Le coach de Tottenham a la cote en Europe. Les récentes rumeurs l’envoient même au Real Madrid mais lui ne veut pas entendre parler d’un départ. Quatre saisons après son arrivée, Mauricio Pochettino est persuadé d’une chose : il peut encore faire progresser son équipe.
« Les fans doivent savoir que je suis à 100% focalisé sur Tottenham. Et je travaille très dur pour aider le club à atteindre ce que nous voulons tous. » Mauricio Pochettino se voulait rassurant lors d’une conférence de presse donnée le 9 novembre dernier en marge du déplacement à Crystal Palace. Ces derniers temps, le coach de Tottenham doit régulièrement démentir les rumeurs qui l’envoient du côté du Real Madrid. Mais pour Pochettino, pas question de parler de départ. Aussi déterminé sur le banc que quand il défendait sur le pré les couleurs du Paris Saint Germain, l’Argentin est convaincu que sa mission auprès des Spurs n’est pas terminée.
Progression fulgurante
Les convoitises ne viennent pas de nulle part. En moins de dix ans, Mauricio Pochettino s’est imposé comme un entraîneur reconnu de la planète football. Cette reconnaissance s’est forgée en bonne partie du côté du nord de Londres. Quand il prend les rênes de l’équipe à l’été 2014 après deux saisons passées sur le banc de Southampton, Tottenham ne pèse pas grand-chose dans la course au titre. Orpheline de Gareth Bale et Luka Modric partis quelques saisons plus tôt, l’équipe ne boxe pas dans la même catégorie qu’un big four au sein duquel Manchester City a remplacé son voisin United. Tottenham termine sixième à dix points d’une quatrième place synonyme de barrages qualificatifs pour la Ligue des Champions. Face aux quatre meilleures écuries du royaume, le bilan est terrible : zéro victoire en huit matchs. Quatre saisons et trois podiums plus tard (dont une deuxième place en 2017), plus personne ne prend les Spurs à la légère. Pochettino et ses gars ont même fait forte impression l’année dernière sur la scène européenne. L’équipe termine première de son groupe, comptabilisant deux victoires contre le Borussia Dortmund et un superbe succès 3-1 à Wembley face aux champions d’Europe en titre du Real Madrid.
Malgré une élimination en huitième de finale face à la Juve, cette campagne continentale symbolise à elle seule la progression des Spurs et ses ambitions retrouvées. C’est tout le travail aussi bien physique que mental mis en place par l’Argentin qui est récompensé. Repéré à l’âge de quatorze ans par un certain Marcelo Bielsa, le gamin de Murphy, au nord-ouest de Buenos Aires, a très vite adhéré aux principes du mentor. Dès son arrivée à Londres, Pochettino impose une méthode de travail ultra rigoureuse. Le nouveau manager s’investit à fond et attend la même chose de ses joueurs. Les séances d’entrainement s’enchainent avec une rare intensité et n’ont rien à envier à celles d’ »El Loco. Les joueurs apprennent les vertus de la souffrance et se forgent un mental par la même occasion. Le travail foncier développé à l’entrainement porte ses fruits. Défense ultra solide (la meilleure du royaume à l’issue des saisons 2015-2016 et 2016-2017), pressing haut, exploitation maximale des couloirs : l’identité de jeu s’affirme et les Spurs accrochent régulièrement des victoires de prestige à leur tableau de chasse, à l’image du sévère 0-3 infligé aux Red Devils sur leur pelouse d’Old Trafford le 28 août dernier.
La réussite de Mauricio Pochettino tient aussi à sa capacité à faire éclore de jeunes talents. Lui n’avait que 18 ans quand il a remporté le championnat argentin avec les Newell’s Old Boys. Sous ses ordres, les jeunes poussent des Spurs bénéficient d’un encadrement renforcé. Elles savent que leur chance viendra si elles se conforment aux exigences d’un coach aussi pointilleux que bienveillant. Ce n’est pas un hasard si Harry Kane, Christian Eriksen, ou encore Dele Alli se révèlent tous les trois sous ses ordres. Proche de ses joueurs, c’est sur le plan de la gestion humaine que Pochettino se distingue le plus de Bielsa. Il lui arrive même de revêtir les traits de José Mourinho quand il défend corps et âme ses joueurs face aux journalistes. Dernière exemple en date : sa déclaration virulente à l’issue de la défaite 2-1 à Giuseppe Meazza en Ligue des Champions face à l’Inter Milan le 19 septembre. Questionné sur le choix de laisser Trippier et Alderweireld à la maison, l’Argentin s’emporte : « Quelle question ! Elle est facile celle-là hein ! […] Vous ne respectez pas les joueurs qui ont joué ce soir (hier) et qui ont montré leurs qualités face à l’adversaire […] Pour moi, c’est facile, je suis sur la touche, je ne cours pas. Donc ça fait mal d’entendre des gens assassiner des joueurs qui donnent le meilleur d’eux-mêmes. Ce n’est pas juste. » Les mots sont forts, la colère est sincère.
Briser le plafond de verre
Reste à savoir si Mauricio Pochettino peut tirer cette équipe encore un peu plus haut. Privés de titres depuis dix ans et une victoire en coupe de la Ligue, les supporters des Spurs commencent à trouver le temps long. Toujours placé, Tottenham n’est pas parvenu à ramener à la maison un titre de Champion d’Angleterre que les fans attendent depuis 1961. Malgré un début de saison solide sur le plan comptable (27 points sur 36 possibles, une quatrième place à cinq points du leader Manchester City), Tottenham peine à convaincre dans ce nouvel exercice. Diminué dans le jeu, les Spurs souffrent de l’absence de joueurs de marque comme Eriksen et Alli. Du côté de Wembley, où l’équipe évolue à domicile en attendant la livraison de son nouveau stade, les victoires s’obtiennent souvent au forceps ces derniers temps.
Mauricio Pochettino a lui-même exprimé ses inquiétudes. Quelques jours avant le choc face à Manchester City, il déclare : « La saison à ce jour, c’est étrange parce que j’ai le sentiment que c’est le pire sentiment que j’ai eu au cours des cinq dernières années. J’ai ce sentiment, mais c’est le meilleur départ pour le club en Premier League. C’est étrange, non ? » Selon le quotidien britannique The Telegraph, le technicien argentin serait frustré par le manque de moyens mis sur la table par ses dirigeants à l’intersaison et par le retard de livraison de leur nouvel écrin de White Hart Lane. Si le deuxième argument s’entend parfaitement, Pochettino n’a en revanche jamais fait part publiquement de sa frustration quant au mercato estival des Spurs. Au contraire, le technicien argentin s’est réjoui à plusieurs reprises de la capacité du club à garder ses meilleurs éléments. Signe de la confiance qu’il accorde au projet sportif, l’ancien coach de l’Espanyol Barcelone a rempilé jusqu’en 2023 en mai dernier. Certes, rien ne nous assure qu’il ira au bout de son contrat. On ne résiste jamais éternellement aux sirènes des plus grands. Lui n’a en tout cas pas hésité à (re)déclarer sa flamme pour le club affirmant vouloir « rester à Tottenham toute [sa] carrière ». Alors un brin romantique Mauricio ? Ça tombe bien nous aussi.
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