale après 1977 où ils avaient aussi éliminé le tenant du titre. L’adversaire est de taille : il s’agit du Bayern. Le Dynamo impressionne et mène 2-1 à la mi-temps, doublé de Sheva. 3-1 cinq minutes après le début de la seconde période, il faut maîtriser la situation. Mais le football est cruel, Munich revient à trois partout et anéantit quasiment les chances de finale du Dynamo. Les Munichois gagnent 1-0 chez eux et s’inclineront en finale contre Manchester United.

Comme la fin d’une ère, le duo phare Rebrov-Chevtchenko quitte Kiev. Sheva s’en va pour Milan en 1999 et Rebrov pour Tottenham un an plus tard. Lobanovski reste en place et prend également un deuxième costume : sélectionneur de la sélection ukrainienne. Sa mission : assurer la qualification pour la Coupe du monde 2002. Son Dynamo brille toujours en Ukraine mais n’arrive plus à passer les poules en Europe. La sélection ukrainienne se retrouve dans le groupe 5 avec la Pologne, la Biélorussie, la Norvège, le Pays de Galles et l’Arménie. Les Ukrainiens se hissent en deuxième position derrière les Polonais, ils doivent donc passer par les barrages. Le sort en est jeté, ce sera l’Allemagne, qui a fini derrière l’Angleterre. Le match aller à Kiev en novembre 2001 se solde par un nul 1-1. Impuissants au retour à Dortmund quatre jours plus tard, l’Allemagne écrase les Bleus et Jaunes 4-1 et file en Asie. Lobanovski échoue encore. Il meurt quelques mois plus tard en 2002 suite à un AVC.

 

Valeri Lobanovski aura eu une vie riche. Véritable icône à l’Est, il a fait énormément pour le football soviétique et a placé Kiev sur la carte du football. Et à titre posthume, un nouveau Ballon d’Or est sorti de son usine deux ans après son décès. Comme un symbole, Andriy Chevtchenko va poser sa récompense sur sa statue en guise de recueillement en 2004. Il était déjà venu un an plus tôt avec la Ligue des champions remportée avec l’AC Milan. Et l’ancien du Milan et de Chelsea le dit lui-même : sans lui, sa carrière n’aurait sans doute pas été comme celle que l’on a connue. Le stade de Kiev est renommé à son nom et aujourd’hui encore, on peut voir de jeunes supporters du Dynamo brandir des drapeaux à son effigie. Il laisse derrière lui une vitrine extrêmement bien remplie ainsi que trois Ballons d’Or et bon nombre d’entraîneurs s’en inspirent encore actuellement.

 

Andrey Shevchenko, forward for AC Milan and the Ukrainian national team lays a wreath on the monument to Valeriy Lobanovski, his football teacher and coach, Kiev, 03 June 2003. Shevchenko, one of the heroes of the Champion’s League final, returned home to take part in the EURO-2004 qualifying match between Ukraine and Armenia. AFP PHOTO/DIMA GAVRISH / AFP PHOTO / DIMA GAVRISH

Crédit Photo : Sergei Supinsky / AFP.

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