Cristhian Stuani, un Matador peut en cacher un autre

Depuis Girona, Christhian Stuani truste la troisième place du classement des buteurs de
Liga. C’est l’histoire d’un mec capable de planter autant de buts qu’Edinson Cavani,
Cristiano Ronaldo et Sergio Aguero en championnat cette saison, mais pas de placer le
H au bon endroit de son prénom.

Il s’agit certainement d’une des images les plus marquantes de la Coupe du monde. Cristiano
Ronaldo, aidant Edinson Cavani à quitter la pelouse. La France moyenne du football est alors
trop occupée à célébrer la blessure de celui qui vient de planter un doublé fatal au champion
d’Europe portugais et à saluer, une fois de plus, la fameuse « chatte à Dédé ». Il faut dire que
son remplaçant est totalement inconnu au bataillon. Cristhian Stuani, 32 ans, attaquant de
Girona – ou Gérone en VF. Sous son air bonhomme, l’intéressé se positionne alors comme
sixième meilleur buteur de La Liga 2017-2018 derrière Messi, Ronaldo, Suarez, Aspas et
Griezmann (21 buts en 33 matchs). Pas mal pour un joueur qui n’est pas entouré des cadors du
championnat, sans faire injure à Mojica, Granell et toute la bande. Aujourd’hui, le voilà numero
tres du classement avec huit réalisations, une de moins que Messi et Suarez. Personne ne
l’avait vu venir, mais le natif de Tala, petite ville de 5000 habitants du sud de l’Uruguay, est au
sommet de sa carrière. Avant le match des Bleus face à la Céleste, il y avait au moins un
français qui le connaissait, c’était Antoine Griezmann.

Un « joueur Europa League »

Le Colchonero l’avait qualifié d’« attaquant chiant et bon de la tête. » Tout pile. « Grizi » a visé
juste et les deux hommes auraient même pu évoluer ensemble cette saison. L’Atlético Madrid
avait flashé sur son profil, cet été, mais l’idée a finalement rapidement été mise de côté. « Stu »,
comme le surnomment ses coéquipiers, ne fait pas partie de la crème de la crème. C’est un
« joueur Europa League ». D’ailleurs, Andoni Zubizarreta, actuel directeur sportif de l’OM,
l’autre finaliste de la dernière C3, était également sur le coup. Finalement, les Phocéens ont
préféré rempiler une année supplémentaire avec Kostas Mitroglou. En Espagne, on estime que
sa clause libératoire, fixée à 15 M€, est un réel cadeau malgré la trentaine dépassée. C’est
pourquoi Quique Carcel, le secrétaire technique gironiste, s’empresse de chercher à prolonger
le contrat du goleador, qui court actuellement jusqu’en 2020.

Catalogne, terre fertile

Mais avant d’attirer le haut du panier, Stuani est passé par de sinueux chemins. « J’ai dû aller
dans la capitale dès l’âge de treize ans et je n’aimais pas y rester pour vivre », expliquait-il à
Super Deporte, en août 2010, en référence à son début de carrière au Danubio FC, à
Montevideo. Réel espoir du club à l’époque, il cartonne et obtient son passeport pour l’Europe.
Direction la Reggina. En Italie, tout ne se passe pas aussi bien qu’au pays. Il est prêté trois fois
de suite en Espagne – Albacete, Levante et Racing Santander – avant d’être vendu à
l’Espanyol Barcelone. Comme si la Catalogne était le lieu parfait pour son football, c’est chez
les Pericos qu’il marque le plus les esprits avec une grosse centaine de matchs joués en trois
saisons. Seulement, le club doit rééquilibrer ses comptes et se voit obligé d’accepter l’offre de
4M€ de Middlesbrough. En Championship, si l’Uruguayen inscrit un but décisif contre Brighton à
la dernière journée qui valide le ticket de l’équipe pour l’élite, son rendement laisse grandement
à désirer. La saison suivante, en Premier League, est encore pire. Il est alors temps de
retourner en Catalogne, la terre la plus fertile pour son football. Pas à l’Espanyol, ni au Barça,
mais à Girona. Le club vient de monter et découvre la Liga pour la première fois de son histoire.Là-bas, un homme se révèle essentiel dans la carrière de Stuani : Pablo Machin.

« Ni Suarez, ni Cavani, Cristhian Stuani »

L’ascension des Blanquivermells est en grande partie due à l’entraîneur qui a décidé de
rejoindre le FC Séville l’été dernier. Lorsqu’il voit débarquer l’attaquant uruguayen, Machin
décide de l’installer à la pointe de son 3-4-2-1, avec les flèches Portu et Borja Garcia sur les
côtés permettant de l’alimenter en centres. Avant, Cristhian Stuani était généralement utilisé en
soutient de l’attaquant ou même comme ailier. Comme si ça avait toujours été son poste, il
prend très rapidement ses marques en numéro neuf et met à profit son talent de finisseur.
Résultat : il est l’auteur de presque la moitié des buts de Girona dans son histoire en Liga (29
sur 63) et peut se targuer d’avoir inscrit trois buts contre le Barça, cinq contre le Real et deux
contre l’Atlético. Naturellement, les supporters de l’actuel 9e du championnat espagnol s’en
abîment les cordes vocales. « Ni Suarez, ni Cavani, Cristhian Stuani », chantent-ils à la gloire
de leur buteur.

N°1 en Europe

Pas toujours très agréable à voir jouer, le gaillard sait se montrer efficace. Surtout grâce à ses
coups de casque. Il a terminé la saison dernière comme meilleur buteur européen de la tête à
égalité avec Maxi Gomez, doublure de… Luis Suarez au Mondial. « C’est un gars très à l’aise
dans les airs, confie Asier del Horno, coéquipier de Stuani à Levante. Il peut apporter du
danger, surtout s’il se fait oublier dans le dos de la défense. C’est un fin stratège, il faut le
surveiller en continu. » Le média uruguayen Ovación le qualifie même de « cauchemar pour les
défenses » et de « killer. » Deux jolis compliments pour un attaquant qui ne peuvent malgré tout
être résumés seulement à un timing et une détente. Il y a un excellent jeu de tête, mais pas
que. Ça fonctionne à l’intérieur aussi.

L’autre Matador

Toutes ces caractéristiques ajoutées aux innombrables buts en une touche de balle qu’il a
inscrit depuis qu’il est à Girona, à son sens du sacrifice, son flair, son placement et à sa
« garra », la ressemblance avec Edinson Cavani ne peut que sauter aux yeux. C’est d’ailleurs
cet esprit de combativité ainsi que cette capacité à se mettre au service de l’équipe qui lui a
ouvert les portes de la sélection nationale. « J’ai été seulement convaincu de l’appeler quand
l’Espanyol l’a aligné sur l’aile droite. Après ça, j’ai gardé un œil sur lui », avoue Oscar Tabares
dans en conférence de presse. « Stuani aime le contact, le combat, ajoute Asier del Horno. S’il
faut établir un rapport avec Cavani, peut-être qu’il ne possède pas sa vitesse et sa puissance
de tir, mais sinon, c’est pareil. Son hygiène de vie est exemplaire, il souhaite offrir le maximum
à son équipe. C’est typiquement le joueur que tu veux avoir avec toi sur le terrain. Il lutte, il
travaille… »

El Matador de Tala

La dernière troublante similitude entre les deux joueurs n’est pas dans leur style de jeu, mais
dans leur surnom. Stuani aussi est qualifié de « Matador ». Le « Matador de Tala ». « Je suis
né dans une très petite ville d’Uruguay qui s’appelle Tala, c’est là que j’ai grandi, raconte-t-il. Ma
famille, mes parents et mes sœurs vivent là-bas. Le surnom est apparu quand j’ai commencé
en première division avec Danubio. Les buts sont venus rapidement et, depuis les gradins, ils
ont commencé à me chanter « Matador ! Matador ! » pendant les matchs. Ensuite, « Tala »
s’est ajouté. » Lors du quart de finale contre l’Equipe de France, ce petit monde a malgré tout
dû rester un poil plus silencieux.

Crédits photos : Miquel Llop/NurPhoto

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